Les peuples autochtones ont déjà connu des changements dans les terres, les eaux et les glaces, tirant la sonnette d’alarme sur les changements climatiques depuis des décennies (Indigenous Climate Action, 2021a; ITK, 2019a; Watt-Cloutier, 2015; Bolton et coll., 2011; Conseil circumpolaire inuit du Canada [CCI], 2005; ITK, 2005). S’appuyant sur les connaissances et les observations partagées par les Aînés et les gardiens du savoir, ainsi que sur leurs relations réciproques avec le monde naturel, les populations autochtones ont exprimé de manière urgente et cohérente leurs préoccupations concernant les impacts irréversibles des changements climatiques. Par exemple, la pétition des Inuit adressée en 2005 à la Commission interaméricaine des droits de l’homme pour s’opposer aux changements climatiques causés par les États-Unis d’Amérique a ouvert un dialogue mondial sur les liens entre la violation des droits de la personne et les conséquences de l’inaction climatique.
Les répercussions particuliers subis par les Premières Nations, les Inuit et les Métis sont abordés tout au long de ce rapport, mais comprennent généralement des changements observés dans la faune et les migrations d’espèces, des niveaux d’eau changeants, des régimes climatiques plus variables, une intensité et une fréquence accrues des incendies de forêt, des conditions changeantes de la glace de mer et de la glace d’eau douce, des répercussions sur la santé et le bien-être, des impacts sur l’infrastructure bâtie, et des changements dans la végétation, les processus côtiers, le pergélisol et plus encore (voir SCCC; REN; RPR; Deranger et coll., 2022; Galway et coll., 2022; Reed et coll., 2021b; McGregor et coll., 2020; Cunsolo Willox, 2012; Arctic Climate Impact Assessment, 2005; Krupnik et Jolly, 2002).
La science occidentale commence à reconnaître ce que les peuples autochtones savent depuis longtemps, et les peuples autochtones ne sont pas des témoins passifs des changements climatiques (ITK, 2019a). Comme le souligne le présent rapport, les peuples autochtones sont des chefs de file, qui proposent leurs propres mesures et stratégies climatiques à différentes échelles sur la base de leurs systèmes de savoirs, et ils continuent de réclamer d’urgence des mesures pour protéger la terre, l’eau et la glace (Gobby, 2020; ITK, 2019a). Nos connaissances et nos actions collectives envoient un message clair : nous sommes confrontés à une crise climatique mondiale qui s’accélère rapidement et qui provoque déjà des changements biophysiques irréversibles.
Le premier rapport du cycle actuel d’évaluation nationale des connaissances, le Rapport sur le climat changeant du Canada (2019), a révélé que le Canada s’était déjà réchauffé de 1,7 °C depuis 1948 et qu’il devrait continuer à se réchauffer à un rythme deux fois supérieur à celui de la planète; le nord du Canada se réchauffant plus de trois fois plus vite que la planète (Bush et Lemmen, 2019). Les rapports d’évaluation ultérieurs (voir REN; RPR; SCCC) évaluent l’éventail des impacts climatiques que le Canada subit actuellement et auxquels il devrait être confronté à l’avenir, ainsi que des approches d’adaptation. Ces rapports font état d’incidences disproportionnées pour les Premières Nations, les Inuit et les Métis, compte tenu des risques climatiques uniques auxquels nous sommes exposés, nos vies et nos moyens de subsistance étant réciproquement liés à la terre, à l’eau et à la glace. Nos moyens de subsistance, notamment en ce qui concerne l’insécurité alimentaire, hydrique et énergétique, sont menacés et aggravés par une histoire coloniale ayant des conséquences irrévocables sur les systèmes politiques, culturels, sociaux et environnementaux autochtones (Human Rights Watch, 2020; Chisholm Hatfield et coll., 2018; Whyte, 2017b; Ford et coll., 2012; Tsosie, 2007).
Les impacts des changements climatiques sont exacerbés par l’héritage du colonialisme (voir la section 3.5 et la section 5.2) et la manière dont celui-ci, combiné au capitalisme, a influencé le lieu de vie des populations autochtones, nos conditions socioéconomiques et notre façon d’entretenir nos relations avec la Terre nourricière (Whyte 2017b; 2016). Ces impacts conduisent souvent à une mauvaise adaptation, laissant les populations autochtones supporter des répercussions disproportionnées découlant des approches dominantes de lutte contre les changements climatiques (Penney et Johnson-Castle, 2021).