Évaluation et soutien de la capacité des systèmes de santé à prévenir et limiter les impacts négatifs sur la santé mentale et le bien-être psychosocial des individus et populations exposés à des évènements climatiques extrêmes (Projet CASSSIOPÉE)

Le projet, « Adaptabilité des systèmes de santé et de services sociaux pour protéger la santé mentale et le bien-être psychosocial des populations exposées à des phénomènes climatiques extrêmes (Projet CASSSIOPÉE) », a été financé par le programme ADAPTATIONSanté de Santé Canada jusqu’en mars 2022.

Le projet CASSSIOPÉE a été réalisé en Chaudière-Appalaches par l’Université du Québec à Rimouski (UQAR) et le CISSS de Chaudière-Appalaches (CISSS-CA), en partenariat avec le CISSS du Bas-Saint-Laurent. Le projet visait à renforcer la capacité des systèmes de santé à protéger la santé mentale et le bien-être psychosocial des populations dans le contexte du changement climatique. Les risques visés liés au climat comprennent les phénomènes météorologiques extrêmes, notamment les inondations et les canicules. L’équipe principale du projet est composée du CISSS-CA, de l’UQAR et du CISSS du Bas-Saint-Laurent, avec le soutien étendu de l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ), du Comité de bassin de la rivière Chaudière (COBARIC), d’Ouranos et de l’Université Laval. Les membres de l’équipe ont mené des consultations sur les besoins d’adaptation de la communauté et sur l’adaptation des services communautaires et cliniques. Ils ont ensuite élaboré une carte des vulnérabilités psychosociales aux changements climatiques au niveau de la communauté locale et ont formulé une série de mesures. Les mesures d’adaptation prioritaires pour le CISSS-CA et ses partenaires consistent à préserver la santé mentale des populations dans le contexte du changement climatique et à accroître la capacité d’adaptation des installations du CISSS.

La région de Chaudière-Appalaches est particulièrement connue pour ses inondations récurrentes. Composée d’une grande ville (Lévis), de petits centres urbains et de vastes territoires ruraux, elle couvre une superficie de 15 073 km2 et comprend 136 municipalités. En 2021, la population totale de la région était de 438 106 habitants. Chaudière-Appalaches est une région manufacturière en raison de la forte proportion d’emplois dans ce secteur. Le manque de main-d’œuvre et l’arrivée d’un plus grand nombre d’immigrants sont de nouvelles réalités pour les nombreuses industries et exploitations agricoles de la région. La population vieillit également et des groupes comme les immigrants récents, les personnes vivant dans des zones reculées et les personnes âgées sont exposés à des risques lors de phénomènes climatiques dangereux, notamment d’un point de vue psychosocial. En outre, les communautés rurales et éloignées peuvent éprouver des difficultés à accéder aux services et disposer de ressources limitées, ce qui constitue un facteur de risque supplémentaire lors de phénomènes perturbateurs.

Comprendre et évaluer les retombées

Les phénomènes météorologiques extrêmes, comme les inondations et les canicules, sont associés à de multiples problèmes de santé, y compris des problèmes de santé mentale. À court terme, ces phénomènes provoquent chez les populations touchées une désorganisation de la vie quotidienne, des états de stress aigu, de détresse psychologique et d’épuisement. Lorsque de tels phénomènes persistent, ils peuvent conduire à des états pathologiques plus chroniques dans la population. Ces impacts psychosociaux risquent de s’aggraver avec le changement climatique en raison de l’augmentation attendue des phénomènes météorologiques extrêmes. Il est donc nécessaire d’équiper les systèmes de santé et de services sociaux pour mettre en œuvre des approches concentrées de la santé mentale de la population en mobilisant les différents secteurs qui ont une influence sur le bien-être des communautés.

L’équipe du projet CASSSIOPÉE a utilisé des données démographiques, des données climatiques et météorologiques historiques et projetées, ainsi que des données qualitatives issues d’entretiens individuels et de groupes de discussion dans différents territoires de la région de Chaudière-Appalaches pour établir les impacts, les vulnérabilités et les besoins psychosociaux des populations par rapport aux phénomènes climatiques extrêmes. Ces données ont ensuite été utilisées pour créer un indice des vulnérabilités psychosociales liées aux canicules et aux phénomènes hydroclimatiques dans les régions de Chaudière-Appalaches et du Bas-Saint-Laurent. Cet indice est en cours d’achèvement et sera intégré dans le plan pilote régional de renforcement et d’adaptation créé pour les organismes participants du CISSS.

