Gestion des actifs naturels pour améliorer la résilience côtière : ville de Gibsons, C.-B.

En 2020-2021, l’Initiative des actifs naturels municipaux (MNAI) a piloté le projet de résilience côtière dans la ville de Gibsons, en Colombie-Britannique, dans le but de traiter les impacts des changements climatiques sur les infrastructures vieillissantes, un défi que doivent surmonter de nombreuses communautés côtières partout au Canada. Les structures initialement construites pour protéger les communautés contre les ondes de tempête vieillissent et elles ne sont plus en mesure de protéger les communautés contre les tempêtes plus importantes et plus fréquentes causées par les changements climatiques. La ville de Gibsons est située le long du périmètre de la mer Salish, à l’entrée de Howe Sound ou de Átl’ka7tsem. En date du recensement fédéral de 2016, la ville comptait 4 605 résidents. En raison de sa vulnérabilité côtière, la Ville de Gibsons travaille activement sur la planification de mesures d’adaptation aux changements climatiques afin de contribuer à atténuer les dommages futurs associés à l’élévation prévue du niveau de la mer ainsi qu’à la gravité et à la fréquence accrues des tempêtes. Le projet a permis de développer et de mettre à l’essai le modèle de la boîte à outils côtière afin de déterminer comment améliorer les actifs naturels côtiers, notamment la vallisnérie sublittorale, la végétation côtière ou les sédiments de plage qui pourraient réduire les impacts des inondations et de l’érosion, surtout si ces actifs naturels sont utilisés de pair avec les infrastructures grises traditionnelles. L’équipe du projet a fait des comparaisons en utilisant les coûts associés aux dommages évités touchant les structures inondées et un score indiciel non monétaire. Ce dernier compare le retrait hypothétique de la plage en raison de l’érosion, selon les profils d’élévation de la plage, et l’estimation de l’atténuation des vagues qui évalue dans quelle mesure les caractéristiques subtidales, dont les vallisnéries, atténuent les vagues. La préparation de ce projet a été réalisée grâce au soutien financier du Programme d’adaptation aux changements climatiques de Ressources naturelles Canada, de la Fondation Sitka, de la Fondation McLean et de la Fondation Bullitt.

Comprendre et évaluer les impacts

Un nombre croissant de gouvernements locaux reconnaît qu’il est tout aussi important de comprendre, de mesurer, de gérer et de répertorier les actifs naturels que les actifs d’ingénierie. Cela permettrait aux gouvernements locaux de fournir des services, notamment la gestion des eaux pluviales, la filtration de l’eau, la protection contre les inondations et l’érosion, ainsi que des services supplémentaires, comme ceux liés aux loisirs, à la santé et à la culture. L’expression « actifs naturels municipaux » désigne l’inventaire des ressources naturelles et des écosystèmes sur lequel une municipalité, un district régional ou une autre forme de gouvernement local pourrait s’appuyer ou gérer pour la prestation durable d’un ou de plusieurs services gouvernementaux locaux. Le récent développement d’un outil appelé boîte à outils côtière constitue une première tentative pour élargir la méthodologie visant les actifs naturels afin d’y inclure les enjeux côtiers. En tant que leader dans la gestion des actifs naturels, la Ville de Gibsons reconnaît l’importance de comprendre, de mesurer, de gérer et de répertorier les actifs naturels côtiers. Ces actifs ont le potentiel de produire d’importants avantages économiques en atténuant les inondations et l’érosion, en réduisant les coûts d’entretien à long terme, comparativement aux solutions de rechange fondées sur des infrastructures matérielles ou grises, et en offrant des avantages connexes, notamment la conservation des habitats ou les améliorations apportées aux zones récréatives locales. L’équipe du projet a évalué le rendement des quatre options d’actifs naturels sélectionnées en supposant une élévation du niveau de la mer de 0,24 mètre, selon le scénario actuel médian RCP 8.5 pour Gibsons (y compris les niveaux des marées et l’utilisation de différents scénarios de caractérisation de tempêtes). L’analyse est fondée sur le scénario RCP 8.5 pour le port de Gibsons provenant de l’Outil canadien d’adaptation aux niveaux d’eau extrêmes (OCANEE). L’horizon temporel de 2070 de l’élévation du niveau de la mer a été sélectionné parce qu’une période de 50 ans (2020 à 2070) représente la durée de vie typique d’un projet d’infrastructure côtière. Il s’agit aussi d’un point médian pour la modélisation, qui couvre un horizon temporel de 100 ans.

