Atténuation thermique par géothermie des débordements des bassins de rétention des eaux pluviales

En mai 2019, les responsables du programme d’évaluation des technologies du développement durable (STEP) de la Toronto and Region Conservation Authority (TRCA) (autorité de conservation de Toronto et de la région) ont terminé l’installation et la mise en service d’un système pilote d’atténuation thermique par géothermie dans un bassin de rétention d’eaux pluviales. Lorsque les températures sont chaudes, le soleil réchauffe les surfaces urbaines, comme les chaussées et les toitures. Le ruissellement des eaux pluviales provenant de ces surfaces lorsqu’il pleut se réchauffe considérablement. Ce réchauffement s’installe également dans les bassins de gestion des eaux pluviales, une caractéristique commune dans de nombreuses régions urbaines et suburbaines, car les eaux pluviales stagnent et absorbent plus de chaleur solaire avant de se jeter dans le bassin hydrographique. À l’heure actuelle, le ministère des Ressources naturelles et des Forêts suggère un maximum de 24 °C pour assurer la protection du mené long en voie de disparition. Toutefois, des températures encore plus froides sont préférables pour la protection de la truite mouchetée et d’autres espèces dans les cours d’eau en amont. Si aucune mesure n’est prise, l’eau provenant des débordements de bassins pourrait dépasser 30 °C.

Le système d’atténuation thermique par géothermie des bassins de rétention d’eaux pluviales est un circuit hydronique sur lequel la tuyauterie est raccordée d’un échangeur thermique des eaux pluviales (ÉTEP) à un échangeur thermique dans le sol (ÉTS). Une pompe assure la circulation d’un fluide caloporteur dans le circuit. Grâce au fluide caloporteur qui circule dans le système, l’ÉTEP absorbe la chaleur des débordements des eaux pluviales et la rejette profondément dans le sol à l’aide de l’ÉTS. Ce cycle peut être utilisé pour refroidir continuellement les débordements des eaux pluviales.

Ce système a été installé dans un bassin d’eaux pluviales à Brampton, en Ontario, ayant une superficie d’environ 3 000 m2 et une profondeur permanente de 2 m. Le système n’a pas été conçu pour satisfaire à la charge entière de refroidissement du bassin, mais plutôt pour acquérir des connaissances en ce qui concerne la conception, le rendement et la modélisation de l’échelle à laquelle ces systèmes peuvent être appliqués. Ce projet pilote constitue la première mise en œuvre d’un système d’atténuation thermique par géothermie.

Le système fonctionne bien, avec peu de problèmes opérationnels. Sa conception et son rendement ont facilement été décrits par des modèles relativement simples élaborés dans le cadre de la présente étude, ce qui en fait une solution très facile à mettre en œuvre sur le plan technique dans différents types de bassins. Le système est aussi extrêmement efficace sur le plan des coûts et de l’espace, et il n’a aucune répercussion sur l’apparence du bassin ou des espaces verts avoisinants, car une grande partie du système est souterraine. Grâce à ces caractéristiques, ce système convient autant aux travaux d’amélioration qu’aux nouveaux bassins.

Comprendre et évaluer les impacts

La santé des cours d’eau dépend de divers facteurs, notamment de l’hydrologie, de la température, de la géomorphologie, de la structure des habitats et de la qualité de l’eau. La température de l’eau constitue un paramètre critique, car celle-ci régule les processus biotiques et abiotiques dans les cours d’eau. Le régime de la température de l’eau dans les cours d’eau est influencé par la source de rejet (p. ex., eaux souterraines, ruissellement en surface), l’ombrage, la radiation solaire et les stress anthropogéniques. Durant les mois d’été, on peut observer un gradient longitudinal d’eaux plus froides en amont et plus chaudes en aval. Près des zones en amont, l’ombrage protège bien les cours d’eau contre la radiation solaire et ceux-ci sont principalement alimentés par les eaux souterraines plus froides, dont la température se situe en moyenne aux alentours de 8 °C dans le sud de l’Ontario.

La température maximale des effluents des bassins dans la région du Grand Toronto se situe généralement entre 26 et 31 ⁰C, avec une hausse de température observée en amont et en aval entre 4 et 11 ⁰C pendant les mois d’été. Plusieurs facteurs peuvent expliquer les variations des températures de rejets dans les bassins, notamment le temps de rétention et l’élévation de la sortie d’eau sous le bassin permanent. Dans certains cas, la pollution thermique provenant des bassins d’eaux pluviales peut dérégler les températures d’eau plus froides des cours d’eau au-delà du seuil acceptable des espèces qui y habitent.

Le bassin de gestion des eaux pluviales (GEP) utilisé dans le cadre de cette étude est situé au 60 Upperlinks Drive à Brampton, en Ontario. Il traite les eaux de ruissellement provenant d’une zone résidentielle de moyenne densité. Le bassin occupe une surface d’environ 3000 m2 et il a une profondeur permanente d’environ 2 mètres. Pendant une tempête, le niveau d’eau du bassin monte à mesure que les eaux de ruissellement de la sous-division pénètrent par l’entrée du bassin.

