Prendre soin ensemble des ressources alimentaires : Récolte de ressources alimentaires marines en toute sécurité dans le contexte des changements climatiques (Projet WATCH)

Le projet, intitulé « Prendre soin ensemble des ressources alimentaires : Récolte de ressources alimentaires marines en toute sécurité dans le contexte des changements climatiques », a été financé par le programme ADAPTATIONSanté de Santé Canada jusqu’en mars 2022.

En 2020, l’Autorité sanitaire des Premières Nations (ASPN) a lancé WATCH, un projet pilote de collaboration avec quatre communautés côtières des Premières Nations et le Centre de contrôle des maladies de la Colombie-Britannique, afin de relever les défis existants et prévus en matière de salubrité, de sécurité et de souveraineté des produits de la mer dans un climat changeant. En tant que première et unique autorité sanitaire provinciale au Canada, la ASPN possède une structure, une vision, une mission, des valeurs, des principes de fonctionnement et des directives novatrices et transformationnelles. Ceux-ci guident tous les aspects du projet WATCH et permettent de garantir que la sécurité culturelle et l’humilité sont intégrées dans ce travail. WATCH adhère également à PCAP® (propriété, contrôle, accès et possession). Le projet a reçu un financement fédéral du programme ADAPTATIONSanté de Santé Canada, du Fonds du programme de maladie infectieuse et de changements climatiques de l’Agence de santé publique du Canada et du Programme sur le changement climatique et l’adaptation du secteur de la santé de Services aux Autochtones Canada.

Le projet WATCH est conçu pour fournir des programmes de surveillance communautaire et des systèmes d’alerte précoce pour les efflorescences algales nuisibles (EAN) afin d’éclairer les décisions touchant les récoltes, les plans de gestion des risques liés au changement climatique axés sur les produits de la mer et des outils d’adaptation, ainsi que des programmes et du matériel de cours pour renforcer les capacités de surveillance et de planification au sein des communautés et entre elles. Un objectif fondamental du projet est de créer des changements au niveau des systèmes qui permettent l’autodétermination des communautés des Premières Nations pour comprendre et gérer les ressources marines et leurs impacts sur la santé des personnes et des communautés.

Afin de cibler les intérêts des participants, de s’adapter à des emplois du temps chargés et de mettre en relation des personnes généralement isolées les unes des autres, WATCH est structuré en réseau. Il comprend une équipe de projet, des équipes consultatives des Premières Nations et externes, une communauté de pratique (CdP) de surveillance avec des experts et des apprenants en phytoplancton, et une CdP plus large de WATCH où se réunissent tous les groupes WATCH et les participants occasionnels. L’équipe de projet co-conçoit le projet avec les conseils et le soutien des autres équipes et des CdP. Il comprend des représentants des quatre communautés pilotes : Nation Gitga’at, Première Nation Klahoose, Nation Malahat et Première Nation Tseshaht, ainsi que le personnel des Services de santé publique environnementale de l’ASPN et du Centre de contrôle des maladies de la Colombie-Britannique, ainsi que des consultants invités. À mesure que la composante éducative du projet se développe, un groupe de travail sur l’échange de connaissances prendra forme et comprendra des gardiens du savoir pour les langues autochtones des communautés pilotes.

Comprendre et évaluer les retombées

Le projet WATCH a été imaginé lors d’un atelier de 2016 sur les biotoxines marines, organisé à la suite d’une vague de chaleur marine pluriannuelle (le « Blob »), où des efflorescences de phytoplancton produisant de l’acide domoïque ont entraîné des fermetures généralisées de zones de récolte de coquillages et de nombreux autres défis en matière de sécurité et de salubrité des produits de la mer. Lorsque des mollusques filtreurs, des poissons planctonophages et d’autres espèces ingèrent et accumulent la toxine de l’acide domoïque, cela peut entraîner une intoxication par phycotoxine amnestique ; de même, les EAN qui produisent des saxitoxines peuvent provoquer un empoisonnement marin paralysant, et les EAN qui produisent des toxines diarrhéiques par les mollusques entraînent une intoxication par phycotoxine diarrhéique. En raison du changement climatique, ces efflorescences nuisibles devraient augmenter en fréquence, en durée et en intensité dans un monde qui se réchauffe.

Depuis le Blob, la côte de la Colombie-Britannique a connu une série de phénomènes catastrophiques liés au climat qui ont affecté les espèces alimentaires marines. Il s’agit notamment d’un important dôme de chaleur en juin 2021, de feux de forêt et d’inondations la même année, d’EAN qui ont entraîné la fermeture généralisée de zones de récolte de mollusques à la fin du mois d’octobre 2022, et de la sécheresse, qui a laissé les saumons attendre dans les bassins et les estuaires jusqu’à l’arrivée des pluies en novembre 2022. L’acidification des océans est également une menace importante et actuelle dans cette région. Outre les biotoxines, les problèmes de sécurité des produits de la mer en lien avec le climat comprennent les éclosions de Vibrio spp. et de norovirus.

