CSA S505:20 Techniques d’étude des vents forts et des accumulations de neige et de leur impact sur les infrastructures du Nord

L’Association canadienne de normalisation (Groupe CSA) a reçu un financement pour l’élaboration de cette norme du Conseil canadien des normes, dans le cadre de l’Initiative de normalisation des infrastructures du Nord avec l’avis du Comité consultatif du Nord (CCN).

La présente norme a été préparée par le sous-comité sur les vents forts et les accumulations de neige sur les infrastructures du Nord et les changements climatiques, sous la direction du Comité technique sur les infrastructures bâties du Nord et du Comité directeur stratégique sur la construction et les infrastructures civiles. La norme a été officiellement approuvée par le Comité technique.

Cette norme traite des risques liés aux infrastructures du Nord en raison des vents, de la neige et des accumulations de neige. Elle intègre les thèmes suivants, tous dans le contexte des changements climatiques dans le Nord du Canada :

  • les données météorologiques, les variables climatiques, ainsi que les projections et les prévisions pertinentes;
  • la réduction des risques de dommages;
  • les stratégies d’adaptation climatique;
  • l’amélioration du fonctionnement et de l’accessibilité;
  • la conception de techniques de construction.

 

Cette norme fournit des conseils aux concepteurs, constructeurs, opérateurs et propriétaires d’infrastructures nordiques pour gérer le risque accru de détérioration de l’environnement construit, y compris les effets potentiels des changements climatiques (en particulier les risques liés à des charges éoliennes plus élevées et plus fréquentes et aux accumulations de neige connexes) dans le Nord du Canada. Le Nord du Canada, tel que défini dans la présente norme, comprend le Yukon, le Nunavut et les Territoires du Nord-Ouest (T.N.-O.), ainsi que le nord du Nunavik (la « grande terre ») au nord du Québec, qui est ceint par la baie d’Ungava et la baie d’Hudson (où sept communautés inuites sont situées au-dessus du 54e parallèle, autour du périmètre de la péninsule d’Ungava).

Comprendre et évaluer les impacts

Le Groupe CSA a entrepris une série d’approches pour comprendre comment les changements climatiques influenceront la conception des infrastructures locales dans le Nord : connaissances traditionnelles locales et stations de données météorologiques. Les connaissances traditionnelles locales, qui constituent souvent la seule source de données, peuvent compléter les données météorologiques et climatiques d’une région spécifique du Nord. Il est important d’utiliser les connaissances locales dans la conception de nouvelles infrastructures et dans le cadre des travaux d’amélioration des infrastructures existantes.

Parmi les connaissances locales et traditionnelles, notons les exemples suivants :

  • Les aînés de la Première nation dénée de Lutselk’e (qui habitent près du grand lac des Esclaves, T.N.-O.) ont observé des conditions météorologiques anormales et instables, comme des tempêtes imprévisibles et des températures inhabituellement chaudes. Ils ont également constaté une augmentation du nombre d’orages.
  • La Première nation dénée du Sahtu autour du grand lac de l’Ours (T.N.-O.) a remarqué qu’auparavant, la neige s’accumulait à la suite de plusieurs chutes de neige, alors qu’aujourd’hui, l’accumulation survient plus souvent à la suite d’une tempête intense unique.
  • Les résidents d’Ivujivik (au Nunavik), au Québec, ont signalé des vents plus forts et un plus grand nombre de tempêtes par année. Les experts inuits et les scientifiques de Clyde River, au Nunavut, notent que le vecteur vent a augmenté au cours des dernières années et que la direction des vents est beaucoup plus variable et imprévisible.

