Adaptation psychosociale aux changements climatiques à High River, en Alberta : conséquences sur les politiques et les pratiques

En 2020, les chercheurs de l’école de santé publique Dalla Lana de l’Université de Toronto ont publié une étude sur les interventions en matière de santé et de services sociaux relatives aux répercussions à long terme sur la santé mentale des inondations de 2013 dans le sud de l’Alberta, à High River, y compris une liste de mesures possibles qui pourraient améliorer les interventions futures. Les auteurs ont recueilli de l’information au moyen d’un éventail de méthodes de recherche qualitatives, notamment des entrevues téléphoniques avec des responsables clés de la santé et des services sociaux, des séances de groupe de discussion avec des travailleurs de première ligne dans le domaine de la santé et des services sociaux ainsi que des entrevues semi-structurées avec un échantillon de membres de la communauté. Les renseignements recueillis grâce à ces méthodes ont mené à une solide compréhension de la manière dont les conséquences psychosociales d’un événement majeur ont été abordées par des interventions de santé publique. Des difficultés touchant à la fois les interventions à court et à long terme ont été cernées, y compris des conséquences négatives involontaires associées à chacune des interventions. À la suite de l’analyse des renseignements recueillis, les auteurs ont établi certaines mesures potentielles qui pourraient être utiles pour contrer les lacunes perçues dans le cadre des interventions, non seulement pour les personnes de High River, mais aussi pour celles qui habitent des communautés ayant une taille et un contexte rural semblables. Les mesures ont été organisées par type (renforcement des capacités, formation en soins de santé mentale, etc.) et elles s’accompagnaient d’une liste de résultats éventuels liés à l’adaptation psychosociale. Pour assurer leur succès, on suggère que les mesures mises en œuvre soient collaboratives, interdisciplinaires, éclairées par les connaissances de la communauté et attentives aux besoins de la communauté.

Comprendre et évaluer les impacts

Un examen de la documentation par les auteurs indique ce qui suit : même si les effets des changements climatiques sur la santé mentale ont été pris en compte en profondeur, peu d’études sont menées sur l’adaptation psychosociale aux événements liés aux changements climatiques. Par conséquent, les auteurs font état d’une étude sur les interventions en matière de santé et de services sociaux dans le contexte des répercussions à long terme sur la santé mentale liées aux inondations du 19 juin 2013 dans le sud de l’Alberta, à High River. La ville entière de High River, composée d’environ 13 000 personnes, a reçu l’ordre d’évacuer les lieux. Les inondations ont entraîné quatre décès déclarés, une période de reconstruction des infrastructures échelonnée sur cinq ans et des rapports sur les effets persistants sur la santé mentale. L’article note ce qui suit : même si la zone est sujette aux inondations en raison de son emplacement, l’information provenant du cinquième Rapport d’évaluation du GIEC ainsi que des activités de surveillance locale montre que les changements climatiques augmentent la probabilité, la fréquence et l’intensité des inondations. Afin de mieux comprendre l’adaptation psychosociale aux inondations de 2013, cet article utilise des méthodes de recherche qualitatives, y compris des entrevues téléphoniques avec des responsables clés de la santé et des services sociaux, quatre séances de groupe de discussion avec des travailleurs de première ligne dans le domaine de la santé et des services sociaux ainsi que des entrevues semi-structurées avec un échantillon de membres de la communauté qui ont vécu les inondations. Une analyse thématique descriptive mettant l’accent sur les perceptions et les expériences des participants a ensuite été menée.

