Projet d’infrastructure naturelle Modeste

Lancé en 2018, le projet d’infrastructure naturelle Modeste (PINM) évalue les avantages environnementaux et économiques découlant de l’amélioration de l’infrastructure naturelle sur les terres agricoles dans le bassin hydrographique du ruisseau Modeste en Alberta.

Le bassin hydrographique du ruisseau Modeste occupe une superficie d’environ 4 800 km2 et il se déverse dans le plus grand bassin de la rivière Saskatchewan Nord. Il est situé en amont d’Edmonton et de la région de la capitale de l’Alberta, et il influe sur l’approvisionnement en eau potable de plus de 1,6 million de personnes. Le gouvernement de l’Alberta a cerné le ruisseau Modeste comme étant une zone prioritaire pour l’atténuation des inondations et des sécheresses, et comme zone cruciale ayant un effet sur la qualité de l’eau.

Le projet d’infrastructure naturelle Modeste a été conçu par ALUS Canada, la North Saskatchewan Watershed Alliance et les municipalités de la région du bassin hydrographique du ruisseau Modeste. ALUS est un organisme de bienfaisance qui dirige un programme novateur développé par la communauté et mis en œuvre par des agriculteurs qui produit, améliore et maintient les écoservices sur les terres agricoles. La North Saskatchewan Watershed Alliance (NSWA) est une organisation sans but lucratif à secteurs multiples qui travaille en vue d’améliorer la qualité de l’eau, la quantité d’eau et la santé des bassins hydrographiques grâce à l’acquisition et à la diffusion de connaissances, à l’établissement de partenariats et à des processus de planification collaboratifs.

Le Watershed Resiliency and Restoration Program (WRRP) (programme pour la résilience et le rétablissement des bassins hydrographiques) d’Environnement et Parcs Alberta était le principal bailleur de fonds de la première phase du projet, qui a accordé une subvention de 720 000 $ au projet. Grâce à ce financement, ALUS a établi de nouveaux projets d’infrastructure naturelle sur des terres agricoles afin d’atténuer les inondations, de renforcer la résilience à la sécheresse et d’améliorer la qualité de l’eau. La subvention a aussi appuyé la modélisation du bassin hydrographique dirigée par le Dr Wanhong Yang de l’Université de Guelph afin d’établir les zones à priorité élevée, d’évaluer les résultats liés à l’eau et de réaliser des analyses coûts-avantages. La Ville d’Edmonton, EPCOR et la fondation McConnell ont également fourni un financement supplémentaire. Une autre subvention a aussi été accordée par le Fonds d’adaptation au changement climatique de NRCan pour soutenir l’analyse économique, conçue et dirigée par la Dre Marian Weber d’Innotech Alberta.

Comprendre et évaluer les impacts

Au cours de la dernière décennie, les producteurs agricoles et les membres de la communauté ont ressenti les impacts des événements météorologiques extrêmes et des changements climatiques, notamment les fortes précipitations et les inondations qui ont des répercussions sur les infrastructures rurales et en aval (p. ex., inondation des ponceaux et des ponts), ainsi que sur la qualité de l’eau.

Pour faire face à cette difficulté, l’équipe du projet a commencé à travailler avec les communautés de la région du bassin hydrographique du ruisseau Modeste en vue de mieux comprendre la relation entre l’infrastructure naturelle et les infrastructures bâties et grises, de déterminer les coûts et les avantages des scénarios de restauration de l’infrastructure naturelle et d’évaluer les économies de coûts municipaux.

En plus d’augmenter la durée de vie des infrastructures bâties et « grises », l’infrastructure naturelle offre une multitude « d’avantages connexes », y compris la séquestration du carbone et la création d’habitats. Ces avantages connexes ont été reconnus, mais ceux-ci n’ont pas été évalués dans le cadre de cette étude.

Les avantages liés à l’eau provenant de l’infrastructure naturelle comprennent la rétention et la filtration d’eau, réduisant ainsi les inondations des terres et assurant le réapprovisionnement des eaux souterraines. Une équipe de chercheurs de l’Université de Guelph, dirigée par le Dr Wanhong Yang, a utilisé la modélisation intégrée d’évaluation (MIÉ) des pratiques exemplaires de gestion (PEG) des bassins hydrographiques (en anglais : Integrated Modelling for Watershed Evaluation of BMPs [IMWEBs]) pour cerner les zones possibles des projets d’infrastructure naturelle et pour évaluer leur rentabilité.

La MIÉ des PEG est un modèle cellulaire qui évalue les services écosystémiques (SÉ) pour un vaste éventail de PEG agricoles, y compris la restauration des zones humides, la gestion du pâturage, les zones riveraines tampons, la conversion des terres marginales, les pratiques de travail du sol, la gestion des nutriments et les bassins de rétention du fumier. Il s’agit d’un modèle unique conçu pour évaluer les PEG agricoles d’un site, d’un champ, d’une ferme ou d’un bassin hydrographique au Canada.

