Les mesures d’atténuation des GES et des PCDV aident à stabiliser le climat en diminuant les polluants ayant pour effet d’élever les températures dans le monde et d’accélérer les changements climatiques. Par ailleurs, les stratégies d’atténuation des changements climatiques peuvent présenter un éventail d’avantages accessoires indirects pour la santé (Markandya et coll., 2018). Les plus importants sont les avantages accessoires pour la santé liés à la diminution de la pollution atmosphérique par les facteurs suivants : l’atténuation des changements climatiques qui limite la pénalité climatique; certains polluants climatiques (carbone suie, ozone, etc.) qui contribuent à la pollution atmosphérique soit directement, soit comme précurseurs; des changements dans les activités de l’industrie et des transports qui diminuent les émissions de PCDV et de GES de longue durée et qui peuvent aussi réduire les polluants atmosphériques ordinaires qui sont émis en même temps (Smith et coll., 2014). L’usage répandu des véhicules électriques propulsés par une énergie à faibles émissions de carbone peut, par exemple, constituer une stratégie d’atténuation des GES qui pourrait avoir pour autre effet d’accroître la qualité de l’air. Ainsi, les mesures d’atténuation des changements climatiques sont l’occasion d’intégrer les objectifs de stabilisation du climat aux objectifs de réduction des impacts sur la santé de la pollution atmosphérique, ce qui pourrait compenser les coûts de mise en œuvre de ces mesures (Thompson et coll., 2016).
Dans les études portant sur les avantages accessoires pour la santé en matière de pollution atmosphérique des stratégies d’atténuation des GES, un scénario de politique prévoyant une forte atténuation des GES et des baisses concomitantes des émissions de polluants atmosphériques est comparé à un scénario d’atténuation limitée des GES et d’accroissement concomitant des émissions de polluants atmosphériques. La valeur économique des avantages accessoires pour la santé en matière de pollution atmosphérique permet d’intégrer les avantages accessoires à un cadre de lutte contre les changements climatiques plus général, et la rentabilité et l’optimisation possible de diverses mesures d’atténuation des GES, qui peuvent imposer un fardeau économique à la société, peuvent être examinées. Des études font état des avantages accessoires pour la santé en valeur monétaire totale en dollars ou en avantage marginal par tonne d’équivalent CO2 qui est réduite. Sauf indication contraire, les avantages accessoires pour la santé liés tant aux PM2,5 qu’à l’ozone sont évalués dans les études qui seront passées en revue plus loin.
Dans une analyse mondiale des mesures d’atténuation des GES selon le scénario RCP 4.5, il a été estimé que les avantages accessoires pour la santé en matière de pollution atmosphérique au Canada pourraient varier de 4 500 à 6 500 décès prématurés évités chaque année entre 2030 et 2100 par rapport au scénario de référence lié aux projections des RCP (West et coll., 2013) (tableau 5.2). Selon les estimations, les avantages accessoires aux États-Unis seraient supérieurs d’environ un ordre de grandeur (West et coll., 2013; Zhang et coll., 2017). Il a été estimé que, dans le monde, l’évolution des émissions permettrait d’éviter 0,5 million, 1,3 million et 2,2 millions de décès par exposition combinée à l’ozone et aux PM2,5 en 2030, 2050 et 2100 respectivement. Selon les estimations, les avantages accessoires marginaux pour la santé moyens à l’échelle mondiale seraient d’une valeur monétaire de 50 $ à 380 $ la tonne de CO2 (tCO2) (en dollars américains de 2005), ce qui dépasse les coûts marginaux de réduction des GES en 2030 et 2050 dans cette analyse et compense en partie ces mêmes coûts en 2100 (West et coll., 2013). Pour les États-Unis, la valeur marginale des décès évités liés à l’ozone et aux PM2,5 variait selon les estimations de 45 $ à 137 $/tCO2 (en dollars américains de 2005) (Zhang et coll., 2017).
