Figure 5.1
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Figure 8.1
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Figure 9.1
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Figure 1.0
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Les changements climatiques ont déjà une incidence sur la santé des Canadiens et des Canadiennes et, sans prendre de mesures concertées, ils continueront d’entraîner des blessures, des maladies et des décès – plus le réchauffement s’accentue, plus les risques pour la santé sont importants. Bon nombre de ces effets sur la santé peuvent être évités si le Canada intensifie rapidement et considérablement ses efforts pour s’adapter aux menaces croissantes pour la santé. Si l’on fait mieux connaître la question et que l’on améliore la collaboration entre les partenaires, les décideurs et les milieux de la santé devraient profiter de cette conjoncture favorable pour adopter des mesures d’adaptation solides et rendre les systèmes et les installations de santé durables sur le plan environnemental et capables de s’adapter aux changements climatiques. Sinon, les changements climatiques continueront de mettre à rude épreuve les systèmes de santé, en raison des impacts à long terme et de l’augmentation des catastrophes et des urgences qui menacent de submerger leur capacité à protéger les Canadiens et les Canadiennes et leurs collectivités.

Effets des changements climatiques sur la santé

Les recherches montrent que la santé des Canadiens et des Canadiennes a été touchée par la variabilité et les changements climatiques au cours des dernières années, à la fois directement, lorsque la chaleur extrême et d’autres aléas naturels découlent des changements climatiques, et indirectement, par une gamme de voies sociales, environnementales, culturelles et économiques qui ont des effets sur la santé. Les effets récents sur la santé liés à la hausse des températures et à la chaleur extrême, aux inondations urbaines, aux feux de forêt et à l’expansion des zoonoses au Canada, comme la maladie de Lyme, sont liés au réchauffement climatique.

Tous les Canadiens et toutes les Canadiennes peuvent subir les effets des changements climatiques; toutefois, ces impacts et les risques connexes pour la santé ne touchent pas tout le monde de manière égale. Les aînés, les enfants, les populations racisées, les personnes à faible revenu, les personnes atteintes de problèmes de santé chroniques et les Premières Nations, les Inuits et les Métis souffrent souvent de impacts plus importantes des changements climatiques sur leur santé. Les iniquités existantes en santé et les variations dans l’état des déterminants de la santé peuvent entraîner ce risque accru, tout comme la sensibilité d’une personne (comme des problèmes de santé préexistants) et son exposition (comme l’emplacement géographique) aux aléas climatiques.

Aléas naturels

Un éventail d’aléas naturels, y compris des événements météorologiques extrêmes, ont régulièrement une incidence sur la santé des Canadiens et des Canadiennes, mais parfois les effets sur les collectivités peuvent être catastrophiques. Le nombre de jours où la température maximale dépasse 30 °C a augmenté au Canada, d’environ un à trois jours par année de 1948 à 2016 {3.4.1.2}. Selon une étude, une telle chaleur extrême augmente les décès dans les villes canadiennes de 2 % à 13 % {3.4.2.1}. On estime que les récents événements de chaleur extrême (« vagues de chaleur ») au Québec ont entraîné un nombre important de décès : 291 lors d’un événement de chaleur extrême en 2010 et 86 lors d’un autre en 2018. Un épisode de chaleur extrême en Colombie-Britannique en 2021 a causé la mort de 740 personnes {3.4.2.2}. La chaleur extrême peut également augmenter le taux d’hospitalisation pour des problèmes cardiovasculaires {3.4.2.4} et des complications de grossesse, y compris la naissance prématurée, l’accouchement avant terme, les fausses couches et les anomalies congénitales telles que les anomalies du tube neural {3.4.2.6}. Bien que certains risques, tels que les blessures et les décès dus au froid, puissent diminuer, l’augmentation des décès attribuables à la chaleur devrait dépasser les taux réduits de décès dus au froid {3.6.3.2}.

