Labo Climat Montréal

Entamé en 2019, le projet Labo Climat Montréal vise à comprendre, documenter et accroître l’intégration de l’adaptation aux changements climatiques dans les processus d’élaboration et de mise en forme des projets urbains à Montréal, à travers le cas du réaménagement de Lachine-Est.

Le Labo Climat Montréal pour le projet Lachine Est s’inscrit dans le partenariat entre Ouranos et la Ville de Montréal. Suite à un appel à projets lancé par ces deux organisations, cette initiative d’inspiration Living lab visait à développer de manière collaborative de nouvelles pratiques de planification de projets urbains intégrant l’adaptation aux changements climatiques. Cette recherche-action se basait sur le cas de Lachine-Est, une friche industrielle en redéveloppement. Le cadre de gouvernance et les pratiques de planification étaient au cœur de cette recherche-action. L’équipe de projet a ainsi observé pendant 18 mois, documenté et animé des ateliers, dont certains en lien avec la démarche de concertation de l’Atelier Lachine-Est, pour essayer de développer une réflexion académique, ainsi qu’un soutien adapté pour l’intégration de l’adaptation aux changements climatique à ce vaste projet urbain touchant une multitude de partenaires et parties prenantes. La recherche révèle que les enjeux de gestion des eaux pluviales sont pris en considération dans la planification urbaine tandis que d’autres impacts des changements climatique, comme les ilots de chaleur urbains, sont moins considérés.

Comprendre et évaluer les impacts

Le quartier de Lachine-Est est un ancien secteur industriel aujourd’hui composé de nombreux bâtiments désaffectés et terrains contaminés sous-utilisés. Cependant, la présence d’édifices patrimoniaux, sa proximité du centre historique de Lachine et du canal Lachine en font un sujet d’intérêt pour l’administration de l’arrondissement, de la Ville de Montréal, ainsi que de nombreux citoyens et groupes communautaires locaux. Des études pour un potentiel réaménagement sont en cours depuis 2004. Devant l’ampleur des possibilités et défis, une démarche de planification concertée a été entamée par la Ville de Montréal depuis 2020. La Ville de Montréal et Ouranos ont lancé un appel à projets afin d’intégrer l’adaptation aux changements climatiques pour la mise en place d’un projet de recherche d’inspiration Living Lab visant à comprendre, documenter et accroître l’intégration de l’adaptation aux changements climatiques dans les processus d’élaboration des projets urbains à Montréal, à travers le cas du réaménagement de Lachine-Est.

Les objectifs spécifiques du Labo Climat Montréal étaient d’identifier et d’agir sur les enjeux de coordination et d’expertise, ainsi que sur la clarification des choix d’adaptation au fil de la démarche. Le groupe de recherche a suivi une méthodologie en 3 étapes itératives :

Comprendre les pratiques actuelles et leur potentiel de levier/contrainte pour l’adaptation, les enjeux rencontrés par les professionnels ainsi que le contexte de gouvernance ;

Expérimenter en intégrant de nouveaux acteurs, expertises, et manières de formuler les enjeux, à différents moments du processus de projet urbain ;

Documenter en continu les échanges pour assurer l’analyse et le suivi du processus, une réflexivité des chercheurs et praticiens ainsi que l’usage des apprentissages réalisés.

Le Labo Climat Montréal a travaillé en co-construction avec les acteurs de la planification. La démarche visait à identifier et agir sur 1) la coordination entre les acteurs, 2) l’expertise sur l’adaptation aux changements climatiques dans un contexte de projet urbain, et 3) la clarification des choix d’adaptation.

Déterminer les actions

Au cours de la démarche, l’équipe de projet a recoupé les résultats qui se sont dégagés des ateliers avec certains enjeux établis par la littérature scientifique concernant l’impact des changements climatiques. Pour nourrir cette partie de la démarche, le groupe de projet s’est basé sur les projections climatiques produites pour le sud du Québec par Ouranos en 2015 en ce qui concerne les températures. Les projections utilisées sont basées sur des scénarii RCP4.5 (émissions modérées) et RC8.5 (émissions élevées). Pour les projections de précipitations, le groupe s’est basé sur un rapport spécifique produit par l’INRS, la Ville de Montréal et Ouranos, basé sur un scénario RCP8.5. Deux thèmes importants se sont distingués pour le secteur de Lachine-Est, soit la gestion des eaux pluviales et les ilots de chaleur urbains. Ces deux enjeux sont liés au bâti retrouvé à Lachine-Est, soit un ancien secteur industriel très minéralisé, équipé d’un système d’égouts unitaires. La gestion des eaux pluviales en particulier a été étudiée de façon détaillée, avec un portrait du secteur, des infrastructures existantes et un survol de leur capacité à gérer les épisodes de pluie torrentielle plus fréquent. Les contraintes, telles que les différents paliers de règlementations, les normes environnementales et la complexité des propriétés foncières dans le secteur ont aussi été analysées et synthétisées afin de servir de matériel de référence pour les échanges du processus de planification.

