La prise en compte de l’adaptation aux changements climatiques dans le schéma d’aménagement et de développement de l’agglomération de Montréal

L’Observatoire québécois de l’adaptation aux changements climatiques (OQACC) de l’Université Laval, le consortium Ouranos et le laboratoire SSL (Sustainable Solutions Lab) de l’Université du Massachusetts à Boston ont élaboré six études de cas. Ce projet est réalisé grâce au soutien financier du Programme d’adaptation aux changements climatiques de Ressources naturelles Canada et du Gouvernement du Québec, dans le cadre des Fonds de recherche du Québec ainsi que du Plan pour une économie verte 2030. Ces études de cas ont permis d’établir les facteurs qui motivent les instances publiques à développer des instruments de politiques spécifiques en réponse aux changements climatiques, ainsi que d’autres facteurs qui facilitent leur mise en œuvre et qui favorisent leurs effets positifs.

La présente étude de cas, réalisée par l’OQACC, porte sur le plan régional (schéma d’aménagement et de développement [SAD]) de l’agglomération de Montréal. Le schéma révisé, en vigueur depuis avril 2015, comprend un volet sur l’adaptation aux changements climatiques et les impacts liés aux épisodes de chaleur de plus en plus intense et de pluie de plus en plus abondante. Les schémas régionaux sont des documents de planification et d’intention prévus par la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme (LAU) du Québec au niveau régional. Ces plans régionaux doivent permettre aux municipalités régionales de comté (MRC), ainsi qu’à certaines villes et agglomérations de coordonner les choix et les décisions concernant l’utilisation des terres sur leur territoire autour d’une vision de développement durable.

Les résultats de cette étude de cas, portant sur l’agglomération de Montréal, montrent que les schémas régionaux d’aménagement et de développement sont des outils valides pour favoriser l’adaptation aux changements climatiques à l’échelle régionale et locale. Ces plans permettent d’établir une vision stratégique du développement et des objectifs liés à l’adaptation aux changements climatiques, et de déterminer des moyens pour y parvenir. Les programmes et les règlements d’aménagement locaux doivent être mis en conformité avec les objectifs et les dispositions du plan régional. Toutefois, les règlements d’aménagement ne permettent de contrôler que les nouveaux développements ainsi que les nouvelles constructions et transformations. Pour intervenir sur ce qui est déjà aménagé ou construit, des mesures complémentaires sont nécessaires.

Comprendre et évaluer les impacts

Parmi les facteurs qui ont motivé l’agglomération de Montréal à intégrer les changements climatiques dans son schéma régional, on retrouve les enjeux en matière de santé publique liés aux épisodes de chaleur extrême et aux refoulements et débordements d’égouts, aggravés par des pluies de plus en plus abondantes. Les exigences des différents paliers de gouvernement, ainsi que les demandes ou pressions des citoyens et des représentants élus ont également contribué à cette motivation.

En 2015, la Ville de Montréal a produit un plan d’adaptation aux changements climatiques. Les projections climatiques fournies par Ouranos ont été utilisées pour établir les impacts climatiques qui pourraient se produire dans l’agglomération de Montréal d’ici 2050 et 2070. Parmi ces impacts, on note une augmentation des températures moyennes annuelles, une augmentation de l’intensité et de la fréquence des fortes pluies et des tempêtes destructrices, une augmentation de la fréquence et de la durée des canicules et des périodes de sécheresse, et une augmentation de la fréquence des inondations printanières.

Déterminer les actions

Les schémas d’aménagement et de développement sont des instruments de planification obligatoires pour les MRC. Ils sont également obligatoires pour les villes et les agglomérations qui ont la compétence des MRC en matière d’aménagement du territoire, comme c’est le cas pour l’agglomération de Montréal. De plus, les deux communautés métropolitaines du Québec, soit les villes de Québec et de Montréal, sont tenues de créer un plan métropolitain d’aménagement et de développement (PMAD). Pour leur part, les municipalités locales doivent élaborer et mettre en œuvre des plans et des règlements d’aménagement.