Pour comprendre ces divers enjeux, le Centre de contrôle des maladies de la Colombie-Britannique et le Centre de collaboration nationale en santé environnementale (CCNSE) ont élaboré deux résumés dans le cadre d’une revue de la littérature. Ces organisations continuent d’être des partenaires essentiels dans la création de communications fondées sur la science et la diffusion des renseignements découlant du projet. En outre, afin d’orienter davantage les résultats du projet, le WATCH compile des renseignements sur les conditions océaniques régionales liées au climat, les dangers et leurs impacts, et élabore des fiches d’information sur les espèces qui examinent les expositions, les sensibilités et les capacités d’adaptation des espèces marines qui sont importantes pour les Premières Nations.

Déterminer les mesures

WATCH adopte une approche holistique qui se concentre sur les interactions entre les dangers. Les plans des États-Unis qui ont intégré les vulnérabilités des espèces marines, des outils comme le « Tribal Climate Tool » de l’Université de Washington et des approches comme celles entreprises par les tribus Swinomish, qui comprennent des indicateurs de santé fondés sur des valeurs et des méthodes permettant de hiérarchiser les sites à protéger ou à réhabiliter, ont inspiré les domaines d’intérêt, les approches et les méthodes du projet.

Au cours de réunions et d’ateliers, les membres du réseau WATCH en sont venus à comprendre les lacunes, les obstacles et les limites de son programme de salubrité des produits de la mer, et la façon de les aborder. Par exemple, les communautés des Premières Nations dépendent davantage des produits de la mer pour leur santé nutritionnelle, ainsi que pour leur santé et leur bien-être économique, culturel, social et spirituel, que les autres populations du Canada. Ils sont donc plus susceptibles d’être exposés aux biotoxines présentes dans les produits de la mer, mais ont moins accès aux contrôles et aux tests destinés à assurer leur salubrité que les autres populations.

Les renseignements sur le climat et les espèces collectés dans le cadre de WATCH seront enrichis par les connaissances recueillies dans les communautés pilotes lors d’ateliers sur les « enjeux » (par exemple, si et comment certains enseignements deviennent moins fiables pour la récolte ou la conservation des aliments) et évalués à l’aide des résultats des études sur l’alimentation et la récolte qui explorent les expositions, les sensibilités et les capacités d’adaptation des communautés pilotes et de leurs membres. Par exemple, le WATCH espère déterminer si les communautés dépendent d’un petit nombre de produits de la mer déjà réduits à cause d’autres menaces et très sensibles aux changements climatiques, ou si elles bénéficient d’une diversité d’espèces alimentaires marines représentant un éventail plus large de vulnérabilités. Dans la mesure du possible, la mobilisation est associée à des activités qui apportent une valeur ajoutée aux communautés et à leurs membres, comme des ateliers sur la mise en conserve du saumon. Les données permettant d’orienter la gestion des risques et la planification de l’adaptation sont également compilées à partir des réunions et des activités du WATCH avec des publics plus larges. Une fois que les programmes de surveillance communautaires auront produit suffisamment de données, celles-ci serviront également à la planification.

Mise en œuvre

Les communautés des Premières Nations travaillent en collaboration avec un certain nombre de partenaires pour créer un système solide de surveillance, d’essais et de communications d’alerte précoce. Grâce à des partenariats avec le Centre de contrôle des maladies de la Colombie-Britannique et l’Université de l’île de Vancouver, ainsi qu’à des relations au sein des Services de santé publique environnementale de l’ASPN, le WATCH examine également la manière de traiter les contaminants provenant des systèmes sanitaires et des eaux de ruissellement par l’intermédiaire de la surveillance communautaire et d’autres structures.

WATCH utilise l’évaluation de développement (ÉD), une approche où l’apprentissage partagé est renvoyé aux participants du projet dans des cycles d’apprentissage, pour s’appuyer sur les connaissances existantes, permettant au projet d’être souple. Les outils d’ÉD, comme les résumés d’événements et les réflexions SOAR (forces, opportunités, aspirations et résultats) favorisent le partage des connaissances lors des réunions clés avec les participants et, le cas échéant, à l’ensemble du réseau et au-delà. Lorsque la capacité des laboratoires s’est avérée être un goulot d’étranglement touchant la salubrité des produits de la mer pour les Premières Nations, un sous-groupe du WATCH s’est réuni pour mener une étude de faisabilité de laboratoire avec des conseillers de la U.S. National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA), de l’État de Washington et de l’Alaska. Un autre sous-groupe s’attaque à une importante lacune dans les connaissances en soutenant les étudiants de l’Université de la Colombie-Britannique qui entreprennent une analyse des tendances des niveaux de biotoxines, des fermetures de zones de récolte de mollusques et des données climatiques.

Le projet a élaboré des programmes de surveillance communautaire dans ses communautés pilotes et intégrera de nouvelles communautés de surveillance dans les centres régionaux. Ces actions soutiendront de plus en plus la gestion des risques et la planification de l’adaptation. Les communautés de WATCH reçoivent des équipements, comme des filets à plancton et des microscopes et sont formées à la recherche de phytoplancton toxigène. La communauté suit les efflorescences d’algues et collecte des données environnementales afin de mieux comprendre comment les efflorescences se forment et se dissipent dans les eaux locales. Les données sont saisies dans la Plateforme de sensibilisation accrue aux activités maritimes (SAAM) développée par Transports Canada. Cela permet aux communautés de partager autant ou aussi peu de données qu’elles le souhaitent, avec qui elles le souhaitent. La SAAM dispose également de nombreux ensembles de données publiques qui peuvent être superposés aux données de surveillance du WATCH afin de mieux comprendre l’environnement marin.

