Semer des graines : établissement de bonnes relations avec les Autochtones comme processus de protection de l’environnement

La présente étude de cas explore le parcours du collectif Wisahkotewinowak, une initiative urbaine de souveraineté alimentaire autochtone sur le territoire de la rivière Grand, au sud de l’Ontario, où les impacts des changements climatiques, notamment les vagues de chaleur et les pluies extrêmes, touchent les systèmes et la sécurité alimentaires à l’échelle locale. L’initiative se déroule dans les basses terres du lac Érié, qui ont été désignées comme étant une « écorégion en crise ». À travers trois histoires décrivant l’établissement de relations distinctes avec le collectif Wisahkotewinowak, cette étude de cas illustre la façon dont le leadership autochtone peut améliorer les efforts communautaires afin de transformer les espaces sociaux communs, les environnements bâtis et les climats écologiques en :

  • trouvant des possibilités d’utilisation de la Terre dans les espaces urbains naturels;
  • imaginant et en créant des espaces pour l’apprentissage axé sur la Terre;
  • renforçant et en mobilisant la communauté pour favoriser la biodiversité locale et les adaptations sociales;
  • améliorant les pratiques de souveraineté alimentaire autochtone pour favoriser le bien-être communautaire.

Dave Skene, un Métis de la ville qui jardine et récolte des graines traditionnelles pour se rapprocher de son identité autochtone tout en vivant à Kitchener, en Ontario, a créé un jardin dont il s’est occupé et dont il a pris soin, en collaboration avec un groupe local d’étudiants autochtones. Il a récolté les fruits de son premier projet de jardin communautaire – Wisahkotewinowak, qui signifie « la croissance des nouvelles pousses vertes qui naissent de la Terre après qu’un feu l’a balayée ». L’objectif de cette initiative était de revitaliser les pratiques autochtones axées sur la Terre ainsi que les connaissances et la relation avec la Terre.

Comprendre et évaluer les impacts

Les impacts des changements climatiques, comme les vagues de chaleur et les pluies extrêmes, toucheront les systèmes et la sécurité alimentaires à l’échelle locale, des facteurs déterminants de la santé, en influant sur l’accessibilité, la distribution et la salubrité des aliments. Cependant, la définition de la sécurité alimentaire dans divers contextes autochtones ne devrait pas se limiter au fait d’avoir assez de nourriture pour se nourrir ou suffisamment d’argent pour acheter des aliments transformés, qui peuvent être plus accessibles. Pour rétablir des relations durables avec la Terre, la culture et les communautés, et pour faire progresser les efforts de réconciliation et de justice sociale et environnementale, une résurgence des rôles et des responsabilités communautaires est nécessaire.

Les organisations et organismes de tous les territoires doivent savoir comment mettre le leadership autochtone à contribution pour revitaliser et protéger les environnements communs dans les régions urbaines et périurbaines. Les changements climatiques menacent l’infrastructure naturelle urbaine de laquelle nous dépendons pour une myriade de services, et l’urbanisation resserre de plus en plus l’étau autour de nos espaces naturels. Il est primordial de mieux protéger et de mieux gérer ces espaces naturels pour assurer le bien-être de tous les êtres vivants. L’initiative Wisahkotewinowak offre des solutions à ces problèmes.

Déterminer les actions

Peu après son lancement, Wisahkotewinowak est devenu trop grand pour son emplacement initial. Ainsi, en 2017, Dave et les professeures universitaires Hannah Tait Neufeld et Kim Anderson ont commencé à réfléchir à la manière de soutenir la santé des communautés autochtones en milieu urbain par la souveraineté alimentaire autochtone et l’accès à la Terre. Grâce à leur collaboration et à leurs réseaux de contacts, de nouveaux jardins ont vu le jour partout dans la région, à la Steckle Heritage Farm, au Guelph Organic Centre de l’Université de Guelph et à l’Université de Waterloo. Également, le printemps dernier, le personnel de la White Owl Native Ancestry Association a créé un jardin d’apprentissage autochtone au Blair Outdoor Education Centre.

