Les résultats du volet qualitatif démontrent des expériences très variées selon les informations dégagées par les groupes de discussion. Alors que certains intervenants avaient été peu affectés psychologiquement et considéraient avoir été mis dans une situation bien gérée et contrôlée, d’autres ont vécu beaucoup de stress et considéraient leur organisation mal préparée. Cependant, la plupart se sont accordés sur un plus grand niveau de difficulté lors des inondations de 2019 en raison de l’ampleur du territoire touché ainsi que leur durée. Paradoxalement, celles-ci auraient touché moins de citoyens, car plusieurs secteurs inondés avaient vu des démolitions de résidences suite aux inondations de 2017. Par ailleurs, en plus de ces deux séries d’inondations rapprochées, certains territoires avaient aussi subi des événements de vents violents et même une tornade. Cette récurrence de catastrophes a eu à la fois des impacts positifs (expérience des équipes) et négatifs (fatigue de la population et des intervenants, limites financières, etc.) sur les processus d’intervention et les professionels concernés. Par ailleurs dans plusieurs régions les diverses catastrophes sont survenues dans les mêmes zones économiquement vulnérables, où parfois les victimes se rétablissaient toujours des inondations précédentes.
Plusieurs leçons pour une meilleure gestion de ces événements se sont dégagées, dont la pertinence de complémenter les services d’aide conventionnels, par exemple les visites à domicile par les pompiers ou policiers, avec la présence d’intervenants psychosociaux. Un autre exemple, celui-ci tiré des inondations de 2017, serait de ne pas imposer l’ordonnance d’évacuations résidentielles, et ce, même si l’état d’urgence local a été déclaré. Il est de loin plus efficace de « fortement » proposer ou insister sur la nécessité de le faire, le tout sur une base volontaire. Ainsi, une approche plus humaine et collaborative plutôt que coercitive a été proposée par les participants des groupes de discussion. Dans le même ordre d’idée, il est ressorti que les employés municipaux doivent accepter l’importance que les personnes accordent à leur résidence, et de respecter leur choix de ne pas les évacuer. Ainsi, les rencontres de groupe ont été une occasion de réaliser un retour d’apprentissages, ainsi qu’une opportunité de renforcer les collaborations lors de la gestion de catastrophes.
Au niveau du volet quantitatif, l’étude démontre entre autres que les personnes inondées sont quatre à cinq fois plus probables que les personnes non affectées de présenter un trouble de santé mentale. Cette réponse psychologique est grandement influencée par l’exposition à des stresseurs primaires (ex. : la hauteur des eaux dans l’habitation et l’ampleur des pertes matérielles), mais aussi à des stresseurs secondaires (ex. : insuffisance de l’aide reçue, difficultés financières, persistance des dommages matériels dans le temps). De plus, les personnes inondées sont significativement plus nombreuses à rapporter des problèmes de santé physique, en particulier au niveau respiratoire. Ainsi, elles rapportent presque trois fois plus de symptômes respiratoires, et davantage de diagnostics de rhinite et d’asthme que celles qui ne sont pas affectées.
Il n’a cependant pas été possible de recouper adéquatement les résultats de la première partie de l’étude longitudinale avec le bilan hydrométéorologique comme initialement prévu en raison de la pandémie de coronavirus. Étant affiliés à différentes autorités de santé publique, les membres de l’équipe de recherche ont dû déplacer leurs efforts sur d’autres tâches, ce qui a retardé et compliqué la collecte de données. De plus, la technologie choisie initialement s’est révélée ne pas être optimale pour collecter les données nécessaires pour cette étude spécifique et bâtir efficacement les cartes souhaitées. L’équipe de recherche considère qu’une autre stratégie devrait être adoptée si l’étude comporte de nouvelles phases ou si celle-ci est répliquée ailleurs.
Finalement, l’un des éléments particuliers ressortant des données collectées dans les deux volets est la surreprésentation de la petite municipalité de Sainte-Marthe-sur-le-Lac dans l’échantillon. Les sinistrés de cette ville semblent ont été plus enclins à répondre, en plus d’avoir un niveau de gravité des impacts subits nettement plus élevé que la moyenne des autres régions sinistrées (valeur des pertes financières, durée de la relocalisation, etc.). Cette inondation avait la caractéristique distinctive d’avoir été causée à la fois par un phénomène naturel (inondations printanières) mais aussi une défaillance technologique (bris d’une digue).