Étude de surveillance : Construction de sections d’essais sur la route 3 de Yellowknife

En 2011, le ministère des Transports du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest a obtenu un financement de 157 500 $ de l’Initiative d’adaptation des transports dans le Nord (IATN) visant à évaluer la vulnérabilité de la route 3 de Yellowknife et la préparer aux défis anticipés découlant des changements climatiques. La route 3 est située entre Rae et Yellowknife dans les Territoires du Nord-Ouest (TNO) du Canada. Il s’agit de la seule route toute saison reliant la ville au sud du Canada. Entre 1999 et 2006, les 100 derniers kilomètres de la route 3, de Behchoko à Yellowknife, ont été réalignés, redressés et pavés afin de respecter les normes de conception permettant d’afficher des limites de vitesse de 100 km/h. Le projet a été réalisé en collaboration avec le ministère des Transports du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest (MT-GTNO), Ingénieurs Canada et BGC Engineering inc., à titre de consultants. Puisque la route se trouve dans une zone de pergélisol discontinu, l’augmentation combinée de la fonte des neiges et des précipitations de pluie au cours de la dernière décennie a entraîné de nombreux problèmes : affaissement important dans les zones recouvertes de terre, fissures et ondulations sur la surface de la route, rotation des accotements, ornières, nids de poule et cambrures visibles de la couronne de ponceau. Suivant le Protocole du Comité sur la vulnérabilité de l’ingénierie des infrastructures publiques (CVIIP), plus de 1 100 combinaisons d’éléments de l’infrastructure routière et d’événements climatiques ont été évaluées. Les enquêtes sur le site ont révélé que la fonte du pergélisol riche en glace dans les zones de transition sous la surface (p. ex., sol rocheux, dégel/gel, pergélisol chaud/froid), aux endroits où la route est construite à proximité d’un plan d’eau et traverse l’ancien alignement, était responsable des zones d’instabilité routière les plus importantes. BGC a conçu et construit quatre sections d’essais pour aborder ces problèmes. Les sections d’essais comprenaient des activités de reconstruction du remblai à divers niveaux ainsi que l’installation de câbles thermistances dans le remblai afin de mesurer et de surveiller les changements de température.

Comprendre et évaluer les impacts

Le climat enregistré à l’aéroport de Yellowknife a été considéré comme étant représentatif du climat à l’échelle de la zone d’étude de la route 3. Des données relatives à divers éléments ont été recueillies et des exemples d’impacts potentiels sur l’infrastructure touchée sont résumés ci-dessous:

  • Les changements de la température du sol, qui peuvent entraîner le gonflement causé par le gel ou le dégel du pergélisol, peuvent déformer le remblai en raison des mouvements différentiels, de la rotation des accotements ou de l’encrassement.
  • Les événements de pluies intenses peuvent dépasser les capacités d’écoulement des ponceaux et des ponts, entraînant des accumulations d’eau contre les remblais routiers ainsi que des débordements ou des écoulements incontrôlables dans les remblais. L’eau qui s’accumule pour former des étangs pourrait aussi former un puits thermique qui modifierait le régime géothermique et pourrait éventuellement se transformer en talik.
  • Les tempêtes de neige réduisent la visibilité et ont un effet sur l’entretien, p. ex., sur le déneigement. De plus, les épais couverts de neige agissent comme un isolant thermique qui empêche l’air froid en hiver de pénétrer dans le sol, entraînant un réchauffement du sol. D’autre part, un couvert de neige moins épais pourrait entraîner un refroidissement du sol.
    • Les températures, niveaux et débits des eaux souterraines pourraient avoir une incidence sur le régime géothermique du remblai et de la fondation de la route. Les niveaux changeants des eaux souterraines pourraient aussi causer un tassement de la plateforme des sols de fondation non gelés.
  • Les changements de débits de l’eau de surface attribuables à l’augmentation des inondations ou de la formation de glace peuvent entraîner l’érosion thermique ou mécanique du remblai de la route et de sa fondation.

Deux catégories d’information sur les changements climatiques ont été envisagées : les projections des changements climatiques fondées sur les simulations de modèles climatiques mondiaux et régionaux, et l’analyse des données climatiques historiques pour Yellowknife. Les projections des changements climatiques pour la région de Yellowknife provenant de dix-huit modèles de circulation mondiale (MCM) et d’un modèle climatique régional (MCR) ont été évaluées en tenant compte d’un scénario modéré d’émissions de gaz à effet de serre (SRA25). Dans le cadre de son évaluation, BGC a également passé en revue les évaluations géotechniques antérieures de la route, les photographies aériennes ainsi que plusieurs dessins de construction et de conception conformes à l’exécution pour la route reconstruite.

Déterminer les actions

Le protocole du Comité sur la vulnérabilité de l’ingénierie des infrastructures publiques (CVIIP) a été suivi pour évaluer les impacts des changements climatiques sur l’infrastructure et pour intégrer les mesures d’adaptation à la conception, au développement, à la gestion des actifs et au processus de prise de décisions. Cette évaluation a été menée par BGC Engineering, en tenant compte des commentaires du planificateur principal des transports du MT-GTNO et de ceux du gestionnaire de la pratique professionnelle d’Ingénieurs Canada. Le CVIIP a élaboré un protocole global étape par étape pour l’évaluation de la vulnérabilité de l’infrastructure attribuable aux changements climatiques. Ce protocole fournit un cadre de travail général qui peut être utilisé pour toute infrastructure. Il comprend les étapes suivantes :

  • Étape 1 : Définition du projet
  • Étape 2 : Collecte et exhaustivité des données
  • Étape 3 : Évaluation des risques
  • Étape 4 : Analyse de l’ingénierie
  • Étape 5 : Recommandations