Déterminer les actions

Les gouvernements locaux disposent de nombreux moyens pour gérer les actifs naturels. L’équipe de l’Initiative des actifs naturels municipaux (MNAI) offre une expertise et du soutien d’ordre scientifique, économique et municipal et oriente les gouvernements locaux dans leurs efforts pour identifier, évaluer et répertorier les actifs naturels dans le cadre de leur planification financière et de leurs programmes de gestion des actifs. L’équipe aide également les gouvernements locaux à développer des infrastructures de pointe qui sont durables et résilientes au climat. L’initiative MNAI fait appel à des méthodologies et à des outils ancrés dans la gestion standard des actifs et présente un éventail de services consultatifs pour aider les gouvernements locaux à les mettre en œuvre. La MNAI a permis d’élaborer des méthodes et des outils grâce à d’importants investissements, à des projets pilotes, à l’amélioration, aux examens par les pairs et à la documentation de leçons tirées de multiples provinces canadiennes. À ce jour, bon nombre d’outils de la MNAI se sont concentrés sur la qualité et la quantité de l’eau de surface. Pour ce projet, la MNAI a collaboré avec la Fondation David Suzuki (FDS) afin de piloter le projet de résilience côtière dans la ville de Gibsons. Voici les deux objectifs du projet de résilience côtière :

  1. Présenter à la Ville de Gibsons une évaluation quantitative des avantages que les actifs naturels côtiers peuvent offrir dans le contexte de la protection contre les inondations et l’érosion associées aux tempêtes côtières.
  2. Développer et piloter un outil de modélisation (la boîte à outils côtière) que les communautés côtières peuvent adapter davantage dans le but de mieux comprendre et de comparer les différentes solutions de gestion des actifs naturels pour composer avec les ondes de tempêtes et l’érosion côtière.

Mise en oeuvre

Les stratégies de gestion des actifs naturels requièrent une approche d’équipe multidisciplinaire. Par conséquent, le processus de la MNAI commence par une séance de mobilisation initiale avec les représentants de la communauté provenant d’un éventail de disciplines. En 2020, l’équipe du projet a organisé une série d’ateliers avec de multiples parties prenantes pour discuter des actifs naturels côtiers existants, les cerner et les prioriser, et pour établir précisément ceux qui représentaient les options de gestion les plus prometteuses qui pourraient réduire les dommages causés par des tempêtes et fournir des avantages connexes, comme la conservation d’habitats ou l’amélioration des zones récréatives locales. Les participants aux ateliers comprenaient des employés du bureau municipal de Gibsons et du district de Sechelt, ainsi que des résidents et des experts du Nicholas Sonntag Marine Education Centre et de l’Université de la Colombie-Britannique. Ce plus grand groupe est ci-après nommé le groupe de parties prenantes. Voici les résultats découlant des ateliers :

  • Établissement de la région géographique d’intérêt et des zones importantes nécessitant une attention.
  • Compréhension détaillée des problèmes d’inondation et d’érosion que la Ville de Gibsons doit régler et des processus côtiers importants.
  • Répertoriage des actifs naturels côtiers existants dans la ville de Gibsons et établissement de solutions de rechange pour la gestion des actifs aux fins de modélisation.
  • Répertoriage des besoins en matière de données et établissement des lacunes touchant la compréhension. Les méthodes utilisées visaient surtout à comparer les avantages modélisés de protection contre les tempêtes et l’érosion découlant des options de gestion des actifs naturels, avec et sans ces options de gestion.

Afin d’atteindre les objectifs du projet de résilience côtière, l’équipe du projet a pris les cinq mesures suivantes :

  1. Cerner et sélectionner les options de protection côtière aux fins de modélisation.
  2. Intégrer les options de protection côtière dans la boîte à outils côtière.
  3. Préciser les hypothèses relatives à l’élévation du niveau de la mer et estimer la charge pluviale.
  4. Développer des modèles de simulation à l’aide de la boîte à outils côtière.
  5. Évaluer les résultats et estimer les avantages.

