Comprendre et évaluer les impacts
Le pergélisol est une terre gelée en permanence sous les couches superficielles qui gèlent et dégèlent au fil des saisons. Il couvre environ 40 % de la masse continentale du Canada. Cependant, le réchauffement du nord du Canada étant trois fois plus rapide que celui du reste du monde, les changements climatiques menacent la pérennité de vastes étendues de ce sol gelé, ainsi que les écosystèmes et les collectivités qui y vivent. Les habitants de la région subarctique du Dehcho des Territoires du Nord-Ouest constatent que les hivers sont plus courts et plus chauds, la neige fond plus tôt dans l’année, les feux de forêt sont plus fréquents et plus graves et que le dégel du pergélisol augmente d’environ un mètre par an. Ces changements se manifestent dans le débit des cours d’eau, l’épaisseur de la glace sur le lac et dans l’ensemble de forêts, qui disparaissent et sont remplacées par des zones humides.
La station de recherche de Scotty Creek a fait l’expérience directe des effets des changements climatiques. En 2007 et en 2012 a dû être déplacée, car la fonte du pergélisol a déstabilisé les plateformes et d’autres infrastructures du camp. Puis, à l’automne 2022, un feu de forêt intense et inhabituel a détruit la station, causant des dommages d’environ deux millions de dollars. L’incendie a entraîné la perte d’équipement de recherche, de panneaux solaires et de bâtiments notamment des logements et des laboratoires. Malgré des mesures comme l’installation de pare-feu et d’un système d’extinction automatique, l’incendie a ironiquement ravagé l’installation de recherche consacrée à la compréhension des changements climatiques. Bien que la station soit à nouveau opérationnelle, elle restera fermée aux chercheurs jusqu’en 2024.
Les collectivités du Dehcho et du reste de l’Arctique ne connaissent que trop bien ce type de changements écologiques rapides. Récemment, un aîné de la collectivité a fait une chute mortelle dans la glace alors qu’il pêchait – une activité considérée auparavant comme peu risquée. Il est de plus en plus fréquent que des équipements comme des motoneiges, qui est coûteux à remplacer, tombe à travers la glace. Les événements de pluie abondante qui entraînent des inondations rendent également difficiles la localisation et l’accès des habitants aux sentiers traditionnels utilisés pour la chasse, ce qui entraîne souvent de longs détours. Ces incidents soulignent l’urgence de la lutte contre les changements climatiques dans cette région unique.
Le DCoP s’appuie sur différents types de données pour mieux comprendre les changements du pergélisol dans la région. La station de recherche de Scotty Creek héberge environ 100 stations automatisées où des milliers de points de données sont recueillis toutes les heures pour surveiller les changements dans le paysage. Les mesures comprennent des variables météorologiques, y compris le rayonnement de courtes et longues longueurs d’onde, la température et l’humidité de l’air, la vitesse et la direction du vent, la profondeur de la nappe phréatique, la teneur en eau du sol et la température au sol, les précipitations, les flux de carbone, les paramètres de qualité de l’eau et d’autres variables connexes. La station utilise des données de télédétection pour mesurer l’emplacement du pergélisol dans le paysage et la rapidité à laquelle il dégèle. Les observations sur le terrain, les relevés au sol et les données aériennes LiDAR sont utilisés pour comprendre la manière dont les changements climatiques ont une incidence sur les écosystèmes aquatiques, la qualité de l’eau, les cycles des feux de forêt, les émissions de gaz à effet de serre et l’ensemble des moyens de subsistance de la région du Dehcho.
Les données et les renseignements connexes recueillis par le DCoP sont utilisés pour piloter les schémas de surface terrestre (p. ex., WARF, CLASS) et les modèles locaux et régionaux du climat utilisés par les chercheurs pour examiner les répercussions des changements induits par le réchauffement climatique sur la forme et le fonctionnement des écosystèmes, sur les ressources en eau et sur le climat. Les données sur les flux de carbone sont saisies dans le référentiel AMERIFLUX, qui est mis à la disposition des chercheurs et des organismes gouvernementaux pour la recherche sur le climat et la projection des changements climatiques.