La sécheresse augmente la poussière fine dans l’air, ce qui compromet les fonctions de santé cardiovasculaire et respiratoire. Pendant les sécheresses, les vents propagent du pollen, des champignons, des moisissures et des bactéries, provoquant des allergies et des maladies. Lorsque la pluie tombe après une sécheresse, les agents pathogènes peuvent être transportés dans les plans d’eau et les systèmes d’eau potable, provoquant des maladies hydriques. Les mauvaises récoltes dues à la sécheresse ont de nombreux effets d’entraînement sur la sécurité alimentaire et les prix des denrées, ainsi que sur la santé mentale des agriculteurs et d’autres personnes dans les milieux agricoles {3.7.2.4}.

Les tempêtes de pluie et la pluie verglaçante entraînent des blessures chez les piétons et des blessures liées aux véhicules automobiles et d’autres risques pour la santé en raison d’une défaillance de l’infrastructure (comme des pannes de courant). Le vent peut également entraîner des accidents, surtout s’il atteint des vitesses de plus de 70 km/h. Les tempêtes peuvent soulever des quantités massives de pollen dans l’air, provoquant des épidémies d’asthme. En plus de faire entrer les virus, les bactéries et les parasites dans les eaux de surface et les eaux souterraines, ce qui entraîne des maladies gastro-intestinales aiguës, les tempêtes peuvent propager les bactéries dans les particules en suspension dans l’air qui causent la légionellose {3.9.2.5}.

Les inondations peuvent entraîner des blessures, des noyades, l’hypothermie et l’électrocution. Étant donné que les eaux de crue peuvent être contaminées par diverses sources, y compris le débordement des eaux usées, elles peuvent causer des maladies gastro-intestinales et cutanées et infecter les plaies. Les maisons inondées peuvent devenir dangereuses à cause de moisissures, de champignons et de bactéries. Si des pannes de courant surviennent à la suite de tempêtes ou d’inondations, elles peuvent entraîner des accidents à cause de l’obscurité, de l’hypothermie due au manque de chaleur et d’une intoxication au monoxyde de carbone liée à l’utilisation de barbecues, de réchauds de camping et de radiateurs extérieurs à l’intérieur {3.9.2.6; 3.10.2.5}. Les inondations peuvent entraîner l’évacuation des collectivités et provoquer des déplacements à long terme, y compris en dehors des territoires traditionnels, ce qui peut avoir des répercussions importantes sur la santé et le bien-être des peuples autochtones touchés {2.4.1}. Des études montrent que les victimes d’inondations peuvent souffrir de problèmes de santé mentale et de problèmes cardiaques après une inondation {3.10.2}.

Les projections climatiques montrent une augmentation des épisodes de chaleur extrême dans les collectivités du Canada et une diminution des précipitations en été dans l’ensemble du sud du Canada, ainsi qu’une hausse des sécheresses et des pénuries d’eau en été dans le sud des Prairies et à l’intérieur de la Colombie-Britannique pendant le reste du siècle {3.7.1}. Alors que les pluies estivales diminueront dans le sud du Canada, paradoxalement, les précipitations annuelles globales augmentent, en particulier dans le nord du Canada. D’autres épisodes de précipitations extrêmes (précipitations exceptionnellement fortes) sont attendus à l’avenir {3.9.1}, entraînant un risque accru d’inondation urbaine. On s’attend à ce que l’élévation du niveau de la mer sur la côte est du Canada submerge et érode les côtes.

Compte tenu de l’évolution des précipitations, des chutes de neige et des températures, les glissements de terrain devraient devenir plus courants; l’effet sur les avalanches n’a pas encore été déterminé {3.11.1}. Ces aléas sont rares au Canada, mais ils présentent un risque de blessures et de décès lorsqu’ils se produisent. Les avalanches sont un risque pour les skieurs et les motoneigistes de l’arrière-pays, et les glissements de terrain menacent les maisons et autres infrastructures sur les versants {3.11.3}.