Le collectif Wisahkotewinowak a pris de l’ampleur à mesure que naissaient de nouveaux jardins et a entretenu ses relations communautaires. Des espaces significatifs ont été créés dans ces sites de jardinage, et le collectif a accueilli de nouveaux étudiants, universitaires, militants et aînés qui souhaitaient s’impliquer. En tant que collectif, les relations s’étendent à de nombreux jeunes, étudiants, aînés et êtres non humains ainsi qu’à de nombreuses familles dans les endroits qui assurent leur subsistance. Les liens avec les jardins et une philosophie principale sont aussi associés aux terres protégées par l’accord dit du « bol à une seule cuillère », que le collectif s’efforce de respecter en ne prenant que ce dont il a besoin, en laissant de quoi aux autres et en gardant le bol propre.

Les fruits de ce labeur sont maintenant tangibles, car le collectif continue d’établir des processus pour renforcer les relations, en offrant des aliments à la communauté, en cultivant et en récoltant de manière autonome partout dans la région de Waterloo-Wellington.

Figure 1 : Modèle de la graine.

Modèle de la graine. Ce modèle comprend quatre étapes essentielles : 1. Recevoir le don de la semence. 2. Planter la graine. 3. Cultiver la graine. 4. Récolter, conserver et partager les semences.

Image of a sustainable urban rainwater management project in the City of Vancouver. The schematic includes incorporation of greenscaping as a way of not only beautifying the streetscape, but also to provide functional purposes such as rainwater management and small areas of habitat refugia. The image shows the integration of sustainable design with climate adaptation actions. Specific foci are on the inclusion of more city street trees, native plants, areas for pollinators, rain gardens, and the creation of common spaces for gathering.

Résultats et suivi des progrès

Comme en témoignent les histoires présentées, le collectif Wisahkotewinowak s’engage dans des projets novateurs qui montrent comment les initiatives dirigées par des Autochtones peuvent englober à la fois des mesures durables de protection de l’environnement et des activités soutenant des mouvements locaux. Tout au long de son évolution, le collectif a saisi des occasions en créant des endroits et des espaces d’apprentissage communautaire axé sur la Terre, tout en protégeant et en améliorant la biodiversité locale. Ces actions ont été rendues possibles grâce à des processus de protection de l’environnement, notamment l’établissement de relations qui favorisent le bien-être écologique commun dans le cadre de toutes nos relations, c’est-à-dire avec les personnes, les plantes, les animaux et la Terre. Les trois histoires illustrent la façon dont les relations établissent des processus qui constituent la base d’actions transformatrices au profit des environnements sociaux, bâtis et écologiques partagés.

Le collectif continuera à réfléchir à ses responsabilités et à sa position par rapport aux territoires locaux. Les membres continueront de prendre soin de la Terre et encourageront d’autres personnes à contribuer à cette histoire vivante de tissage de liens et de décolonisation. Les relations demandent du temps, de l’énergie et de la responsabilisation. Lorsqu’elles sont pleinement mises à profit, elles peuvent engendrer d’autres relations et idées pour favoriser la réconciliation avec la Terre et entre nous. Ces travaux sont applicables à des communautés autochtones urbaines et ils ont le potentiel d’orienter l’élaboration de politiques à tous les niveaux et d’autres systèmes de gouvernance au-delà des structures coloniales. Les recommandations s’articulent autour du modèle de la graine (illustré à la Figure 1 ci-dessous), qui comprend quatre étapes essentielles : recevoir le don de la semence, planter la graine, cultiver la graine et récolter, conserver et partager les semences. Pour obtenir plus de renseignements sur le modèle de la graine, consultez la section des ressources ci-dessous pour le lien vers l’histoire complète.

Mise en oeuvre

Le collectif Wisahkotewinowak appuie les projets et les initiatives à l’échelle locale qui favorisent la sécurité alimentaire autochtone par la création de liens plus profonds les uns envers les autres et envers la Terre. Vous trouverez ci-dessous un résumé de l’une des histoires présentées dans l’étude de cas qui a favorisé l’établissement de relations comme moyen de renouer avec les apprentissages et les pratiques axés sur la Terre. Créer des occasions locales : White Owl Sugar Bush.