Déterminer les actions

Avant de déterminer quelles améliorations ou mesures pourraient être bénéfiques à celles déjà mises en place pour répondre aux besoins des personnes touchées, les auteurs souhaitaient d’abord comprendre la manière dont l’adaptation psychosociale avait été abordée après les inondations de 2013. Grâce à des entrevues et à des séances de groupe de discussion, des commentaires ont été recueillis sur les mesures prises. Les répondants ont indiqué que les interventions et les mesures de soutien (communément appelées « interventions » dans cet article) ont été mises en place rapidement dans la région, en soulignant toutefois que les organismes et les ressources externes avaient quitté la communauté avant que les besoins en matière de santé mentale liés aux inondations aient été complètement comblés. À l’inverse, les services de santé mentale essentiels à long terme (appelés « soutien pour le rétablissement ») étaient perçus comme étant largement sous-financés. De nombreux répondants ont également signalé qu’ils avaient hésité à demander du soutien en santé mentale auprès de personnes de la communauté par crainte de stigmatisation. Enfin, les répondants des principaux organismes communautaires ont aussi mis en lumière la possibilité de conséquences négatives involontaires provenant des interventions, car certains groupes d’intervenants avaient peu ou pas de formation en premiers soins dans le domaine de la santé mentale. L’absence de continuité des soins ainsi qu’une concurrence excessive entre les organismes de soutien internes et externes ont également été notées. Finalement, les entrevues semi-structurées avec un échantillon de membres de la communauté marginalisés ont mis en évidence le désir de disposer de soins et de services de soutien en santé mentale connus, accessibles et offerts à tous, et d’interventions efficaces à long terme. Grâce à cette information, les auteurs ont établi bon nombre d’interventions potentielles pour améliorer les capacités d’adaptation, classées selon divers types d’interventions : renforcement des capacités, formation visant les soins en santé mentale, sensibilisation, réseaux de communication redondants et offre d’une multitude d’options d’interventions psychosociales. Voici un exemple des types d’interventions et de mesures connexes :

  • Renforcement des capacités : planification de la relève entre les organismes d’intervention et les services communautaires essentiels.
  • Sensibilisation : activités de sensibilisation ciblées et efforts soutenus auprès des personnes les plus marginalisées.
  • Réseaux de communication redondants : immédiatement après une catastrophe, s’assurer que des réseaux de communication redondants sont en place pour améliorer la réunification des familles.

Résultats et suivi des progrès

Même si aucune de ces mesures n’a été mise en œuvre, les résultats éventuels qui en découleraient sont communiqués en détail. Bon nombre des mesures suggérées visent à améliorer les efforts actuels, tandis que d’autres présentent de nouvelles solutions pour améliorer les capacités d’adaptation. Par exemple, le renforcement des capacités est suggéré en partie au moyen d’un financement soutenu dans le domaine des services de santé mentale et des services sociaux, qui pourrait contribuer à améliorer l’uniformité de la prestation de soins en santé mentale et de services sociaux. De plus, il est possible de renforcer les capacités grâce à des consultations dirigées par le gouvernement auprès des services communautaires essentiels au sujet du rôle des interventions pendant et après un événement majeur. Ces consultations pourraient ensuite offrir l’occasion de discuter avec les responsables des principaux organismes de services communautaires et d’obtenir leurs commentaires concernant les mesures provisoires lorsque les services communautaires essentiels ne sont pas disponibles. En examinant la manière dont les participants ont lié leurs expériences aux changements climatiques, les auteurs ont découvert des difficultés potentielles relativement aux interventions et au soutien pour le rétablissement à la suite d’événements liés au climat en raison d’un scepticisme apparent de la part de certaines personnes en ce qui concerne le lien entre les inondations et les changements climatiques. Les auteurs supposent que ce scepticisme est peut-être attribuable au rôle bien ancré que jouent les sables bitumineux dans l’économie politique de l’Alberta. L’hésitation pourrait également refléter le fait que les répondants trouvent insoutenable sur le plan émotionnel ou physique la perspective de vivre une autre inondation.

Prochaine(s) étape(s)

D’après les observations découlant de cette étude de cas, les auteurs suggèrent que les éventuelles mesures pour améliorer les interventions et le soutien pour le rétablissement après un événement lié au climat seraient plus efficaces si elles étaient adoptées par des communautés dont la taille et le contexte rural sont semblables à ceux de High River, en Alberta. Ils soulignent que les éventuelles mesures nécessiteront un soutien de la part de la santé publique seulement ou un soutien intersectoriel élargi. Ils soulignent également l’importance des soins de santé mentale officiels et non officiels, ainsi que la nécessité de mesures intersectorielles pour soutenir une adaptation psychosociale holistique à long terme. En terminant, pour assurer le succès de la mise en œuvre des mesures proposées, ils recommandent une collaboration entre tous les secteurs, qui s’appuiera sur les connaissances communautaires et qui sera attentive aux besoins de la communauté. Les auteurs affirment que les praticiens de la santé publique et les responsables de politiques sont bien positionnés pour mener à bien cette tâche.

Ressources

Lien vers l’étude de cas complète (en anglais suelement)