Vulnérabilités et atténuation des impacts des changements climatiques sur la route Dempster

En 2013, une équipe composée de représentants des ministères des Routes des gouvernements des Territoires du Nord-Ouest et du Yukon ainsi que des représentants d’EBA Engineering et de l’Université de Carleton ont entrepris la première phase d’un projet visant à évaluer la vulnérabilité de la route Dempster aux impacts des changements climatiques. Les relevés sur la route ont commencé en 1958, et elle a été ouverte en 1979. Il s’agit d’une route en gravier très isolée qui constitue le seul passage à longueur d’année entre Inuvik et le reste du réseau routier du Canada. La route a été construite sur un pergélisol continu sur 90 % de ses 736 km. La structure routière est un remblai, conçu pour maintenir le pergélisol et pour prévenir l’affaissement dû au dégel. Au cours de la dernière décennie, il y a eu une hausse de la fréquence et de la gravité des problèmes liés au drainage, à l’érosion et à la dégradation du pergélisol. À mesure que le climat continuera à se réchauffer, l’élévation des cours d’eau et la hausse du nombre d’événements météorologiques extrêmes exerceront des pressions supplémentaires sur le système de drainage vieillissant. Une grande partie de la route étant située dans des zones de pergélisol continu, le réchauffement climatique a également un effet direct sur la tenue de route et peut entraîner le tassement, l’affaissement des chaussées, l’effondrement du remblai et d’autres risques géologiques. Même s’il n’y a pas de communautés qui vivent le long du tronçon de route du Yukon, il s’agit d’une route dont l’importance est cruciale pour la région de Beaufort Delta des Territoires du Nord-Ouest, car elle sert de voie de transport longue distance d’aliments, de carburants, de fournitures et d’autres biens. L’emplacement éloigné et la longueur de la route, ainsi que les terrains difficiles et les conditions du sol, entraînent des coûts d’entretien relativement élevés, compte tenu des faibles volumes de circulation (63 véhicules par jour).

Comprendre et évaluer les impacts

Une visite de la route Dempster en voiture échelonnée sur quatre jours vers la fin août 2013 a été réalisée pour examiner visuellement la route et pour rencontrer le personnel local responsable de l’entretien afin de discuter de leurs sections de route et de documenter les problèmes d’entretien actuels et potentiels (auprès de trois sources). Cette visite a été réalisée par des représentants d’EBA Engineering, des ministères des Routes des TNO et du Yukon ainsi que de l’Université de Carleton. L’objectif consistait à déterminer les effets du réchauffement des températures du sol, des eaux de ruissellement accrues en surface et des événements extrêmes. Les chercheurs du collège du Yukon (maintenant devenu une université), des représentants du gouvernement du Yukon et diverses parties prenantes ont contribué au succès du projet. Les chercheurs du collège du Yukon ont contribué à cerner les vulnérabilités climatiques et les risques géologiques. Le personnel d’Associated Engineering, du collège du Yukon, du gouvernement du Yukon et diverses parties prenantes ont participé à un atelier pour cerner les problèmes, établir les priorités et mener d’éventuelles enquêtes pour soutenir le plan fonctionnel de la route et les projets requis.

Déterminer les actions

En reconnaissant le besoin d’assurer une disponibilité à longueur d’année de la route Dempster dans le contexte d’une circulation accrue et d’un climat changeant, le ministère des Routes et des Travaux publics (RTP) du gouvernement du Yukon a entrepris un projet pour créer un plan fonctionnel qui tient précisément compte de la manière dont les changements climatiques contribuent aux risques géologiques le long de la route. Les recherches et analyses requises pour évaluer la vulnérabilité au climat et aux risques géologiques ont été réalisées par le Northern Climate ExChange, qui fait partie du centre de recherche du Yukon à l’Université du Yukon, alimentant le processus de planification fonctionnelle mené par un ingénieur-conseil. Ce projet comprenait diverses activités. Lors de la première étape, une évaluation préliminaire et un examen de la documentation ont été effectués dans le but d’examiner les données et les rapports provenant de relevés antérieurs et d’études pertinentes afin d’évaluer la région et les zones avoisinantes. Des renseignements supplémentaires, notamment des articles, des photos aériennes, des images satellites ainsi que des cartes géographiques géologiques et de surface, ont été examinés afin de mieux comprendre les conditions géomorphologiques et géologiques de surface de la région. L’évaluation préliminaire a été suivie d’évaluations sur le terrain qui se sont déroulées à l’été et à l’automne 2017. Les travaux sur le terrain comprenaient une combinaison de forage, de prospection électrique (PÉ) et l’installation d’instruments de surveillance des températures du sol. Les carottes prélevées durant les travaux de forage ont été conservées congelées et retournées au laboratoire du Northern Climate ExChange (NCE) à Whitehorse pour des analyses plus approfondies, y compris une analyse de la taille des particules du sol, de la cryostructure ainsi qu’une analyse volumétrique de l’excès de glace et une analyse gravimétrique du contenu de glace. Des données sur les températures du sol ont été téléchargées à l’automne à partir des instruments de surveillance installés plus tôt durant l’été et des instruments installés au cours des années précédentes.