Le CISSS-CA a été la principale autorité de santé publique pour ce projet. Le CISSS-CA compte près d’une centaine d’établissements, dont quatre hôpitaux et 23 centres de services communautaires locaux répartis sur le territoire de la région. Composé de 12 000 employés et de 800 médecins, le CISSS-CA travaille également en partenariat avec des organisations communautaires. La direction de la santé publique du CISSS du Bas-Saint-Laurent a également soutenu le projet, et son appui a été utile pour évaluer la transférabilité des méthodes et des outils à d’autres régions. En outre, un soutien a été apporté par le Consortium Inter S4, un consortium pour la mobilisation des connaissances en matière de soins de santé, car il a été bénéfique pour favoriser la création de produits de transfert de connaissances et l’élaboration d’arguments convaincants destinés spécifiquement aux gestionnaires du CISSS.

Déterminer les mesures

Le site CASSSIOPÉE comportait trois volets :

  • Évaluer les besoins et les enjeux de coordination et d’adaptation entre les services de santé et ceux présents dans la communauté afin de réduire la vulnérabilité de la région de Chaudière-Appalaches, en mettant particulièrement l’accent sur la santé mentale et le bien-être psychosocial en lien avec les phénomènes météorologiques extrêmes dans le contexte du changement climatique. Pour satisfaire à cette composante, des méthodes de collecte de données qualitatives ont été utilisées pour mener 116 entretiens avec des intervenants et des citoyens partenaires.
  • Brosser un portrait des populations à risque des régions de Chaudière-Appalaches et du Bas-St-Laurent en documentant les facteurs de risque et la capacité des populations, du système de santé et de ses partenaires à déployer des mesures favorisant le maintien et (ou) le rétablissement de la santé mentale et du bien-être psychosocial en cas d’inondation ou de canicule. Pour satisfaire cette composante, les données des projets OURANOS (notamment la cartographie de la vulnérabilité) et du Projet ARICA ont été combinées. Ce travail a été complété par les données qualitatives recueillies lors de la première composante du projet et la consultation initiale des bases de données de la population, afin de cerner les indicateurs nécessaires à la construction d’un indice de vulnérabilité psychosociale cartographié.
  • Déterminer des mesures visant à renforcer l’adaptation régionale des organisations participantes du CISSS afin de réduire les impacts psychosociaux et de préserver la santé mentale des populations dans le contexte du changement climatique. Ces mesures ont été établies sur la base des données recueillies lors de la première phase du projet et des résultats du projet ARICA. Elles ont été soumises à un processus de validation par des experts de différents secteurs et domaines et sont basées sur le Cadre opérationnel pour renforcer la résilience des systèmes de santé face au changement climatique.

Mise en œuvre

Comme indiqué, le projet comportait trois volets. Les deux premiers volets ont été planifiés en 2019 et mis en œuvre simultanément à l’hiver 2020.

Le premier volet s’est appuyé sur les résultats d’une consultation de groupe qui a réuni des intervenants locaux, notamment ceux des réseaux publics et communautaires, et des partenaires citoyens. La consultation a été suivie d’entretiens individuels et virtuels, dans le respect des restrictions sanitaires de la COVID-19.

Le deuxième volet du projet consistait à cartographier les vulnérabilités psychosociales dans les régions de Chaudière-Appalaches et du Bas-St-Laurent, sur la base de la mise en commun des données d’OURANOS et du projet ARICA (comme décrit ci-dessus). La collecte des données du premier volet du projet et la consultation des bases de données de la population ont également été prises en compte dans l’établissement des indicateurs pour l’indice de vulnérabilité psychosociale cartographié.

