Projet de réalignement géré des digues et de restauration des marais maritimes d’Onslow et de la rivière North

En octobre 2021, les ministères des Travaux publics, de l’Agriculture, de l’Environnement et du Changement climatique de la Nouvelle-Écosse, en collaboration avec CB Wetlands and Environmental Specialists (CBWES), l’Université Saint Mary’s (SMU) et l’Université Queen’s, ont mis en œuvre un projet de réalignement de digues pour faire face à l’élévation du niveau de la mer et aux inondations côtières qui se produisent sur la rivière Salmon.

Le projet de réalignement géré des digues et de restauration des marais maritimes d’Onslow et de la rivière North (projet Onslow-rivière North) est situé le long d’une section de digue dans le comté de Colchester, englobant les villes de Truro et de Stewiacke ainsi que la Première nation de Millbrook. La plaine inondable de la partie inférieure de la rivière Salmon, c’est-à-dire le site du projet, a été convertie de marais salés en terres agricoles grâce à l’utilisation de digues et d’aboiteaux pour empêcher les eaux de crue d’y pénétrer. Un aboiteau est un ponceau muni d’une barrière suspendue qui permet à l’eau douce provenant des précipitations de s’écouler vers la mer et qui se referme lors des marées hautes afin d’empêcher les eaux salées d’inonder les marais asséchés. Cependant, ces structures ne sont plus équipées pour gérer les risques d’inondation lorsque de fortes précipitations coïncident avec la marée haute.

Il a été déterminé que le réalignement de digues était l’approche la plus rentable et la plus durable. Le processus de réalignement consiste à créer une brèche dans la digue pour permettre aux eaux de marée de retourner dans les plaines inondables afin de favoriser le développement des marais maritimes le long des digues. Cela aidera progressivement les terres à se reconvertir en écosystème de marais maritimes au cours d’une période de trois ans. Ces plaines inondables plus larges et marais intertidaux sont en mesure d’absorber de grandes quantités d’eau et de réduire la force exercée par les vagues. Ce processus mène ultimement à la création d’habitats pour les poissons et la faune qui contribuent à réduire les risques d’inondation, à renforcer la biodiversité locale et à soutenir la résilience climatique de la région.

Comprendre et évaluer les impacts

Les changements climatiques ont entraîné des conditions plus chaudes et plus humides en Nouvelle-Écosse, ce qui a causé des précipitations plus fréquentes et plus intenses ainsi qu’une élévation du niveau de la mer. Cela a aussi entraîné une augmentation des inondations côtières à l’endroit où la rivière Salmon rejoint la rivière North, ayant un impact négatif sur les communautés côtières comme Truro et Colchester.

L’ampleur et les causes de l’augmentation des inondations ont été analysées dans le cadre d’une évaluation des risques réalisée par CBCL Ltée, une firme d’ingénierie. Cette analyse a commencé par la collecte de données sur le terrain où la topographie du sol et la bathymétrie de la rivière ont été évaluées. En 2014, des pluviomètres à augets basculants ont été installés pour surveiller les précipitations. De plus, des indicateurs de niveau d’eau ont été installés à la rivière Salmon, à la rivière North et au ruisseau McClure afin de surveiller le niveau des marées et des échantillons de sédiments ont été recueillis à cinq endroits. Les données recueillies ont été utilisées avec une série de modèles hydrauliques, bidimensionnels et tridimensionnels, ainsi que d’outils informatiques géographiques pour estimer les impacts. Le CBCL a ensuite établi des projections sur les risques possibles d’inondation jusqu’en 2100. L’équipe a marqué la zone autour des berges de la rivière en fonction de trois catégories : canal d’évacuation de crue, canal d’évacuation de crue 1:20 et canal d’évacuation de crue 1:100. La catégorie 1:20 indique la probabilité que les eaux de crue atteignent la marque une fois au cours des 20 prochaines années et la catégorie 1:100 présente cette même probabilité, mais sur une période de 100 ans. Cela a permis de délimiter les zones à risque élevé et à faible risque.