Pour mieux comprendre comment les MRC peuvent utiliser les schémas régionaux d’aménagement et de développement pour atteindre leurs objectifs d’adaptation, l’équipe de projet de l’OQACC a travaillé avec le Bureau de la transition écologique et de la résilience de la Ville de Montréal et Ouranos. Ensemble, ils ont mené des entrevues et des discussions avec des conseillers de plusieurs services de la Ville, notamment auprès du Service de l’urbanisme et de la mobilité, du Service des grands parcs, du Service du Mont-Royal et des sports, du Service des eaux, du Service de la transition écologique et de la résilience. L’équipe s’est également entretenue avec un conseiller du ministère des Affaires municipales et du Logement. En plus de ces entrevues et discussions, les équipes de projet de l’OQACC ont étudié le schéma régional et des documents supplémentaires pour corroborer et compléter les renseignements fournis par les participants.

Les questions posées lors des entrevues et des discussions visaient à mettre en lumière les déterminants de la prise en compte des effets des changements climatiques dans le plan régional, dans le choix des mesures et des dispositions, ainsi que les facteurs qui influencent les effets du schéma régional sur l’adaptation. Les questions d’entrevue et l’analyse des données se sont concentrées sur les facteurs qui ont motivé la prise en compte de l’adaptation aux changements climatiques dans le schéma régional, ainsi que sur les facteurs qui ont favorisé ou entravé leur mise en œuvre et leurs résultats.

Mise en oeuvre

Les plans métropolitains, régionaux et locaux (voir la figure ci-dessous) doivent être harmonisés entre eux ainsi qu’avec les orientations stratégiques du gouvernement du Québec en matière d’aménagement du territoire, d’environnement et de planification des mesures d’urgence. Les plans régionaux et métropolitains doivent présenter la vision stratégique du développement, les orientations stratégiques d’aménagement et les grandes affectations du territoire. Ils doivent également identifier les zones où l’occupation des terres est soumise à des contraintes pour des raisons de sécurité publique (p. ex., zones de glissement de terrain, d’érosion côtière ou de submersion) ou de protection de l’environnement (p. ex., zones visées par la Politique de protection des rives, du littoral et des plaines inondables).

Les interventions cernées par la MRC en matière d’adaptation aux changements climatiques sont les suivantes :

  • Préparation d’un plan d’adaptation aux changements climatiques
  • Mise en œuvre du Plan d’action canopée
  • Élaboration d’un plan de protection et d’amélioration
  • Élaboration de plans de conservation de l’environnement naturel
  • Contribution à la mise à jour des différents plans stratégiques de l’agglomération concernant les grands parcs, les milieux naturels, l’écologisation, le réseau bleu, ainsi que les équipements sportifs et culturels, conformément aux trames vertes et bleues
  • Démarches continues pour obtenir le statut de paysage humanisé auprès du gouvernement du Québec
  • Élaboration d’un plan d’action et de financement pour la mise en œuvre des trames vertes et bleues

Les programmes et les règlements d’aménagement constituent l’un des principaux mécanismes d’influence des plans régionaux. Ils influencent l’octroi de permis par les arrondissements et les villes reliés, qui à leur tour influencent les propriétaires, les constructeurs et les promoteurs immobiliers. Toutefois, en vertu de la LAU, les règlements d’aménagement urbain ne peuvent pas être appliqués rétroactivement. Ces règlements ne concernent que les nouvelles constructions et les modifications apportées aux constructions existantes. Ils ne confèrent aucun contrôle sur ce qui est déjà aménagé ou construit.

M.A. Juridiction d'aménagement

Juridiction métropolitaine, régionale et locale d'aménagement de l'agglomération de Montréal

Image of a sustainable urban rainwater management project in the City of Vancouver. The schematic includes incorporation of greenscaping as a way of not only beautifying the streetscape, but also to provide functional purposes such as rainwater management and small areas of habitat refugia. The image shows the integration of sustainable design with climate adaptation actions. Specific foci are on the inclusion of more city street trees, native plants, areas for pollinators, rain gardens, and the creation of common spaces for gathering.

Résultats et suivi des progrès

Cette étude de cas a montré que les schémas régionaux d’aménagement et de développement sont des outils valides pour favoriser l’adaptation aux changements climatiques, notamment en formulant une vision stratégique et des orientations claires à cet égard. Si la LAU ou des directives gouvernementales comportant des dispositions relatives à l’adaptation aux changements climatiques rendaient obligatoire la prise en compte des changements climatiques dans les plans régionaux, d’autres agglomérations, villes et MRC pourraient être amenées à réaliser cet exercice. Le Plan pour une économie verte 2030 mentionne que les instruments pour orienter l’aménagement du territoire pourraient être révisés afin de promouvoir le rôle joué par cette activité dans l’adaptation aux changements climatiques.