Mise en oeuvre

L’objectif de ce projet consistait à comprendre les problèmes contribuant aux risques géologiques cernés le long de la route Dempster. Pour atteindre cet objectif, une combinaison d’études à l’ordinateur et d’enquêtes sur le terrain a été utilisée. Les cartes géologiques de surface préparées par la Commission géologique du Yukon ainsi que des images aériennes et satellites ont été interprétées dans le cadre de ce projet. Des rapports géotechniques de consultants ainsi que des discussions avec des ingénieurs en génie civil et le personnel de l’entretien du ministère des RTP ont complété ce volet du projet. Les données et les communications personnelles ont été combinées, analysées et interprétées pour renforcer les efforts antérieurs. Les enquêtes sur le terrain étaient surtout axées sur l’acquisition de nouveaux renseignements géophysiques à l’aide de relevés de prospection électrique. Le forage à faible profondeur a été utilisé pour vérifier les interprétations de l’information géophysique et pour créer des registres cryostratigraphiques. Il est important de noter que les travaux se concentraient surtout sur les zones à proximité du remblai routier, sur le terrain parallèle à la route, soit au pied de la route ou sur l’accotement du remblai, où peu d’information est actuellement disponible. Cette information est essentielle, car elle permettra aux chercheurs du projet de déterminer la probabilité de la présence de pergélisol sous le remblai de la route. La prospection électrique est une méthode géophysique qui consiste à passer un courant électrique par des électrodes en acier inoxydable qui sont enfoncées dans la surface du sol. Une « station » centrale mesure la distribution de la résistivité de la sous-surface entre les paires d’électrodes. Les matières minérales (à l’exception de substances précises, comme les minerais métalliques) sont non conductrices dans la plupart des cas. Par conséquent, les variations de la résistivité d’un profil de sol ou de roche sont régies principalement par la quantité d’eau porale ou de glace présente dans le profil ainsi que par l’organisation des pores. La prospection électrique convient très bien aux applications de pergélisol et aux applications hydrologiques, parce qu’une grande partie de l’eau dans le sol gelé est sous forme solide et qu’elle a une plus grande résistivité que l’eau liquide. La distribution du pergélisol peut ensuite être estimée en fonction des changements de résistivité entre le sol gelé et non gelé.

Résultats et suivi des progrès

Le NTAI a établi quatre sites le long de la route Dempster au Yukon et dans les Territoires du Nord-Ouest afin de décrire les régimes thermiques du sol près de la route et au-dessous de celle-ci et de surveiller leurs réactions aux changements climatiques. Sur chacun des sites, une station météorologique automatique enregistre la température de l’air, l’humidité relative ainsi que la vitesse et la direction du vent. Les températures du sol sont mesurées à 10 m de profondeur sous la surface de la route ainsi qu’à des profondeurs cibles de 8 m au pied du remblai et dans le sol non distribué. Les données sont recueillies toutes les heures et transmises par le système GOES. La surveillance s’est poursuivie depuis l’installation du site à l’hiver 2013-2014.

Prochaine(s) étape(s)

Il est essentiel d’améliorer l’information climatique et météorologique dans les TNO pour éclairer la planification des mesures d’adaptation. En décembre 2019, le gouvernement des TNO a signé un protocole d’entente avec Environnement et Changement climatique Canada (ECCC) pour partager l’information météorologique et climatique et pour rendre officiel l’établissement du Conseil canadien de surveillance météorologique et climatique. Le partage de données en temps réel améliore les prévisions météorologiques. Les travaux se sont poursuivis en 2020-2021 pour élaborer des options en vue d’améliorer la surveillance climatique dans les TNO. Des travaux sont également en cours pour établir un meilleur modèle entre les enjeux biophysiques et économiques afin de choisir la meilleure stratégie pour assurer la durabilité liée aux coûts d’entretien.

Ressources