À la suite d’une conférence présentée en 2016 par le personnel de la White Owl Native Ancestry Association à l’Emmanuel United Church à Waterloo, en Ontario, la codirectrice de White Owl a présenté une demande afin que l’église appuie davantage les travaux de White Owl en lui remettant des terres. Par coïncidence, l’église possédait une parcelle de terre, qu’elle a offerte à White Owl. La Ville de Kitchener a désigné cette terre comme site protégé en raison de la présence de la salamandre de Jefferson, une espèce en voie de disparition. L’ancienne terre de l’église représentait l’environnement parfait pour les salamandres. Comme elle comprenait une forêt mixte composée d’érables, de chênes, de hêtres et de quelques pins, les dirigeants de White Owl ont constaté son potentiel pour la tenue de rassemblements communautaires et de cérémonies, et ils savaient que le collectif Wisahkotewinowak souhaiterait recueillir la sève des érables. Il a fallu un an avant que le processus légal prenne fin. Une cérémonie a eu lieu en 2017 avec les dirigeants de White Owl et de l’Église Unie du Canada pour marquer le transfert officiel de la propriété. Le site est maintenant connu comme la White Owl Sugar Bush (l’érablière White Owl).

En 2020, 100 érables ont été entaillés sur la terre de White Owl. L’Association a offert de l’eau d’érable aux aînés de la communauté à des fins cérémonielles et a fait bouillir le reste, produisant ainsi 110 litres de sirop qui ont été distribués dans le cadre du programme de distribution d’aliments de White Owl, lequel favorise l’accès à des aliments autochtones et à d’autres produits locaux pour les membres des communautés autochtones de la région.

Prochaine(s) étape(s)

Le cycle de la graine se poursuit, tout comme les processus relationnels visant les pratiques durables axées sur la Terre. Ces étapes continuent de s’étendre à travers toutes les formes d’apprentissage, vers l’amélioration de la santé et du bien-être des peuples autochtones vivant dans des milieux urbains diversifiés. Tout comme la métaphore de la graine qui encadre notre expérience commune, la graine est un cadeau qu’il faut continuellement entourer de soin, tout comme les relations décrites dans les trois histoires. Ces deux éléments sont des entités tangibles que nous avons intentionnellement comparées ainsi, car les graines et les relations ont constamment besoin d’énergie et d’intention, et elles ont toutes les deux le potentiel de produire des occasions fructueuses dans les années à venir. Plus important encore, la graine et son histoire en évolution doivent être traitées comme le cadeau qu’elles sont, qui nous inspire à emprunter des voies concrètes vers la réconciliation et la protection de l’environnement.

Les apprentissages autochtones et les réalités vécues par rapport à la relation avec l’environnement sont intrinsèquement fondés sur la nature. Ils offrent de nombreuses solutions pour atténuer les changements climatiques et visent à soutenir et à faire progresser la réconciliation qui sera bénéfique pour le bien-être de la communauté élargie.

Ressources

Lien vers l’étude de cas complète 

Initialement publié par l’Institut canadien pour des choix climatiques

Resources additionnelles:

Si vous souhaitez en savoir plus sur les expériences et les histoires des peuples autochtones dans un climat changeant, visitez le Indigenous Climate Hub (en anglais seulement). Vous pouvez également trouver sur la plateforme un certain nombre d’outils de ressources sur le changement climatique pour que les peuples autochtones puissent surveiller et s’adapter au climat en constante évolution.

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L’utilisation des projections en changements climatiques permet de prendre de meilleures décisions d’adaptation, car cela vous permet de mieux comprendre comment le climat peut changer. Pour savoir comment choisir, accéder et comprendre les données climatiques, visitez la Zone d’apprentissage de Donneesclimatiques.ca.

Visitez Donneesclimatiques.ca et cliquez sur « Explorer par variable » pour les projections climatiques futures liées à la température et aux précipitations, qui peuvent être utilisées pour éclairer la planification de l’adaptation.