Les systèmes de connaissance autochtones reflètent des visions du monde et des manières d’interpréter le monde basées sur des méthodologies et des compréhensions incroyablement techniques. Nos systèmes de savoirs comprennent des connaissances approfondies sur des systèmes complexes, tels que les plantes et les arbres (Kimmerer, 2018), les pêches (Reid et coll., 2021) et la glace (Dawson et coll., 2020; Fox Gearheard et coll., 2013; Krupnik et coll., 2010; Laidler et coll., 2008; Laidler et Ikummaq, 2008; Laidler et Elee, 2008). Nos peuples ont toujours observé l’environnement et surveillé les conditions à l’aide d’indicateurs clés (Ban et coll., 2020; Kourantidou et coll., 2020; Ban et coll., 2018). Cela inclut les connaissances et l’expérience nécessaires pour jouer un rôle de chef de file et apporter de riches contributions à la documentation et à la compréhension des répercussions des changements climatiques grâce à des connaissances directes et à des interprétations en matière de météorologie, d’environnement, de faune et d’habitats, de planification et de modélisation de l’adaptation, ainsi qu’à des interprétations et à une sagesse liées à d’autres voies et approches pour un mode de vie durable (voir l’étude de cas 4; l’étude de cas 5; Lim, Ɂehdzo Got’ı̨nę Gots’ę Nákedı [Sahtú Renewable Resources Board] et The Pembina Institute, 2014; Turner et Clifton 2009).
Même si la science occidentale peut décrire le monde naturel, elle ne dit pas comment vivre avec lui (McGregor, 2018). En raison des relations uniques et holistiques avec l’environnement et de la compréhension du calendrier saisonnier, cyclique et interdépendant d’événements localisés, tels que les migrations, les hibernations et la floraison de la végétation, les systèmes de savoirs autochtones peuvent relever des changements non détectés par la science occidentale (Chisholm Hatfield et coll., 2018; Whyte, 2017a) et fournir une compréhension plus approfondie, basée sur le lieu, de l’évolution des environnements sur de plus grandes échelles de temps que les méthodes scientifiques occidentales (Sawatzky et coll., 2021; Sawatzky et coll., 2020; Huntington, 2011; Gagnon et Berteaux, 2009).
Les approches qui associent les modes de connaissance autochtones et occidentaux dans la recherche et la gestion environnementales présentent des avantages bien connus (Johnson et coll., 2020; Alexander et coll., 2019; Bartlett et coll. 2012). Les questions environnementales complexes telles que les changements climatiques peuvent considérablement bénéficier de multiples modes de connaissance (voir l’étude de cas 6; Cuerrier et coll., 2022; Tomaselli et coll., 2022; Kimmerer, 2018; Alessa et coll., 2016; Cuerrier et coll., 2015). Une démarche fondée sur des données probantes coproduites ou associées soutient la complémentarité des systèmes de savoirs et des valeurs, tout en préservant l’intégrité de chaque système et sans que l’un soit dominant par rapport à l’autre (Yua et coll., 2022; Luby et coll., 2021; Tengö et coll., 2014). Etuaptmumk (double perspective) est un concept décrit par l’Aîné mi’kmaq Albert Marshall comme le processus consistant à réunir plusieurs modes de connaissance et une façon de voir à partir de deux perspectives ou optiques : une optique ou perspective autochtone englobant les modes de connaissance autochtones et une optique ou perspective occidentale englobant les modes de connaissance occidentaux (Bartlett et coll., 2012). Les peuples autochtones du monde entier ont élaboré des cadres ou des pratiques similaires de coexistence des savoirs, notamment « Wampum à deux rangées » ou Kaswentha chez les Haudenosaunee, « Deux façons » ou Ganma chez les Yolngu, « Double canoë » ou Waka-Taurua chez les Māori (Reid et coll., 2021), la production conjointe de connaissances par le Conseil circumpolaire inuit et le modèle qaggiq de renouvellement des connaissances inuktut basé sur la pensée philosophique de feu l’Aîné inuk Mariano Aupilaarjuk (McGrath, 2018; McGrath, 2002). Grâce à la double perspective et à d’autres pratiques d’association de multiples modes de connaissances soutenant une éthique de coexistence des connaissances, de production conjointe et de recherche environnementale conjointe inclusive, il est possible de promouvoir la surveillance, la gestion et la gouvernance et d’établir des perspectives plus holistiques sur les changements socioéconomiques, politiques et écologiques (Harper et coll., 2021; Reid et coll., 2021; Dufour-Beauséjour et Plante Lévesque, 2020; Henri et coll., 2020; Reed et coll., 2020; Popp et coll., 2019, 2020; Levac et coll., 2018; Durkalec et coll., 2015; Harper et coll., 2012; McGregor, 2004).