Résultats et suivi des progrès

Les résultats de l’analyse suggèrent que les options d’actifs naturels, comme le rechargement des plages, la plantation le long des rivages et la plantation de vallisnérie, ont le potentiel de réduire la vulnérabilité à l’érosion sur les plages du côté sud. Du côté de la marina, la plantation de vallisnérie et l’amélioration des sédiments constituent les options les plus prometteuses en matière d’avantages pour la réduction de l’érosion. En ce qui concerne la protection contre les inondations, les estimations provenant de la boîte à outils côtière indiquent que les bâtiments situés le long du côté sud ne sont pas à risque d’inondation en raison de leur plus grande élévation, même en tenant compte de scénarios de tempêtes extrêmes, de marées hautes et d’ondes de tempête. Du côté de la marina, le risque d’inondation est potentiellement beaucoup plus coûteux étant donné les 14 à 52 bâtiments à risque d’inondation (selon l’intensité de la tempête). Les tempêtes touchant le côté de la marina pourraient entraîner des dommages causés par des inondations pouvant atteindre 3,4 millions de dollars pour une seule tempête ou 16,2 millions de dollars cumulatifs pour de multiples tempêtes au cours d’un horizon temporel de 100 ans, selon les estimations. Cependant, puisque les principaux facteurs contributifs des inondations dans la ville de Gibsons sont les niveaux de marées, et non la remontée des vagues, les résultats de la boîte à outils côtière indiquent des répercussions minimes. Une option combinée (rechargement des plages + plantation le long des rivage/amélioration des sédiments) offrait seulement une protection minimale contre les inondations, avec des coûts évités ne dépassant pas un pour cent. En général, ce projet pilote a permis de démontrer ce qui suit :

  1. Les actifs naturels pourraient offrir une protection contre l’énergie des vagues et la remontée de l’eau, mais non contre les ondes de tempête et les marées hautes.
  2. La boîte à outils côtière est un outil rapide et facile à utiliser qui s’avère suffisant pour réaliser une évaluation initiale de haut niveau et pour quantifier les avantages associés aux actifs naturels côtiers.
  3. Il existe des défis associés à l’application d’un outil générique à différents types de rivages; à son étape d’élaboration actuelle, cet outil serait plus efficace dans des régions avec des rivages sablonneux.
  4. Il existe un besoin pour une approche qui tient compte de tous les systèmes, y compris explorer le rôle des bassins versants dans la gestion des inondations.

Prochaine(s) étape(s)

Les gouvernements locaux qui envisagent d’utiliser cet outil devraient passer en revue le document d’orientation technique complet ainsi que les résultats du projet pilote du Nouveau-Brunswick. Les applications actuelles de la boîte à outils côtière exigeront probablement l’acquisition de connaissances locales et une expertise professionnelle pour quelques-unes des étapes clés de modélisation. La prochaine étape utile serait de développer davantage la boîte à outils côtière pour prendre en compte un plus vaste éventail de types de plages dans le contexte du modèle d’érosion et d’améliorer davantage le cadre de travail et le modèle de résilience côtière. Les responsables de la Ville de Gibsons et (ou) de l’initiative MNAI et de la FDS pourraient améliorer les résultats du projet grâce à une analyse de sensibilité, à des ajustements au modèle afin d’intégrer un plus vaste éventail de types de plages et à une analyse économique plus poussée. Plusieurs hypothèses sont associées aux estimations des paramètres de base. Par conséquent, la prochaine étape utile serait d’examiner les répercussions de ces hypothèses sur les résultats en effectuant diverses analyses de sensibilité. Par exemple, les sous-modèles de la boîte à outils côtière sont fondés sur plusieurs hypothèses concernant les processus physiques liés aux tempêtes, aux marées et à l’érosion. Par conséquent, il serait utile d’ajuster quelques variables clés de ±20 % (p. ex., remontée de marée, distance de retrait de la plage, niveaux totaux d’inondation) avant de procéder aux derniers calculs d’indicateurs afin de mettre à l’essai l’impact de ces ajustements sur les résultats finaux.

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