D’autres études ont évalué les décès liés à la pollution atmosphérique qui ont été évités dans le contexte des voies d’atténuation des changements climatiques en fonction de cibles précises d’élévation future de la température moyenne à la surface du globe par rapport à un scénario de référence. Les avantages accessoires de la réduction de la pénalité climatique en matière de pollution atmosphérique aux États-Unis ont fait l’objet d’une estimation pour deux scénarios d’atténuation des changements climatiques faisant intervenir des hausses respectives de 2,5 °C et 2,0 °C de la température moyenne à la surface du globe (Saari et coll., 2019). Les deux scénarios en question ont retranché aux impacts combinés de l’ozone et des PM2,5 sur la santé des milliers et des dizaines de milliers de décès pour 2050 et 2100 respectivement et ont fait voir à l’horizon 2100 pour les PM2,5 des avantages supérieurs de 40 % au titre de la politique la plus rigoureuse en comparaison avec la politique la moins rigoureuse. En 2100, les risques de pollution atmosphérique (par l’ozone et les PM2,5) tenant aux changements climatiques auront diminué de 70 % à 88 % dans les scénarios de politique. De même, l’estimation des avantages accessoires pour la santé aux États-Unis d’une limitation du réchauffement planétaire en 2100 à une hausse de 1,5 °C fait voir 11 000 et 52 000 décès prématurés évités respectivement en 2050 et 2100 sur tout le territoire américain par rapport à un scénario de référence où l’élévation de la température moyenne à la surface du globe est de 6 °C. Ces avantages accessoires pour la santé sont respectivement évalués à 150 milliards et 1,3 billion de dollars américains (en dollars américains de 2005) respectivement, ce qui équivaut à un taux de 25 $ (IC à 95 %, soit de 9 $ à 42 $) par tonne d’équivalent CO2 (tCO2e) et de 122 $ (IC à 95 %, soit de 45 $ à 207 $) par tCO2e (Garcia-Menendez et coll., 2015).
Dans une analyse à l’échelle planétaire, Vandyck et coll. (2018) ont examiné les conséquences sur la qualité de l’air en 2100 de l’application de deux scénarios d’atténuation des GES, en fonction des baisses d’émissions découlant des contributions déterminées au niveau national, ce qui donne des valeurs respectives dans le premier cas de 2,5 °C à 3,2 °C et dans le deuxième de 2,0 °C d’élévation de la température moyenne mondiale à l’horizon 2100. À l’échelle mondiale, les décès liés à la pollution atmosphérique qui ont été évités en 2050 sont estimés entre 0,3 et 0,5 million pour le scénario des contributions déterminées au niveau national et entre 0,7 à 1,5 million pour le scénario de 2 °C, y compris environ 20 000 à 25 000 décès évités aux États-Unis. Le moment choisi pour l’adoption des mesures est susceptible d’influer sur l’ordre de grandeur des avantages accessoires accumulés pour la santé. Il est estimé, par exemple, qu’environ 150 millions de décès liés à la pollution atmosphérique dans le monde pourraient être évités au cours de ce siècle si des mesures de réduction des émissions de carbone visant à limiter le réchauffement à 2 °C étaient appliquées plus tôt que tard dans ce laps de temps (Shindell et coll., 2018).
Une autre étude à l’échelle mondiale a expressément porté sur les avantages accessoires possibles pour la santé en matière de pollution atmosphérique si les cibles de 1,5 °C et 2 °C de variation des températures de l’Accord de Paris étaient atteintes, et les a comparées avec les coûts d’atténuation correspondants des scénarios de politique climatique (Markandya et coll., 2018). À l’échelle mondiale, il a été estimé que la valeur économique des avantages accessoires pour la santé l’emportait sur les coûts d’atténuation dans tous les scénarios en question; le rapport entre les avantages accessoires pour la santé et les coûts d’atténuation des changements climatiques variant dans ce cas de 1,4 à 2,45. En ce qui a trait aux éventuels avantages accessoires pour la santé, le meilleur potentiel appartenait à la Chine et à l’Inde, mais des avantages accessoires importants étaient également estimés tant pour l’Union européenne que pour les États-Unis. Dans l’ensemble, les mesures d’atténuation des changements climatiques dans le respect des objectifs de l’Accord de Paris peuvent être rentables dans les scénarios modélisés et, selon les régions, lorsque les avantages accessoires pour la santé par la qualité de l’air sont pris en compte.
Dans d’autres études, on a estimé que des milliers de décès liés à l’ozone seront évités en Amérique du Nord et que des centaines de milliers le seront à l’échelle mondiale selon les divers scénarios d’atténuation des changements climatiques, y compris ceux ciblant le méthane (West et coll., 2007, 2012). Dans ce dernier cas, la réduction était estimée à une valeur de 13 $ à 17 $/tCO2e (en dollars américains de 2005) en 2030, ce qui excédait les coûts des mesures visant à réduire les émissions de méthane (West et coll., 2012).
Certaines études ont examiné les avantages accessoires de stratégies d’atténuation des changements climatiques visant des agents PCDV ou des secteurs d’émissions bien précis. Selon les estimations, les avantages accessoires par an pour la santé d’une électrification intégrale des parcs de véhicules du Grand Toronto et de Hamilton (Canada) seraient de 260 et 330 décès évités, en tenant compte d’une électricité tirée respectivement du gaz naturel et des énergies renouvelables (Gai et coll., 2020). Les avantages accessoires pour la santé en Amérique du Nord de l’adoption de scénarios ambitieux d’énergie et de transports propres aux États-Unis ont permis d’estimer à 175 000 et 120 000 les décès liés à la pollution atmosphérique qui seront évités pour la période de 2015 à 2030, respectivement, avec d’autres avantages annuels par la suite (Shindell et coll., 2016). La majorité des avantages tenaient à des réductions des PM2,5 et une fraction moindre, aux réductions de l’ozone; l’estimation pour le Canada était de 3 % à 4 % de l’ensemble des avantages (en milliers de décès évités pour la période de 2015 à 2030). La valeur estimée des avantages découlant de politiques à court terme aux États-Unis était de 250 milliards de dollars américains (IC de 95 %, soit de 140 milliards à 1,05 billion de dollars américains) chaque année.