La fonte du pergélisol constitue une menace croissante pour la santé dans les collectivités du Nord. Le pergélisol couvre actuellement 40 % de la masse terrestre du Canada, mais cette superficie devrait diminuer de 16 % à 20 % d’ici 2090, comparativement à 1990 {3.11.1}. Le dégel menace la stabilité des bâtiments, des routes et des collectivités dans le nord du Canada, et on observera parallèlement des effets concomitants sur le transport et l’accès {2.4.1}. À mesure qu’il fond, le pergélisol peut relâcher des maladies infectieuses provenant des carcasses d’animaux sauvages congelés et des métaux lourds comme le mercure qui peuvent menacer la santé {3.11.2.3}.

Qualité de l’air

L’exposition à la pollution atmosphérique entraîne un éventail d’effets néfastes sur la santé, y compris des symptômes respiratoires, le développement de maladies cardiaques et pulmonaires, y compris le cancer, et la mort prématurée. Trois grands polluants de l’air extérieur – les matières particulaires fines, l’ozone troposphérique et le dioxyde d’azote – sont ensemble à l’origine d’environ 15 300 décès prématurés au Canada chaque année, qui représentent un coût économique de 114 milliards de dollars {5.3}. Les changements climatiques et la qualité de l’air sont étroitement liés. Les principaux polluants atmosphériques sont produits par la combustion de combustibles fossiles, qui est également une source primaire de gaz à effet de serre (GES) {5.4}, et par les feux de forêt, qui augmentent en raison des changements climatiques. Certains polluants atmosphériques, tels que le méthane et la suie, aggravent les changements climatiques, tandis que certains diffusent le rayonnement solaire, refroidissant la planète. Les changements climatiques ont une incidence sur la qualité de l’air, car des températures plus élevées peuvent accroître les polluants contenus dans le smog, comme l’ozone troposphérique. Les grands systèmes météorologiques à haute pression à déplacement lent, qui devraient devenir plus courants en raison des changements climatiques, aggravent également la pollution atmosphérique {5.4.3 et figure 5.1}.

Figure 5.1

Liens entre la qualité de l’air et les changements climatiques.

Schéma illustrant les liens entre la qualité de l’air et les changements climatiques. Les précurseurs d’ozone et les émissions d’aérosols primaires ont une force positive (réchauffement) sur le climat, tandis que les précurseurs d’aérosols secondaires exercent une force négative (refroidissement) sur lui. Ces forces influencent les changements climatiques, qui peuvent avoir des répercussions sur la qualité de l’air.
Figure 5.1

Les cases des PDCV indiquent un forçage radiatif positif net (rouge; réchauffement) ou un forçage radiatif négatif net (grise; refroidissement).

Source

D’après Ravishankara et coll., 2012.

La superficie brûlée par les feux de forêt au Canada augmente; elle a doublé entre les années 1970 et les années 2000. L’Ouest canadien, en particulier, a connu une augmentation significative du nombre d’incendies et de la superficie brûlée de 1959 à 2015 {3.8.1}. En plus des résidents et des pompiers blessés et tués par les feux de forêt, la fumée des feux de forêt, qui peut se déplacer dans des panaches dans l’atmosphère jusqu’à plusieurs milliers de kilomètres, a des effets néfastes sur la santé. La fumée des feux de forêt contient de nombreux polluants atmosphériques différents, y compris des matières particulaires fines qui peuvent pénétrer profondément dans les poumons {5.3.1}. L’exposition à la fumée des feux de forêt est associée à une hausse de la mortalité toutes causes confondues ainsi qu’à des exacerbations de l’asthme et de la maladie pulmonaire obstructive chronique et à une augmentation des infections respiratoires. Au Canada, le fardeau pour la santé de la pollution atmosphérique causée par la fumée des feux de forêt varie d’une année à l’autre et d’une région à l’autre. Au cours des cinq dernières années, on estime que de 54 à 240 décès prématurés dus à une exposition à court terme et de 570 à 2500 décès prématurés associés à une exposition à long terme par année étaient attribuables aux matières particulaires fines provenant des feux de forêt ainsi qu’à de nombreux effets cardiorespiratoires non mortels sur la santé. Des études prévoient une augmentation de ces effets en Amérique du Nord tout au long du siècle, y compris des milliers de décès, selon le scénario de changement climatique {5.6.4}. Les feux de forêt au Canada causent des pertes de biens, des évacuations et une dégradation de l’environnement, ce qui entraîne une augmentation des répercussions sur la santé mentale dans les collectivités touchées, comme la dépression, l’anxiété et les symptômes post-traumatiques, même chez les jeunes enfants {3.8.2.4; 3.8.3.3}.