Les limites de l’évaluation concernent l’incertitude liée à la projection des températures futures du sol et de l’eau. Contrairement aux températures de l’air, les températures du sol et de l’eau sont plus difficiles à prédire, car elles dépendent d’autres facteurs, notamment des précipitations, des niveaux d’eaux souterraines, des couverts de neige ou de végétation. Un atelier d’évaluation des vulnérabilités d’une journée et demie a aussi été organisé. Il a réuni 15 participants du service des opérations et de l’entretien, des planificateurs, des ingénieurs et des scientifiques. Cet atelier comprenait une demi-journée de conduite sur la route avec des arrêts, qui s’est avérée très utile pour cerner les nouveaux éléments. Le mélange des groupes au cours des diverses séances a bien fonctionné, mais le temps était compté et aucune présélection de combinaison n’a été faite.

Mise en oeuvre

Les activités d’enquête sur le terrain menées en 2010 comprenaient le forage par jet, le forage à la tarière, des essais de pénétration au cône, la tomographie de la résistivité électrique, l’excavation d’une fosse d’essai et des sondages de couches actives. Des enregistreurs de données ont été installés à certains endroits pour enregistrer les températures du sol. Après le processus d’enquête et d’évaluation, quatre sections d’essais de 10 à 60 m ont été construites à l’automne 2012 en remplaçant une partie ou l’ensemble du remblai actuel de la route. Afin d’évaluer les conditions thermiques des sections d’essais, des câbles thermistances ont été installés dans les remblais routiers lors de la construction. Les travaux de construction à la section d’essai 1 comprenaient la relocalisation et le remplacement du ponceau existant par un ponceau à arche ouverte et un remplissage renforcé par des géosynthétiques. À la section d’essai 2, des travaux d’excavation du remblai sur 1,5 m de la partie supérieure de la route ont été réalisés et le remblai a été remplacé par trois couches de remblai renforcé par des grilles géotextiles pour stabiliser la route lors des transitions entre les roches et le pergélisol. À l’extrémité est de la section d’essai, l’accotement du remblai a été remplacé par un accotement ventilé avec des galets et des blocs rocheux propres et bruts pour favoriser la circulation d’air et le refroidissement par convection de l’accotement du remblai et la fondation du pergélisol. Les stratégies de remise en état à la section d’essai 3 visaient à stabiliser le remblai routier dans le cadre de ses transitions de gel et de dégel de l’argile et de l’argile gelée au substrat rocheux. La partie supérieure du remblai routier a été partiellement excavée et une couche de béton cellulaire de 0,4 m d’épaisseur a été installée directement sous la base. Adjacente à cette section, une autre section de 40 m a été partiellement excavée et remplacée par deux couches de remblai de pierre de 0,5 m d’épaisseur renforcées de grilles géotextiles. Les deux sections visent à fournir une rigidité structurelle au remblai et à limiter les tassements différentiels abrupts. À la section d’essai 4, la surface routière existante présentait un creux abrupt sous la voie de circulation en direction ouest. Par conséquent, les travaux de remise en état sur ce site comprenaient le remplacement du drain de pierres sèches par un petit ponceau à arche ouverte et un remblai renforcé de géotextiles.

Résultats et suivi des progrès

L’évaluation du rendement des sections d’essais a été réalisée au moyen de visites semestrielles des sites (une au printemps et l’autre à l’automne), incluant une inspection visuelle des surfaces et des remblais de la route. Le grand ponceau à arche ouverte est efficace pour le refroidissement du remblai et la circulation de l’eau. Les températures de l’air mesurées au niveau du plancher et de la paroi du ponceau étaient respectivement inférieures de 6 °C à 2 °C aux températures enregistrées à l’aéroport de Yellowknife pendant l’été. Le petit ponceau à arche ouverte n’est pas efficace pour la circulation de l’eau; de l’eau stagnante se forme, reliant des étangs de chaque côté de la route. Le petit ponceau à arche ouverte occasionne un réchauffement du remblai. L’accotement ventilé refroidit l’accotement du remblai d’environ 4 °C en moyenne, comparativement à la section de référence. Les températures moyennes du remblai situé immédiatement sous le béton cellulaire sont plus chaudes que celles de la section de référence. Cela indique que la couche isolante réduit l’extraction nette de la chaleur à la base du remblai, car elle isole le remblai contre les températures froides de l’hiver, encore plus que contre les températures chaudes de l’été. Les cinq années de surveillance des sections d’essais le long de la route 3 ont démontré que la construction et l’entretien de l’infrastructure routière sur un pergélisol chaud et riche en glace sont extrêmement difficiles et qu’un changement radical de la conception des routes est nécessaire.

Prochaine(s) étape(s)

Le processus de surveillance et de restauration de la route 3 s’est poursuivi au fil des ans depuis l’évaluation initiale du CVIIP. Voici un résumé des projets :

  • Km 24,4 : Nettoyage et contrôle de l’érosion au pont Deh Cho (été 2020)
  • Km 201 : Production et stockage de matériaux de construction (printemps-été 2020)
  • Km 244,1 à 256,3 : Restauration de la route, y compris le débroussaillage d’arbres et de buissons dans les droits de passage, le nivellement et le compactage des matériaux à la surface de la route et le remplacement de ponceaux (été 2020)
  • Km 256 à 332 : Réparations de la surface (été 2020)
  • Km 272 : Production et stockage de matériaux de construction (printemps-été 2020)

Ressources

Lien vers l’étude de cas complète (en anglais seulement)

Ressources supplémentaires :