Une analyse à l’échelle planétaire des stratégies de réduction du méthane et du carbone suie fait voir que l’application des mesures permettrait d’éviter de 0,7 à 4,7 millions de décès par an dans le monde, le plus grand impact étant attribuable aux réductions de carbone suie et un avantage marginal de 700 $ à 5 000 $ américains par tonne de réduction du méthane (Shindell et coll., 2012). Selon les estimations, les politiques du carbone pour les États-Unis concernant la production d’électricité et le transport routier propres et un système de plafonnement et d’échange à l’échelle de l’économie offriraient des avantages accessoires pour la santé en matière de pollution atmosphérique par des réductions des PM2,5 et d’ozone qui compenseraient les coûts d’atténuation des GES dans une proportion approximative de 26 % à 1 050 % (Thompson et coll., 2014). Les avantages accessoires marginaux pour la santé des réductions de PM2,5 dans un scénario de plafonnement et d’échange ont été estimés à 6 $/tCO2, ce qui excédait les coûts de mise en œuvre, et à 8 $/tCO2 (en dollars américains de 2005) dans un scénario d’énergie propre, qui ont partiellement compensé les coûts de mise en œuvre (Saari et coll., 2015). Dans le cas d’une politique infranationale sur le carbone dans le nord-est des États-Unis, des avantages accessoires marginaux pour la santé de 148 $/tCO2 (en dollars américains de 2006) ont été comparés aux coûts d’atténuation des GES de 126 $/tCO2 dans un scénario d’énergie propre, et des avantages accessoires marginaux pour la santé de 80 $/tCO2 ont été comparés aux coûts de 15 $/tCO2 dans un scénario de plafonnement et d’échange. Il est apparu que les coûts variaient amplement en fonction des différences régionales de consommation d’énergie (Thompson et coll., 2016).
Il importe de tenir compte de tous les aspects des variations d’émissions lorsqu’on évalue les avantages accessoires pour la santé des stratégies d’atténuation des changements climatiques. On a constaté que, en matière de pollution atmosphérique, les avantages accessoires pour la santé aux États-Unis de l’adoption des véhicules électriques (VE) variaient selon la combinaison de sources de production d’électricité (Peters et coll., 2020). Selon les estimations, que 25 % des VE s’alimentent par la combinaison de réseaux électriques en place aux États-Unis permettrait d’éviter 437 (IC à 95 %, soit de 295 à 578) et 98 (IC à 95 %, soit de 33 à 162) décès prématurés par an grâce aux réductions respectives des PM2,5 et de l’ozone, et ce, pour une valeur totale d’environ 16,8 milliards de dollars américains. On a estimé que les avantages accessoires pour la santé seraient environ le double pour le même taux d’adoption des VE si la fraction des sources d’énergie sans émissions doublait dans le réseau électrique, mais que la réduction concomitante des émissions de CO2 n’augmentait que de 10 % environ.
Dans l’ensemble, les études des avantages accessoires possibles pour la santé en matière de pollution atmosphérique grâce aux scénarios d’atténuation des changements climatiques visant à une élévation maximale des températures moyennes mondiales de 1,5 °C à 3 °C indiquent invariablement que des avantages appréciables pour la santé s’ensuivraient. En valeur annuelle, le fardeau de la maladie serait réduit jusqu’à des dizaines de milliers de décès prématurés liés aux PM 2,5 et à l’ozone aux États-Unis en 2050 et 2100, et jusqu’à 1 million à 2 millions dans le monde. Si on les compare directement dans une étude, les politiques d’atténuation plus rigoureuses confèrent de plus grands avantages accessoires, et on sait que ceux-ci seront plus importants si les politiques sont mises en œuvre plus tôt que tard. En matière de pollution atmosphérique, les avantages accessoires pour la santé représentent un gain appréciable du point de vue de la santé publique pour les divers pays et à l’échelle mondiale et la valeur socioéconomique dégagée peut contribuer à la prise en charge des coûts d’atténuation, voire les compenser. Il convient d’ajouter que l’examen mixte des options d’atténuation des changements climatiques et de la pollution atmosphérique procure un cadre pour optimiser les avantages généraux en santé publique et reconnaître les conséquences imprévues comme les risques non voulus pour la santé. C’est ce qui ressort de la promotion des véhicules alimentés au diesel dans certains pays en raison de leurs émissions réduites de GES, ce qui a entraîné une augmentation des émissions de polluants atmosphériques (Cames et Helmers, 2013; Haines, 2017).