Les données recueillies dans le cadre de la MIÉ des PEG comprennent les éléments suivants :

  • Climat : températures et précipitations quotidiennes, y compris la neige
  • Topographie
  • Utilisation et couvert des terres (y compris l’inventaire des récoltes)
  • Couches et attributs du sol
  • Gestion des terres : ensemencement, récolte, travail du sol, application de fumier et d’engrais, gestion du pâturage
  • PEG : création, amélioration et restauration de zones humides; zones riveraines ou amélioration; clôtures pour le bétail; restauration des habitats des prairies et des pollinisateurs indigènes; installation de structures de nidification; reforestation; installation de plantations brise-vent
  • Données de surveillance du débit et de la qualité de l’eau

Déterminer les actions

Le projet d’infrastructure naturelle Modeste (PINM) a réuni des organisations participant à divers aspects différents de la gestion environnementale afin d’entreprendre une collaboration visant la gestion de l’infrastructure naturelle au niveau d’un bassin hydrographique. Comparativement à d’autres études dans le secteur au Canada qui évaluent les projets d’infrastructure naturelle à une fin unique, le PINM est un projet d’envergure (environ 4 800 km2). Le PINM englobe plusieurs communautés et tient compte d’un vaste éventail de pratiques de gestion des terres et des paysages adoptées par des centaines de propriétaires de terres. Au lieu d’avoir un seul bénéficiaire, ce projet évalue la qualité globale de l’eau et les répercussions relatives à la quantité d’eau, ce qui est bénéfique pour de nombreuses communautés.

Les organisations partenaires apportent leur expertise dans les secteurs de la gestion des données et de la modélisation touchant l’infrastructure naturelle, des analyses économiques coûts-avantages, de la mise en œuvre de projets sur le terrain et de l’engagement des parties prenantes. Par exemple, la North Saskatchewan Watershed Alliance (NSWA) favorise la collaboration avec de multiples parties prenantes pour évaluer la santé des bassins hydrographiques et élaborer des plans de gestion. Des municipalités, comme le comté de Parkland, jouent un rôle essentiel en raison de leur capacité à faire progresser la réglementation environnementale grâce à la planification obligatoire. ALUS Canada et ses partenaires communautaires responsables de la mise en œuvre proposent des projets d’infrastructure naturelle en encourageant les agriculteurs et les éleveurs à conserver et à restaurer les actifs naturels sur leurs propriétés. Enfin, l’Université de Guelph joue un rôle essentiel en ce qui concerne sa capacité à modéliser et à mener des recherches d’emplacements prioritaires pour les projets afin de maximiser les avantages et de limiter au minimum les coûts associés à la mise en œuvre.

ALUS et la NSWA ont déterminé que le bassin hydrographique du ruisseau Modeste était un emplacement idéal pour le projet pilote, et ce, pour les raisons suivantes :

  • Le gouvernement de l’Alberta a établi que le sous-bassin hydrographique du ruisseau Modeste était une zone à priorité élevée pour l’atténuation des inondations et des sécheresses.
  • Le comité intermunicipal de la NSWA, la Headwaters Alliance, a été en mesure d’offrir des services consultatifs.
  • Des données et des connaissances étaient disponibles dans les études riveraines de la NSWA.
  • Chacun des cinq comtés participants du comité Headwaters avait démontré sa capacité à inciter les agriculteurs et les éleveurs à améliorer et à protéger l’infrastructure naturelle. (Quatre des comtés [Brazeau, Leduc, Parkland, Wetaskiwan] avaient entrepris un programme ALUS.)

Après avoir choisi un emplacement, ALUS Canada et la NSWA ont commencé à travailler en partenariat avec le comté de Parkland, l’Université de Guelph, Innotech Alberta et les responsables des programmes d’ALUS dans les quatre comtés.

Les partenaires du projet se sont rassemblés autour d’une série d’objectifs, notamment : établir des projets d’infrastructure naturelle sur les terres agricoles; utiliser la MIÉ des PEG afin de mieux comprendre les répercussions du projet et comparer les coûts et les avantages de différents projets d’infrastructure naturelle.

Mise en oeuvre

En 2021, les projets d’ALUS sur le terrain ont pris fin, les répercussions du projet ont été modélisées et les résultats ont été communiqués aux participants producteurs, aux partenaires du projet et aux municipalités locales. Un rapport décrivant le cadre de travail a aussi été produit afin que les municipalités puissent commencer à recueillir des données sur l’infrastructure naturelle.

Le modèle de MIÉ des PEG a été utilisé pour évaluer différents scénarios de restauration et d’amélioration de l’infrastructure naturelle, et pour quantifier la rentabilité des mesures de mise en œuvre.

