Utiliser les renseignements climatiques pour favoriser l’adaptation au climat : Élaboration d’un plan d’adaptation à risques multiples

L’Islet (Québec) est une municipalité fusionnée comprenant trois petites régions dont la population combinée est d’environ 4 000 habitants sur une superficie de 11 952 km2. La municipalité est située le long des plaines inondables de la rive sud du fleuve Saint-Laurent. L’évaluation de la vulnérabilité et des risques liés aux changements climatiques de la municipalité (2017) et le plan d’adaptation aux changements climatiques qui en découle (2018) ont été lancés de manière proactive, plutôt que comme une réponse d’urgence, à des événements spécifiques liés au climat. La municipalité de L’Islet a collaboré avec un comité environnemental citoyen, le ROBVQ (Regroupement des organismes de bassins versants du Québec) et le Groupe Conseil Carbone pour développer son évaluation de la vulnérabilité et des risques ainsi que son plan d’adaptation, en utilisant des données climatiques historiques et projetées. L’objectif de la municipalité est de mettre en œuvre au moins 60 % des actions d’ici 2025, en se concentrant spécifiquement sur les actions les plus rentables et les plus bénéfiques.

Comprendre et évaluer les impacts

La municipalité de L’Islet a connu deux importantes inondations côtières en 2020. Dans les deux cas, des résidences privées, des bâtiments patrimoniaux, le littoral naturel et des installations de loisirs saisonnières, comme des terrains de camping, ont été touchés. Avant ces inondations, la collectivité a également été touchée, bien qu’à un degré moindre, par des vagues de chaleur prolongées, un manque de précipitations estivales et des conditions de sécheresse connexes. Ces sécheresses, comme ailleurs dans le Sud du Québec, ont suscité des inquiétudes quant aux pénuries d’eau pour les usages domestiques et agricoles à L’Islet. Les étés entre 2015 et 2017 ont été les plus chauds jamais enregistrés dans la région.

La Municipalité de L’Islet a collaboré avec un comité environnemental de citoyens, le Regroupement des organismes de bassins versants du Québec et le Groupe Conseil Carbone, une société de conseil en changements climatiques, pour élaborer son évaluation de la vulnérabilité et des risques et son plan d’adaptation. Les dangers historiques liés au climat ont été étudiés afin d’évaluer les effets actuels et futurs des changements climatiques sur la municipalité. Les aspects sociaux, économiques et environnementaux ont également été pris en compte dans l’évaluation de la vulnérabilité et des risques.

Pour l’évaluation de la vulnérabilité et des risques, la Municipalité a consulté les citoyens afin d’évaluer les vulnérabilités et les risques liés au climat pour l’utilisation des sols, les cours d’eau et les infrastructures municipales afin d’établir une « mémoire collective ». L’objectif était d’utiliser cette contribution des citoyens pour fournir un éclairage contextuel sur les renseignements climatiques.

De nombreux systèmes physiques, naturels et socio-économiques ont été classés comme étant vulnérables aux événements liés au climat dans la municipalité de L’Islet. Les événements liés au climat examinés comprenaient les inondations, les tempêtes intenses, les vagues dommageables sur le fleuve Saint-Laurent, les vagues de chaleur et la sécheresse. Les vulnérabilités qui en résultent sont les suivantes :

  • Certains murs de soutènement instables et vieillissants sur des propriétés privées et municipales le long du fleuve Saint-Laurent sont susceptibles d’érosion en raison des fortes vagues, des grandes marées et des inondations saisonnières.
  • Les bâtiments patrimoniaux (p. ex. les églises, le cimetière, plusieurs écoles), y compris les résidences, sont susceptibles d’être endommagés par les inondations, ce qui entraînerait la perte de sites patrimoniaux. Cela pourrait avoir une incidence négative sur le tourisme dans la région.
  • La population vieillissante et la main-d’œuvre agricole de L’Islet sont particulièrement exposées aux épisodes de chaleur extrême.
  • Les oiseaux migrateurs et d’autres espèces sont touchés par les inondations, la sécheresse et les tempêtes intenses, ce qui pourrait également avoir une incidence sur le tourisme axé sur la nature.
  • Une perte de biodiversité, y compris la perte éventuelle d’espèces indigènes et l’augmentation des espèces envahissantes et des insectes nuisibles, est possible.
  • La quantité et la qualité de l’eau potable provenant des puits privés et des sources municipales sont vulnérables aux inondations et au ruissellement qui en résulte.
  • Les terres agricoles sont sensibles aux sécheresses estivales et aux pertes de récoltes qui en résultent.

Un total de 29 risques sociaux, économiques et environnementaux ont ensuite été cernés. Les risques les plus importants sont la baisse du rendement des cultures agricoles, la réduction et l’endommagement de la biodiversité végétale, la contamination de l’eau, le besoin accru d’entretien des bâtiments et du littoral, et l’endommagement de bâtiments patrimoniaux. L’augmentation du nombre de jours très chauds associés à l’épuisement par la chaleur et aux coups de chaleur pour les travailleurs à l’extérieur, l’accélération de l’érosion du littoral et l’augmentation des inondations côtières dévastatrices figurent également en tête de liste.