Les données climatiques et la modélisation des données climatiques futures ont également été utilisées pour mieux comprendre les impacts sur les communautés et les infrastructures du Nord. La modélisation climatique future a pris en compte une période allant jusqu’à 2100 et deux scénarios climatiques (RCP2.6 et 8.5) ont été envisagés :

  • Changements touchant la température moyenne annuelle
  • Changements dans les précipitations moyennes annuelles et saisonnières
  • Changements dans l’accumulation annuelle de neige
  • Dégel du pergélisol
  • Changements touchant la glace de mer et réduction de la couverture de glace
  • Élévation du niveau de la mer

On s’attend à ce que les accumulations de neige dans le Nord deviennent plus saturées en eau que par le passé. Cela est possiblement attribuable à une augmentation des précipitations pendant les printemps plus chauds, aux journées d’hiver plus chaudes ou à une augmentation des précipitations sous forme de neige. Des données provenant de l’industrie nord-américaine de l’assurance ont révélé que la défaillance des toitures causée par des charges concentrées d’accumulation de neige est trois fois plus probable que l’effondrement dû à des charges provenant de chutes de neige, où la neige est répartie de manière uniforme sur l’ensemble du toit.

Déterminer les actions

La norme présente plusieurs mesures que les municipalités du Nord peuvent prendre pour mieux préparer leurs communautés aux impacts des tempêtes de vent plus fortes et plus fréquentes et à la modification des régimes de chute de neige : établir une liste des bâtiments et des infrastructures essentielles à risque; moderniser les bâtiments existants; surveiller les précipitations de pluie et de neige; surveiller et analyser les risques associés aux régimes d’accumulation de neige; cartographier la communauté et établir un plan d’action pour l’accumulation de neige et le drainage; dresser une liste des bâtiments après un sinistre; construire des barrières à neige; réaliser des études sur l’accumulation de neige, et plus encore.

Une carte de la communauté et un plan d’action doivent être créés pour déterminer les services essentiels et les services de sécurité des personnes où la résilience est nécessaire. La carte et le plan d’action doivent prendre en compte des éléments comme les suivants :

  • Accès et voies en cas d’urgence
  • Services par camions (eau, huile et carburant)
  • Entrées et sorties pour les bâtiments classés comme étant très importants et après un sinistre
  • Profilés de toit et de terrasse pour les bâtiments classés comme étant très importants et après un sinistre
  • Prises d’air et échappements
  • Réseau d’infrastructures essentielles

La carte et le plan d’action doivent consigner l’étendue horizontale des accumulations, la profondeur maximale enregistrée des accumulations et les notes spécifiques accompagnant chaque accumulation, au besoin, selon l’expérience des opérateurs responsables de la maintenance et de l’équipement ou du contremaître des travaux publics de la communauté.

Les bâtiments ou éléments à risque peuvent inclure :

  • les bâtiments présentant des dommages visibles
  • les bâtiments faisant l’objet d’un changement d’usage ou d’occupation
  • les bâtiments isolés
  • les bâtiments en cours de construction
  • les bâtiments avec une ou plusieurs grandes ouvertures, comme des fenêtres et des portes
  • les bâtiments avec des équipements extérieurs susceptibles d’être endommagés

Les composants des infrastructures à risque peuvent inclure :

  • les réseaux routiers
  • les lignes de télécommunication et les lignes électriques
  • les tours et les poteaux
  • les conduites d’eau hors sol
  • les réseaux de distribution aériens sous coffrage
  • les antennes satellites
  • les turbines éoliennes
  • les panneaux photovoltaïques

Mise en oeuvre

Adapter les bâtiments existants à l’augmentation des vents et à l’accumulation de neige. Les forces répétées du vent peuvent affaiblir une structure, la rendant plus susceptible de s’effondrer lors d’une future tempête de vent. Par la même occasion, l’accumulation de neige peut endommager un bâtiment de manière à le rendre trop instable pour être utilisé ou à bloquer les entrées, les ouvertures de ventilation ou d’autres points d’accès qui pourraient nuire à la fonction et à l’accessibilité.

Les effets suivants provenant des vents doivent être pris en compte lors de l’évaluation des bâtiments existants :

  • Torsion
  • Soulèvement
  • Fracassement
  • Fatigue
  • Cintrage
  • Pression
  • Défaillance des matériaux
  • Zones adjacentes aux parapets ou à d’autres éléments, dont les appareils de chauffage, de ventilation et de climatisation, les panneaux photovoltaïques, les appentis, les claires-voies, etc.
  • Toits situés à moins de 10 m horizontalement d’autres structures plus hautes
  • Zones de toiture, notamment les terrasses, les marches de toit et les noues