L’équipe du projet a préparé des modèles dans le but de déterminer la charge thermique du bassin au cours des six dernières années (2012 à 2018). Les données pluviométriques cumulatives sur 5 minutes pour le modèle de débit sortant étaient disponibles auprès d’une station météorologique avoisinante de la TRCA. Les données sur les températures ambiantes ont été recueillies auprès d’Environnement Canada sur le site weatherstats.ca. La charge thermique la plus importante, de pointe et saisonnière, est survenue en 2016 et en 2018. Cela a surtout été causé par les températures ambiantes plus élevées durant ces années.

Déterminer les actions

En 2019, la TRCA a publié le document Data Synthesis and Design Considerations for Stormwater Thermal Mitigation Measures (Synthèse des données et considérations en matière de conception pour les mesures d’atténuation de la charge thermique des eaux pluviales). Ce rapport met l’accent sur l’analyse des mesures d’atténuation de la charge thermique qui ont fait l’objet d’une surveillance afin d’évaluer le rendement dans un climat sudiste de l’Ontario. L’ensemble des données de surveillance des pratiques examinées et analysées dans le cadre de ce projet comprenait 18 sorties souterraines, 18 fossés de refroidissement, 14 pratiques de développement à faible impact (biorétention/cellules de sol, fossé d’infiltration, toit vert, chaussée perméable), une sortie de déchargement de nuit, un bassin souterrain, un canal végétalisé et une île flottante. La faisabilité, l’efficacité et les coûts d’entretien varient d’une stratégie à l’autre et il n’existe pas à l’heure actuelle un consensus sur les meilleures options touchant les nouvelles constructions et les bassins d’eaux pluviales existants.

Les avantages associés à l’atténuation thermique par géothermie visent surtout le fait que ces solutions offrent plus d’espace et elles sont plus rentables que les autres approches. Le seul composant mécanique en place est une pompe de circulation qui ne requiert généralement qu’un entretien ou une intervention minime. Pour ces raisons, le STEP et la Ville de Brampton ont décidé de piloter et d’évaluer le système de refroidissement du bassin d’eaux pluviales par géothermie (voir le schéma ci-dessous). Le système est un circuit hydronique où la tuyauterie est raccordée d’un échangeur thermique des eaux pluviales (ÉTEP) à un échangeur thermique dans le sol (ÉTS). Une pompe assure la circulation d’un fluide caloporteur dans le circuit hydronique. À l’ÉTEP, le fluide caloporteur est plus froid que les sorties d’eaux pluviales. Cette différence de température fait passer la chaleur des eaux pluviales dans le fluide caloporteur, refroidissant ainsi les eaux pluviales. À l’ÉTS, le fluide caloporteur est plus chaud que le sol en profondeur. Cette différence de température fait passer la chaleur du fluide caloporteur dans le sol en profondeur, refroidissant le fluide à sa température originale. Ce cycle peut être utilisé pour refroidir continuellement les eaux pluviales plus chaudes.

Mise en oeuvre

Le système a été mis en œuvre à petite échelle afin d’étudier la faisabilité de cette approche et d’acquérir de précieux renseignements sur un système à pleine échelle. Le système a été mis en service au printemps 2019 et il a été surveillé jusqu’à l’hiver 2020.

Échangeur thermique dans le sol

La taille du système de refroidissement géothermique a été limitée par le budget du projet, qui permettait seulement de creuser un trou de forage de 600 pi (183 m) de long. La longueur du trou de forage désigne la profondeur cumulative de tous les trous de forage dans une installation géothermique (p. ex., le nombre de trous de forage multiplié par leur profondeur). La taille de tous les autres composants du système a aussi été déterminée selon les contraintes budgétaires. Il convient de noter que cette longueur était bien inférieure à celle nécessaire pour répondre à la charge thermique totale du bassin, mais elle était suffisante pour un projet pilote pouvant offrir des renseignements sur les systèmes à grande échelle.

Un seul trou de forage profond a été sélectionné, car l’on s’attendait à ce que les températures y soient plus froides, comparativement à de multiples trous moins profonds. Les températures plus froides du fluide caloporteur provenant d’un trou de forage plus profond entraîneraient une plus grande différence de températures et favoriseraient une meilleure capacité de refroidissement. Un coude en U de tuyau géothermique préfabriqué de 1-1/4 po SDR11 en polyéthylène haute densité (PEHD) a été installé dans le trou de forage et jointoyé avec un coulis de bentonite thermiquement amélioré formant l’ÉTS. Le forage et l’installation de l’ÉTS ont été effectués durant l’hiver de 2018-2019.