Résultats et suivi des progrès

WATCH soutient les communautés dans la gestion, l’interprétation et la visualisation des données en fournissant l’assistance d’un scientifique-conseil de l’environnement. Les systèmes d’alerte précoce comprennent désormais un outil d’aide à la décision, des bulletins sur les mollusques toxiques destinés aux membres de la communauté et aux fournisseurs de soins de santé, ainsi que des structures de communication propres à chaque communauté.

Le résultat le plus précieux du projet WATCH est son réseau intégré et diversifié qui continue de croître et de se développer grâce à l’apprentissage partagé. Le partage respectueux des valeurs, des points de vue, des enseignements, des observations et autres connaissances, des cérémonies et des chants, ainsi que des aliments traditionnels, a enrichi le projet de manière inestimable. Le projet WATCH jette régulièrement des ponts entre les différents secteurs (par exemple, la santé, la pêche et la cuisine, les milieux marins, d’eau douce et terrestres), ce qui attire des personnes désireuses de dépasser les limites de leur secteur et de leur milieu.

Le Centre de contrôle des maladies de la Colombie-Britannique a intégré les recommandations des communautés pilotes pour améliorer sa carte des zones de récolte des mollusques avec les températures de surface de la mer et d’autres données, et pour développer des vidéos didactiques. À intervalles réguliers, le Centre de contrôle des maladies de la Colombie-Britannique résume et interprète les données sur les biotoxines marines pour ses territoires. Cette carte est une ressource précieuse pour de nombreux récoltants.

Les membres du réseau ont appris que la manière dont nous nous engageons est aussi importante que ce que nous découvrons grâce à cet engagement. Les communautés préfèrent un engagement qui inclut une réciprocité significative — si l’on demande aux membres de donner de leur temps et de contribuer sous forme de données, ils devraient recevoir quelque chose de valeur en retour (par exemple, des ateliers sur la mise en conserve, des cadres pour les enseignements des aînés et des jeunes, des occasions de rencontrer des gens d’autres Nations). Pour les activités qui comportent des conversations difficiles, les agents de soutien culturel sont essentiels.

Prochaines étapes

L’une des leçons tirées du projet est qu’il est extrêmement important que le projet continue à respecter l’évolution des besoins, des priorités et des capacités des communautés participantes. Par exemple, les récoltes et les distributions de nourriture, les activités communautaires importantes et les restrictions en cas de pandémie pour protéger les membres retarderont sans aucun doute la recherche et le suivi. Par conséquent, il sera nécessaire d’étendre le projet sur une plus longue période, mais cela aura des avantages tangibles (par exemple, de nouveaux renseignements seront disponibles, et il y aura des relations plus étroites et une compréhension plus profonde parmi les participants qui prennent part à plus long terme au projet).

Une autre leçon apprise est que les renseignements climatiques ne sont souvent plus à jour au moment de leur publication, et que les agences, les organisations et le secteur privé restreignent régulièrement l’accès aux renseignements clés. De plus, les conditions et les dangers liés au climat se produisent souvent en tandem et il est nécessaire d’adapter les outils et les ressources de planification, qui traitent souvent les dangers climatiques de manière isolée (par exemple, l’élévation du niveau de la mer, l’acidification des océans). Ces éléments se superposent également aux menaces et aux défis passés et présents, qui doivent être pris en compte dans les évaluations et les autres aspects de la planification.

Le projet WATCH est en cours et les prochaines étapes consisteront à intégrer pleinement les nouvelles communautés de surveillance WATCH et à transformer le projet pilote en un programme à part entière et à plus long terme. Les systèmes d’alerte précoce continueront d’être améliorés à mesure que les capacités de chaque communauté se développent et que le système de surveillance et de test envisagé commence à prendre forme. Les programmes éducatifs en cours d’élaboration pour les adultes et les jeunes seront mis à l’essai et affinés. Une fois le plan d’adaptation achevé avec les quatre communautés pilotes, un modèle sera créé pour les communautés souhaitant effectuer un travail similaire. Enfin, le projet WATCH continuera à travailler avec ses partenaires des États-Unis pour créer un réseau de planification et de surveillance de Beaufort à Baha-WATCH, de l’Alaska au Mexique.

Ressources

Récit numérique de cas

WATCH de l’ASPN— comprend des bulletins d’information, des histoires numériques, des bulletins sur les mollusques toxiques (exemples) et des documents d’évaluation du développement destinés au public, comme des résumés de rassemblements et d’activités (en anglais seulement)

Programme sur le changement climatique et l’adaptation du secteur de la santé de l’ASPN (page Web) (en anglais seulement)

Résumé du rassemblement WATCH 2021  (en anglais seulement)