Déterminer les actions

Par la suite, la probabilité que des événements et des risques liés au climat se produisent dans le futur a entraîné l’établissement de mesures d’adaptation. Une deuxième consultation citoyenne achevée en 2018 a permis de recueillir des idées supplémentaires sur les mesures d’adaptation proposées pour faire face aux risques constatés. La Municipalité s’est donc retrouvée avec un éventail de mesures approuvées par les citoyens, allant de la naturalisation des berges à l’ouverture d’un dialogue avec la communauté agricole sur la qualité et la rareté de l’eau.

Un plan d’adaptation aux changements climatiques a été élaboré sur la base de l’évaluation de la vulnérabilité et des risques et des consultations citoyennes, qui ont permis d’établir 32 mesures approuvées par les citoyens pour faire face aux 29 risques.

Utilisation des informations climatiques

Données climatiques historiques

La municipalité de L’Islet a développé un plan d’adaptation multirisque pour répondre aux inondations côtières importantes et aux autres impacts des changements climatiques, tels que les vagues de chaleur, la baisse des précipitations estivales et la sécheresse associée.  La Municipalité et le Groupe Conseil Carbone se sont largement appuyés sur les données climatiques historiques fournies par Ouranos, le Consortium sur la climatologie régionale et l’adaptation aux changements climatiques du Québec. Cette organisation non gouvernementale met à disposition des observations et des simulations des précipitations totales, de la chaleur extrême, de la température générale, du froid et des cycles de gel et de dégel, entre autres indicateurs climatiques.

Ouranos a également fourni des données sur le débit des rivières. Ce sont des renseignements utiles pour étudier les conséquences des inondations et des sécheresses. Des renseignements supplémentaires sur le fleuve Saint-Laurent ont été obtenus auprès du ministère de l’Environnement et de la Lutte aux changements climatiques du Québec. Enfin, des données climatiques historiques supplémentaires ont été obtenues auprès d’Environnement et Changement climatique Canada, y compris les données sur les précipitations enregistrées près de Montmagny entre 1965 et 2001.

Données climatiques projetées

La Municipalité a également obtenu des données sur les températures futures projetées du site Web de Ressources naturelles Canada Le Québec en évolution et Ouranos. Comme c’est le cas partout au Canada, les températures augmentent, ce qui contribue à une augmentation des extrêmes météorologiques, y compris les précipitations extrêmes. Une analyse des températures hivernales a révélé qu’une diminution des jours de neige est probable dans le futur, ainsi qu’une augmentation des cycles de pluie et de gel-dégel. Une question importante demeure : l’augmentation prévue des précipitations sera-t-elle suffisante pour compenser l’augmentation des taux d’évapotranspiration due à des températures estivales beaucoup plus élevées?

Mise en œuvre

Un certain nombre de mesures d’adaptation sont actuellement mises en œuvre, notamment le reboisement du littoral. En outre, une végétation et une couverture arborée accrues sont désormais intégrées aux nouveaux aménagements, de même que des rues plus petites avec une perméabilité accrue pour réduire l’incidence des inondations. En outre, la surveillance au moyen de compteurs d’eau est en cours d’instauration dans certaines zones de la municipalité afin de contribuer aux efforts de conservation de l’eau. Certaines des mesures d’adaptation, qui ont également été classées sous 11 objectifs communautaires plus larges, comprennent :

  • Acquérir des terres riveraines pour la protection contre l’érosion côtière;
  • Mettre en œuvre des inspections de la végétation du littoral et veiller à ce que les normes soient respectées;
  • Créer un plan de foresterie urbaine;
  • Établir un programme de conservation de l’eau potable;
  • Ouvrir un dialogue avec toutes les parties prenantes sur la qualité de l’eau;
  • Gérer les plaines inondables.

Résultats et suivi des progrès

Plusieurs occasions et défis se sont présentés à la municipalité de L’Islet au cours de cette initiative. En particulier, plusieurs occasions uniques se sont présentées, notamment un accès accru au financement public, une meilleure communication avec les citoyens et l’engagement de la collectivité dans la question plus large des changements climatiques.

En revanche, l’évaluation des vulnérabilités et des risques liés aux changements climatiques, ainsi que l’élaboration et la mise en œuvre du plan d’adaptation, se sont heurtées à des difficultés importantes. Parmi les défis à relever, citons le manque de soutien financier et politique permanent, la nécessité d’argumenter en faveur de certaines mesures de dépenses d’investissement et la nécessité de disposer de champions citoyens permanents.

L’objectif de la Municipalité est de mettre en œuvre au moins 60 % des mesures d’ici 2025, en se concentrant particulièrement sur les mesures les plus économiques et les plus bénéfiques.

Ressources