Les projets de rénovation et de transformation offrent des possibilités d’adaptation, car ils permettent d’appliquer, dans les nouvelles constructions, la réglementation en vigueur en matière de lutte contre les îlots de chaleur, d’écologisation et de gestion des eaux de ruissellement. Cependant, les mesures réglementaires peuvent alourdir les processus d’approbation municipale et augmenter les coûts pour les promoteurs, qui peuvent alors préférer implanter leurs projets ailleurs, là où les règlements sont moins contraignants.

L’influence réglementaire n’est pas le seul mécanisme d’action du schéma régional. L’exercice de planification stratégique et d’établissement des mesures permet de renforcer la synergie entre les municipalités et entre les différents services concernés.

Parmi les facteurs qui ont favorisé une prise en compte efficace de l’adaptation dans le schéma régional de l’agglomération de Montréal, on retrouve les ressources humaines. La présence de personnes motivées et compétentes au sein de l’équipe d’élaboration du plan régional a permis à l’agglomération de trouver des moyens pour favoriser l’adaptation à l’échelle régionale et locale. Il convient de noter que les personnes qui ont dirigé la révision du plan régional et la prise en compte des effets des changements climatiques sont des employés de la Ville de Montréal, et non des consultants externes.

Prochaine(s) étape(s)

Grâce à plusieurs projets pilotes concernant l’écologisation et la conservation des milieux naturels, les îlots de chaleur, la gestion de l’eau, la prévention des inondations et l’équité, les connaissances ont évolué au cours des dernières années sur la manière d’installer des infrastructures vertes et de développer des quartiers écologiques dans les friches industrielles. Leur transformation, tout comme celle des quartiers à faible densité, est une piste intéressante pour permettre à la ville de se développer tout en préservant les milieux naturels existants.

Un partenariat entre la Ville de Montréal et Ouranos a débuté en 2017 et a été renouvelé en 2020. Celui-ci contribue aux connaissances nécessaires pour préciser davantage les mesures d’adaptation à mettre en œuvre par les intervenants de l’agglomération. Ce partenariat vise notamment à arrimer les efforts de recherche aux besoins de la Ville, à partager l’expertise, à favoriser la diffusion des connaissances et des données, ainsi qu’à mettre en œuvre des initiatives intégrées de recherche et développement dans le contexte de l’adaptation. Le partenariat constitue un forum de réflexion sur les nombreux enjeux liés à l’adaptation aux changements climatiques et à l’action à l’échelle de l’agglomération de Montréal. Il constitue aussi un accès privilégié aux connaissances sur le climat et à leur intégration dans les politiques, les outils et les pratiques de la Ville. Ce partenariat représente un levier pour établir des ponts entre la recherche et la pratique, ainsi qu’une occasion de développer des connaissances dans le domaine de l’adaptation au climat et de faire évoluer les pratiques, tout en favorisant l’innovation.

Un projet de l’Université de Montréal mentionné dans le schéma régional comme une occasion de développement des friches industrielles, qui a depuis été nommé campus MIL, a permis à la Ville de mener un projet pilote en collaboration avec l’Université et les arrondissements environnants. Ce projet, construit sur l’ancienne gare de triage d’Outremont, intègre des espaces verts et un système de récupération des eaux de pluie. D’autres projets de quartiers écologiques sont prévus sur des friches industrielles.

L’équipe de projet a formulé un certain nombre de recommandations pour la prochaine révision du schéma régional :

  • Cartographie des contraintes liées à la topographie et au drainage naturel
  • Dispositions visant à préserver et à renforcer le rôle du drainage des rues
  • Dispositions relatives à l’aménagement de parcs inondables
  • Dispositions pour l’utilisation d’infrastructures vertes, notamment dans le cadre de projets de réparation de routes
  • Dispositions qui serviraient de compléments aux règlements municipaux afin de réduire le ruissellement des eaux de toiture
  • Dispositions concernant l’installation d’aires de stationnement
  • Disposition plus contraignante pour la conservation des mosaïques de milieux naturels

Ressources