Finalement, l’équipe de projet s’est penchée sur la question des infrastructures vertes. Celles-ci ont démontré leur efficacité dans la gestion des eaux pluviales, autant au niveau des volumes en permettant la rétention en site propre et l’infiltration dans le sol, que dans le contrôle des polluants grâce aux phytotechnologies. De plus, les infrastructures vertes peuvent jouer un rôle dans la réduction des ilots de chaleurs urbains grâce à la canopée des arbres qui y sont fréquemment plantés. La question des infrastructures vertes a été traitée à la fois par une revue de littérature exhaustive et les ateliers qui ont suivi. Ces travaux ont mis en lumière plusieurs barrières à la mise en place de ces infrastructures : incompréhensions de la notion d’infrastructures vertes, manques d’expertises et ressources, manque d’informations pour les citoyens, échelle d’implantation trop restreinte et des outils de planification inadaptés.

Mise en oeuvre

La recherche documentaire et revue de littérature réalisée en première étape ont pu être enrichies par les informations partagées par des acteurs du milieu lors de trois ateliers réalisés de décembre 2019 à octobre 2020, en plus de la collaboration à des ateliers organisés par l’initiative complémentaire Atelier Lachine-Est, coordonnés par l’organisme Concert’Action Lachine. Chaque atelier du Labo Climat avait des objectifs spécifiques :

  • L’atelier 1 visait à développer des relations entre les participants pour débuter la démarche. Il visait aussi à initier les échanges à propos des aléas climatiques projetés pour Montréal, dans le contexte du processus de projet urbain.
  • L’atelier 2 visait à s’ancrer dans le cas de Lachine-Est pour imaginer les impacts concrets des changements climatiques, avec deux scénarii de quartiers maladaptés en 2035.
  • L’atelier 3 visait à réfléchir aux enjeux qui entourent l’implantation de nouvelles infrastructures vertes, notamment la prise en compte de leur multifonctionnalité et services écosystémiques en contexte de changements climatiques.

Résultats et suivi des progrès

La démarche de recherche-action a permis de dresser certains constats sur l’intégration de l’adaptation aux changements climatiques dans le processus de projet urbain à Montréal. Les ateliers living lab et la participation aux pratiques de planification et de concertation ont permis de relever des apprentissages pour une planification de milieux de vie durables. Des concepts et nouvelles pratiques sont en discussion : la mutualisation des infrastructures, la création de places publiques résilientes, la planification dans une structure de Bureau de projet partagé et d’ateliers de concertation, l’élaboration d’outils de planification et de règlementation favorisant l’adaptation tout en conservant une certaine flexibilité. Ce processus a contribué au développement de collaborations interservices ainsi qu’une coordination entre la Ville et son arrondissement qui s’est solidifiée avec la création du Bureau de projet partagé en mars 2020.

Dans une perspective locale, les ateliers ont permis le réseautage et un partage de connaissance entre les professionnels de la Ville et les acteurs externes, ce qui pourrait favoriser de futures collaborations sur d’autres projets urbains ou dans les phases subséquentes du développement de Lachine-Est. Cette démarche a aussi permis la production d’une abondante documentation, autant sur le processus de participation que des informations techniques sur le secteur de Lachine-Est. Les informations techniques comportent entre autres des fiches sur les aléas climatiques locaux, des revues de littérature scientifique sur les liens entre aménagement et climat, des fiches sur la méthode living lab, ainsi que des synthèses des outils légaux permettant aux municipalités d’agir en matière de changements climatiques.

Finalement, Labo Climat Montréal a pu émettre des recommandations découlant de la démarche. Quatre concernent une meilleure intégration de l’adaptation dans le processus balisé de projet urbain à la Ville de Montréal :

  • Intégrer le climat dans l’évaluation collective de la pertinence du projet et de ses contraintes.
  • Inclure le climat pendant l’étude des différentes hypothèses d’aménagement.
  • Préciser le rôle du domaine privé en adaptation, notamment dans la règlementation urbanistique.
  • S’assurer de la performance, de l’appropriation et de la résilience des infrastructures vertes.

Quatre autres recommandations ont été émises, spécifiques aux actions d’adaptation aux changements climatiques pour le quartier concerné :

  • Mettre en place une stratégie d’adaptation aux vagues de chaleur pour le réaménagement des friches industrielles et de leurs abords
  • Mobiliser les acteurs institutionnels externes pour l’adaptation
  • Pérenniser les collaborations interservices et les apprentissages dans la structure institutionnelle
  • Améliorer la gouvernance fragmentée des infrastructures vertes

Prochaine(s) étape(s)

Le projet a terminé sa phase active et l’équipe de recherche travaille à la diffusion des résultats du processus, en particulier sur le site internet créé pour l’occasion. Différents rapports, résumés, ainsi que les fiches-synthèses thématiques sont publiés sur cette plate-forme afin de partager les apprentissages développés durant le processus de living lab. Un livre dont la publication est prévue en 2024 est d’ailleurs en préparation avec certains des partenaires du projet.

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