Une évaluation de la vulnérabilité sociale a été menée pour déterminer la manière dont les différentes populations de la région étaient exposées aux risques d’inondation et aux autres dangers connexes. Une analyse au moyen de l’Indice canadien de défavorisation multiple pour la région a révélé que les variables d’instabilité résidentielle et de dépendance économique à Truro affichaient des valeurs significativement plus élevées que celles des données recueillies du côté d’Onslow, principalement en raison des facteurs comme le nombre plus élevé de résidents âgés ainsi que le plus grand nombre de maisons nécessitant des réparations et de résidents vivant à domicile. Ces facteurs influent sur la capacité de la population à réagir et à faire face à des risques, dont les inondations, permettant de déterminer la meilleure façon de les aider à s’adapter.

Déterminer les actions

Les approches traditionnelles de la gestion des inondations, notamment le renforcement des digues et la construction de structures de stockage des eaux de ruissellement, ont été mises en œuvre par le passé, mais elles étaient coûteuses. Les municipalités ont donc estimé qu’une approche régionale plus globale était nécessaire. Les marais salés contribuent à réduire les inondations en élargissant la plaine inondable, ce qui leur permet d’accueillir davantage d’eau lorsque le débit des rivières est élevé.

L’excès d’eau sera absorbé et drainé par le réseau de ruisseaux, ce qui empêchera l’eau de s’accumuler. Il s’agit d’une stratégie d’adaptation au climat fondée sur la nature qui utilise l’écosystème naturel des marais salés et des zones humides de marée pour aider les communautés à s’adapter aux inondations, et qui constitue une solution à long terme plus rentable.

L’étude susmentionnée de CBCL a également modélisé plus de 40 scénarios d’inondation ainsi que des options pour réduire les risques grâce à des technologies avancées de cartographie et de simulation d’inondations. Il s’agissait de cerner une combinaison de mesures d’adaptation comme le réalignement et le pompage, et d’autres mesures telles que la planification de l’utilisation des terres et les changements de réglementation, afin de réduire de 30 % les zones prioritaires qui pourraient subir des inondations. De manière implicite, il a fallu reconnaître que les inondations futures ne pouvaient être évitées.

La conception, l’éducation consultative, la collaboration entre divers intervenants, le soutien des parties concernées et l’harmonisation des besoins complémentaires ont été les méthodes utilisées avec succès dans le cadre de la planification et de l’exécution du projet. Les diverses parties prenantes (organismes fédéraux, provinciaux et municipaux, propriétaires fonciers, citoyens et fournisseurs d’infrastructures) ont été consultées dans le cadre du comité consultatif mixte sur les inondations. La conception a été adaptée de manière à réduire au minimum les perturbations aux infrastructures (structures ferroviaires et électriques), à protéger un cimetière patrimonial et à tenir compte de tout déplacement requis.

Mise en oeuvre

Le processus a commencé par des enquêtes archéologiques réalisées de 2016 à 2018 afin de dégager la zone pour les travaux de digue et les crues de marée. Par la suite, des excavateurs ont créé des brèches dans la digue afin de rétablir le flux de la marée. Trois des quatre aboiteaux ont été retirés et la nouvelle digue a été construite. L’ancienne digue a été aplatie et un nouvel aboiteau a été construit pour améliorer le drainage afin de protéger la ligne ferroviaire du CN. De nouvelles brèches seront effectuées de 2020 à l’été 2021 pour permettre à NS Power de déplacer l’infrastructure. Le courant de marée a commencé à s’écouler en 2021 à travers l’aboiteau demeuré sur place, qui a finalement été retiré en novembre 2021. L’équipe de TransCoastal mesure les concentrations et les dépôts de sédiments pour évaluer le succès du projet.

Après la création de brèches, la zone ressemblera d’abord à une vasière, car des sédiments se déposeront par les marées de la baie de Fundy et les plantes existantes mourront. Au fil du temps, les herbes et les plantes des zones humides commenceront à pousser, et la faune reviendra dans la zone, la transformant en une zone humide intertidale productive.