L’évaluation du bâtiment peut indiquer la nécessité de rénover les enveloppes et les structures du bâtiment. Ces travaux d’amélioration peuvent comprendre les éléments suivants :

  • Ancrage de la structure ou des éléments
  • Protection des ouvertures
  • Renforcements structurels (systèmes de charge latérale ou verticale)
  • Infiltration d’air et d’humidité
  • Potentiel de débris d’impact
  • Modification de la forme du bâtiment

L’ajout d’un auvent, d’un déflecteur de vent ou d’un brise-vent peut atténuer les problèmes fréquents d’accumulation localisée de neige sur les bâtiments existants. Les barrières à neige peuvent constituer une barrière efficace contre la poudrerie et les accumulations de neige, car elles permettent de réduire la vitesse du vent et sa capacité à transporter la neige au-delà de la barrière. L’accumulation de neige la plus importante se forme du côté de la barrière en aval du vent, loin de la chaussée. En général, les barrières à neige doivent être perpendiculaires aux vents dominants. Sur un terrain plat, la longueur de l’accumulation de neige en aval du vent créée par une barrière à neige peut atteindre plus de 35 fois la hauteur de la barrière. L’accumulation en amont peut atteindre une distance de 15 fois la hauteur de la barrière à neige. Dans les régions arctiques, les barrières à neige peuvent avoir une hauteur de 2 à 5 m, offrant une protection à l’échelle de la communauté contre les fortes accumulations de neige autour des bâtiments.

La conception et l’emplacement des barrières à neige doivent être coordonnés avec la planification de l’aménagement du territoire de la communauté afin de tenir compte des retraits liés à l’accumulation de neige du côté au vent et du côté sous le vent de la barrière, qui doivent rester libres et non obstrués.

La norme présente également d’autres infrastructures clés touchées par les accumulations de neige et offre une expertise sur la manière de les réduire grâce à des pratiques exemplaires de construction routière et des considérations en matière de déneigement. De plus, la norme prévoit des mesures pour réduire les barrages de neige et de glace qui nuisent aux ponts et aux routes au-dessus des ponceaux.

Résultats et suivi des progrès

Même si la norme ne prévoit pas de pratiques de surveillance précises, elle recommande de continuer à mesurer les chutes de neige et les régimes d’accumulation de neige afin de déterminer où la neige tombe, les régimes d’accumulation et le poids de la neige. Cette surveillance permettra de déterminer les bâtiments ou les infrastructures à risque, ainsi que l’efficacité de l’installation de barrières à neige.

La norme recommande ce qui suit : lors de la conception technique d’une nouvelle infrastructure, les aînés locaux devraient être consultés sur le comportement des barrages de neige pendant les crues printanières, et sur des variables comme les hauteurs des accumulations de neige, la hauteur des berges, la hauteur et le débit de la rivière, ainsi que les vents dominants.

Enfin, la norme recommande une approche proactive d’adaptation aux changements climatiques. Il est important que les incertitudes concernant le climat futur ne se transforment pas en obstacle aux mesures visant à réduire les risques liés aux changements climatiques et qu’elles ne conduisent pas à l’inaction. Alors que les incertitudes concernant les charges environnementales futures prévues pendant le cycle de vie d’une nouvelle infrastructure peuvent constituer un défi important, elles ne devraient pas freiner la conception des bâtiments en tenant compte des changements futurs associés au vent, à la neige et à d’autres événements climatiques. En réalité, les coûts et les risques en matière de responsabilité découlant de l’inaction ou d’une action tardive seront probablement beaucoup plus élevés.

Certaines approches d’adaptation proactives sont possibles, faisant appel au jugement technique. Il s’agit notamment des approches suivantes :

  • Investir sans ou avec peu de regrets pour actualiser ou atténuer les incertitudes et améliorer la précision des charges actuelles de vent et de neige au niveau local afin de renforcer la résilience des nouvelles infrastructures dans le futur.
  • Renforcer les facteurs de sécurité (ou ajouter un facteur d’adaptation aux changements climatiques) pour les charges environnementales.
  • Augmenter les périodes de retour des charges de vent et de neige utilisées pour la conception.
  • Planifier l’adaptation progressive aux augmentations futures des charges dues au vent et à la neige grâce à des rénovations planifiées.