Échangeur thermique des eaux pluviales

Il existe différentes façons de mettre en œuvre un ÉTEP. Dans le cadre de ce projet pilote, il a été installé dans la voûte existante et construit à l’aide de tuyaux en PEHD de ¾ po SDR11. Il s’agit de l’approche classique pour des systèmes géothermiques d’eaux de surface, qui sont plus courants dans certaines régions des États-Unis. Ce type de système est abordable, robuste et de forme familière. L’un des principaux inconvénients de l’utilisation de tuyaux en PEHD pour cette application en particulier est le fait que l’échangeur de chaleur global occupe un volume important considérant l’ampleur du transfert de chaleur qu’il fournit. Cependant, les calculs de la taille ont indiqué qu’un ÉTEP fabriqué de tuyaux en PEHD avec des capacités de transfert de chaleur pour correspondre à l’ÉTS pouvait être installé dans la voûte. Les systèmes à grande échelle devront probablement adopter une approche différente. Puisqu’il n’y avait pas d’électricité directement sur le site, le système géothermique a été alimenté par un petit système photovoltaïque autonome.

Initialement, de l’eau était utilisée comme fluide caloporteur. À l’automne, l’eau a été remplacée par du propylèneglycol à 50 % afin de protéger le système contre le gel occasionné par les températures hivernales et ce liquide a été utilisé pour le reste du projet pilote.

Résultats et suivi des progrès

Le système a été en exploitation et a fait l’objet d’une surveillance du printemps 2019 à l’automne 2020. Les données de surveillance ont été utilisées pour calculer la capacité de refroidissement et pour valider le modèle du système. Le modèle a été utilisé pour estimer la taille d’un système à grande échelle pour le bassin.

Les points de surveillance et les capteurs comprenaient les suivants :

  • Chaleur vers l’ÉTS
  • Chaleur des eaux pluviales
  • Températures du sol
  • Conditions environnementales
  • Données sur le bassin
  • Vitesse de la pompe

Le projet pilote a permis de déterminer qu’un système relativement petit composé de six trous de forage profonds aurait permis de maintenir les températures de sortie en dessous de 24 °C, et ce, 96 % du temps durant l’été de 2019. Le coût de l’installation de l’ÉTS à cet endroit était de 17 000 $ pour un seul trou de forage. Le coût estimé associé à plusieurs trous de forage est plus bas, entre 10 000 $ et 15 000 $ par trou de forage. L’on estime également que la majorité des coûts de l’installation d’un système géothermique de refroidissement à grande échelle sont associés aux trous de forage. Il en résulte que le coût estimé d’un système à grande échelle pour ce projet pilote est inférieur à 200 000 $. Comparativement à d’autres mesures, surtout celles qui nécessitent le déplacement de grandes quantités (comme les tranchées de refroidissement), l’approche de refroidissement géothermique est plus compétitive sur le plan des coûts.

Le projet pilote a aussi permis de démontrer que l’approche de refroidissement géothermique est extrêmement évolutive. Il est possible de créer un système avec un seul trou de forage ou avec une douzaine de trous ou plus. Il est également possible d’aménager un système de refroidissement géothermique dans des bassins existants ou d’ajouter un tel système aux systèmes d’atténuation thermique actuels peu performants, comme les tranchées de refroidissement.

Le principal inconvénient du refroidissement géothermique concerne le fait qu’il requiert les composants mécaniques actifs de la pompe de circulation. Même s’il ne s’agit pas de la seule approche d’atténuation thermique à utiliser des composants actifs (une sortie contrôlée la nuit serait un autre exemple), la nature active du système introduit un potentiel de point d’échec.

Un autre inconvénient observé concerne la capacité de refroidissement des fluides caloporteurs. L’eau offrait une meilleure capacité de refroidissement, soit de 20 à 40 %, que le mélange de glycol. Toutefois, en raison de l’exposition de composants précis aux températures hivernales au-dessus du sol, le mélange de glycol était nécessaire pour maintenir sa fonction tout au long de l’année.

Prochaine(s) étape(s)

Il s’agit de la première mise en œuvre d’un système géothermique d’atténuation thermique et de nombreux points devraient faire l’objet d’études pour les travaux futurs, notamment :

  • La mise en œuvre et l’évaluation d’un système à grande échelle
  • La mise en œuvre d’échangeurs de chaleur métalliques et d’autres options d’ÉTEP
  • La mise en œuvre et l’optimisation des autres mesures utilisées en combinaison avec les systèmes géothermiques
  • La confirmation des résultats pré-refroidissement, accompagnée d’une étude de modélisation élargie
  • Des travaux supplémentaires d’évaluation des températures du sol selon différentes conditions environnementales, surtout durant les pires années, sur le plan historique, ou en allant de l’avant dans le contexte des changements climatiques
  • L’intégration d’échangeurs de chaleur métalliques dans l’outil d’évaluation des dimensions
  • L’amélioration continue de l’outil d’évaluation des dimensions
  • Ainsi que d’autres points.

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