Une analyse supplémentaire a été entreprise par le comté de Parkland pour évaluer la manière la plus rentable et efficace de réduire le total des solides en suspension (TSS) afin d’améliorer la qualité de l’eau. Le TSS, ce sont des particules qui ne se dissolvent pas dans l’eau; elles dégradent la qualité de l’eau pour la vie humaine et aquatique en augmentant la température de l’eau et en réduisant l’oxygène dissous. À l’aide de la MIÉ des PEG, le comté de Parkland a établi un objectif visant à réduire sa charge de TSS de 5 % (3 000 tonnes) chaque année. L’outil d’accompagnement de la MIÉ des PEG, c’est-à-dire l’outil d’évaluation des services écosystémiques (ESAT) a fourni des « recommandations intelligentes » sur les endroits où installer l’infrastructure naturelle dans le comté de Parkland afin de réduire au maximum le TSS au coût le plus faible et sur la plus petite parcelle de terre. Voici les trois scénarios :

  1. PEG – clôture pour le bétail : ce scénario a cerné 1 287 hectares de clôture pour le bétail au coût de 687 460 $ par année, réduisant le TSS à 1 467 tonnes, pour un coût moyen de 466 $ par tonne de réduction. Il s’agissait de l’option la moins rentable et elle ne permettait pas d’atteindre l’objectif souhaité.
  2. PEG – zones riveraines tampons : ce scénario a cerné 3 341 hectares de zones riveraines tampons au coût de 843 950 $ par année, réduisant le TSS à 3 775 tonnes, pour un coût moyen de 224 $ par tonne de réduction. Il s’agissait d’une option raisonnable et rentable, mais elle comprenait un nombre additionnel considérable d’acres de terrain.
  3. Mélange des deux : ce scénario a modélisé la mise en œuvre de 421 hectares de clôture pour le bétail et de 73 hectares de zones riveraines tampons au coût de 170 303 $ par année, réduisant le TSS à 3 000 tonnes, pour un coût moyen de 57 $ par tonne. En analysant les parcelles les plus rentables pour la mise en œuvre de chaque PEG, le modèle a montré la meilleure façon de combiner les stratégies de PEG pour obtenir la solution la plus rentable qui utilise le moins de terres possible.

Résultats et suivi des progrès

Le projet a produit les résultats suivants : amélioration de la santé de l’eau et de l’écosystème grâce à une atténuation accrue des inondations et des sécheresses, amélioration de la qualité de l’eau, création d’habitats pour la faune et séquestration de carbone. Un total de 1 116 hectares de terres agricoles a été restauré et (ou) amélioré. Le projet a également permis de renforcer les partenariats communautaires partout dans la région du bassin hydrographique. Le projet a surtout mis en lumière un éventail d’obstacles à la création et à la gestion de l’infrastructure naturelle qui doivent être abordés, dont les suivants :

  • L’infrastructure naturelle est perçue, à juste titre, comme étant un problème compliqué pour de nombreux gouvernements municipaux. L’intégration de l’infrastructure naturelle dans la planification, les opérations et le financement est complexe et elle requiert une nouvelle collecte de données, des analyses supplémentaires et le renforcement des relations avec les propriétaires de terrains privés et d’autres parties prenantes.
  • Les participants ont noté un manque d’approches standards pour la gestion des actifs naturels et la plupart des sous-composants, y compris le développement d’inventaires, les évaluations et les déclarations financières.
  • Les participants ont aussi noté que de nombreuses petites administrations locales de l’Alberta manquent de personnel et de ressources pour la mise en œuvre de mesures de gestion de l’infrastructure naturelle.
  • Les politiques et règlements contradictoires qui peuvent indirectement encourager l’élimination de l’infrastructure naturelle, notamment les zones humides.

Prochaine(s) étape(s)

Le PINM a jeté les bases de la compréhension des coûts et des avantages de l’infrastructure naturelle à l’échelle du bassin hydrographique. Les communautés participantes seront en mesure d’utiliser la MIÉ des PEG pour poser des questions comme : « Quelle quantité et quel type d’infrastructure naturelle faudra-t-il pour améliorer la qualité de l’eau de 5 %? », comme l’a montré le comté de Parkland.

Les membres de l’équipe du PINM s’engagent à travailler ensemble pour augmenter les capacités des municipalités dans la région du bassin hydrographique du ruisseau Modeste afin qu’elles utilisent le modèle de MIÉ des PEG pour améliorer la planification municipale et la gestion de l’infrastructure naturelle. Les travaux futurs comprendront la formation du personnel des services municipaux pertinents afin qu’il puisse utiliser la MIÉ des PEG. Finalement, nous visons à nous assurer que la restauration de l’infrastructure naturelle est intégrée aux finances, à la planification et aux opérations des municipalités, pour économiser l’argent des contribuables et offrir un vaste éventail d’avantages environnementaux pour les résidents locaux et en aval.

Ressources