Un plan pilote de renforcement et d’adaptation a été produit au cours de la dernière année du projet sur la base des résultats des deux premiers volets. Les mesures de ce plan ont été classées selon le Cadre opérationnel pour renforcer la résilience des systèmes de santé face au changement climatique de l’OMS et ont été soumises à un processus de validation par des experts intersectoriels, au sein du CISSS et de ses partenaires, afin de garantir la pertinence et la faisabilité des mesures cernées. Le partage des connaissances et la sensibilisation aux impacts psychosociaux du changement climatique ont également constitué un aspect du projet. Un plan de transfert des connaissances a été élaboré, et il comprend des outils qui faciliteront la mobilisation des installations du CISSS pour protéger les populations avant, pendant et après les phénomènes météorologiques extrêmes.

Résultats et suivi des progrès

Le projet CASSSIOPÉE a démontré la nécessité d’inclure la santé mentale et les services psychosociaux dans les mesures d’adaptation aux changements climatiques.

Les principaux avantages/résultats du projet ont été les suivants :

  • Un profil d’exposition aux inondations et aux canicules pour Chaudière-Appalaches
  • La détermination des déterminants individuels, sociaux et environnementaux de la santé mentale dans le contexte du changement climatique, et la connaissance de la capacité d’adaptation des personnes, de la communauté et du système de santé
  • Un plan d’adaptation pour réduire les impacts psychosociaux du changement climatique
  • Une sensibilisation accrue des populations à risque aux impacts psychosociaux du changement climatique
  • Une sensibilisation de la santé publique du CISSS à l’adoption d’une vision de la santé de la population qui inclut la santé mentale, et à la nécessité d’une réponse intégrée et intersectorielle
  • Une amélioration des connaissances sur les mécanismes d’adaptation et sur les pratiques exemplaires pour les communautés touchées

À la fin du projet, le CISSS-CA a pu partager les recommandations et les leçons apprises suivantes :

  • Assurer un leadership clair et unifié au sein du CISSS en matière d’adaptation aux changements climatiques
  • Inclure le changement climatique et la réponse à ses impacts psychosociaux dans les plans de gestion des risques du CISSS
  • Avoir des mesures en amont pour accroître la prévention et la préparation au sein des établissements du CISSS
  • Renforcer les mesures intersectorielles entre le CISSS et ses partenaires
  • Décloisonner et mobiliser tous les services du CISSS, car ce défi est complexe et systémique
  • Être plus proactif et aller au-devant à la population pour offrir des services de santé mentale
  • Soutenir les initiatives de soutien social, car elles ont été établies comme d’importantes forces communautaires
  • Tirer parti des leçons apprises dans le contexte des inondations et des pandémies pour déterminer les pratiques exemplaires et s’appuyer sur les forces et les réseaux locaux
  • Mobiliser une diversité d’acteurs au sein du CISSS et de ses partenaires

Prochaines étapes

La mobilisation post-pandémique du CISSS-CA est essentielle pour que les résultats et les recommandations du projet CASSSIOPÉE puissent être utilisés en vue de réduire la vulnérabilité de la région aux changements climatiques et aux phénomènes météorologiques extrêmes qui en découlent. À cette fin, une nouvelle unité transversale sur le changement climatique a été créée au sein du service de santé publique du CISSS-CA. Des procédures pour transmettre des résultats du projet CASSSIOPÉE aux responsables de cette unité sont prévues pour l’automne 2022. Cette unité permettra de donner un nouveau souffle à la mobilisation des connaissances et aux outils développés dans le cadre du projet.

Une mise en commun des connaissances du projet CASSSIOPÉE et du projet VRAC-PARC de l’INSPQ (c’est-à-dire des évaluations régionales : Évaluation de la vulnérabilité régionale aux changements climatiques et conception de plans d’adaptation régionaux au climat de santé publique), dont la diffusion est prévue, mettra plus généralement en évidence les portraits climatiques des deux régions sanitaires et leurs vulnérabilités respectives. Le projet VRAC-PARC est également financé dans le cadre du programme ADAPTATIONSanté de Santé Canada et évalue dix risques différents liés au climat.

Dans le futur, la transférabilité des résultats du projet pourra être mise à l’essai dans la région du Bas-Saint-Laurent, ainsi qu’auprès d’autres CISSS du Québec et d’autres établissements de santé du pays.

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