En complément, les municipalités de Truro et de Colchester ont désigné certaines zones comme impropres au développement ou n’ont autorisé que des aménagements de faible intensité, notamment des sentiers et des installations de camping, pour améliorer l’aménagement du territoire. Une planification efficace de l’utilisation des terres contribue à soutenir le réalignement des digues et à protéger les terres humides nouvellement créées. Le processus de planification et de réglementation est toujours en cours.

Le projet a été estimé à 1 655 559 $ (en 2018 CAD); l’achat du terrain a coûté près de 800 000 $ et les travaux de terrassement et d’ouverture de brèches, 625 000 $. Ce projet a été financé par plusieurs ministères, dont le ministère des Transports et de l’Infrastructure pour les coûts de surveillance et de planification, le ministère de l’Agriculture et le Programme national d’atténuation des catastrophes. Le Programme d’investissement dans l’infrastructure réduisant les risques d’inondation (Flood Risk Infrastructure Investment Program) a également versé 400 000 $ pour l’étude exhaustive des risques d’inondation de Truro.

Résultats et suivi des progrès

Puisque le projet a été mis en œuvre en 2021, il est seulement possible d’estimer les résultats. On s’attend à ce que le marais salé s’établisse progressivement sur trois ans et qu’il traverse trois phases : transition, établissement et équilibre.

Le projet devrait permettre de réduire les risques d’inondation, car la plaine inondable élargie sera en mesure d’absorber et de drainer lentement davantage d’eau lorsque le débit de la rivière sera élevé. Cette résilience accrue aux inondations contribuera à protéger les personnes, les infrastructures et les habitations. Elle permettra également d’accroître la séquestration du carbone, d’améliorer la qualité de l’eau et de créer des habitats pour les poissons et la faune sauvage, augmentant ainsi la biodiversité.

L’équipe du projet a abordé certains défis qui sont apparus au cours des consultations. Par exemple, les résidents étaient préoccupés par l’augmentation des populations de moustiques. Pour régler ce problème, des renseignements précis ont été présentés à la population afin d’assurer la plus grande transparence possible lors des consultations, notamment en invitant des experts en matière de moustiques pour discuter des stratégies d’atténuation. Une autre préoccupation visait les éventuelles répercussions sur les infrastructures. Ce problème a été réglé en déplaçant une ligne de service public et en protégeant davantage une ligne ferroviaire.

Le CBWES et l’Université Saint Mary’s effectueront une surveillance après le projet afin d’assurer un suivi des changements survenus sur le site au fil du temps. Ce suivi, échelonné sur cinq ans, vise à assurer le rétablissement approprié de l’habitat. Il sera axé sur un éventail de variables biophysiques, notamment l’accrétion des sédiments et le potentiel de séquestration du carbone. Ce volet sera financé par le ministère des Travaux publics de la Nouvelle-Écosse.

Prochaine(s) étape(s)

Le projet a commencé à consacrer des ressources publiques à la sensibilisation de la population, comme en témoigne la création d’un site web qui présente les détails du projet et qui continuera à explorer d’autres approches de sensibilisation, notamment avec d’autres organisations. Les ressources éducatives favorisent l’engagement des parties prenantes, la prise de décisions plus éclairées et une meilleure collaboration.

De plus, la zone sera utilisée comme un laboratoire vivant, favorisant l’étude scientifique et soutenant l’éducation environnementale sur les techniques de réalignement géré et la restauration des milieux humides des marées maritimes.

Le réalignement des digues et la restauration des milieux humides des marées maritimes ne sont pas suffisants à eux seuls pour régler les problèmes d’inondation. Les municipalités de Colchester et de Truro devront continuer à évaluer leurs modèles d’aménagement du territoire, leur planification, leurs règlements sur le zonage et l’utilisation de diverses zones désignées, ainsi que les exigences en matière de protection contre les inondations, afin de s’assurer que le réalignement des digues est (et demeure) efficace pour réduire les risques d’inondation. Les règlements de la Loi sur la protection du littoral (Coastal Protection Act) pour gérer le développement sur le littoral seront un outil utile pour les municipalités dans le contexte de l’élaboration de politiques. De plus, le contrôle et la gestion des eaux pluviales ont été recommandés par le CBCL.

Ressources

Lien vers l’étude de cas complète (en Anglais seulement)