Les changements climatiques peuvent également avoir une incidence sur la qualité de l’air intérieur, par exemple lorsque des niveaux élevés de polluants de l’air extérieur (y compris la fumée des feux de forêt) s’infiltrent dans les bâtiments ou lorsque de la moisissure est produite après les inondations. Les changements climatiques ont également une incidence sur les allergènes en suspension dans l’air en élargissant la répartition géographique des espèces végétales, en prolongeant les saisons polliniques et en augmentant la densité pollinique, ce qui peut nuire à la santé des personnes souffrant d’asthme et d’allergies.

Maladies infectieuses

Le risque de maladies infectieuses est influencé par trois facteurs : la présence de la maladie, les comportements protecteurs des personnes et leur sensibilité à l’agent pathogène (qui peut être altéré par leur santé globale et les problèmes de santé sous-jacents). On s’attend à ce que les changements climatiques touchent ces trois facteurs directement ou indirectement.

En 2008, un précédent rapport d’évaluation scientifique a projeté que les changements climatiques augmenteraient la prévalence de la maladie de Lyme, comme les vecteurs de tiques à pattes noires (Ixodes scapularis) et les agents infectieux qu’ils transportent (Borrelia burgdorferi) étendent leur portée plus loin au Canada des États-Unis, en raison du réchauffement des températures. La surveillance permet maintenant d’obtenir des données probantes solides indiquant que la maladie de Lyme est apparue au Canada et s’est propagée vers le nord en raison des changements climatiques, entraînant une augmentation spectaculaire des cas humains de 2009 à 2017 {6.3.1.5; Figure 6.5}.

Comme la maladie de Lyme, de nombreuses autres maladies émergeront ou se propageront au Canada à mesure que notre climat se réchauffera. Il s’agit notamment des virus transmis aux humains par des moustiques qui se trouvent déjà dans les régions des États-Unis limitrophes du Canada, notamment le virus La Crosse qui cause l’encéphalite. Comme le virus du Nil occidental, qui a probablement été importé en Amérique du Nord par des moustiques infectés à bord d’un avion, d’autres virus exotiques pourraient atteindre le Canada et se propager si leurs hôtes réservoirs et vecteurs se trouvent ici. De nouvelles espèces de moustiques et de tiques peuvent étendre leur aire de répartition au Canada ou arriver à bord d’un transport humain, apportant à la fois les vecteurs et les maladies qu’ils transmettent. Par exemple, une espèce de moustique nouveau au Canada qui transmet les virus chikungunya, dengue et Zika dans d’autres pays s’est établie dans une région du sud de l’Ontario {encadré 6.2}.

En plus du virus du Nil occidental, le Canada compte déjà plusieurs maladies qui peuvent être transmises par les moustiques – le virus de l’encéphalite équine de l’Est, le virus Showshoe hare et le virus de Jamestown Canyon {6.3.1.3} – et une maladie transmise par les puces – Yersinia pestis – qui cause la peste pneumonique ou bubonique {6.3.1.4}. Les infections par ces maladies sont heureusement rares et entraînent principalement des maladies bénignes ou asymptomatiques, mais les changements climatiques pourraient modifier l’aire de répartition et l’abondance des animaux hôtes et des vecteurs, et conduire à des épidémies {6.3.1.3}. Les chercheurs observent également d’autres maladies transmises par les tiques à pattes noires (anaplasmose, babésiose, virus Powassan et Borrelia miyamotoi), qui devraient se propager au Canada compte tenu de l’élargissement de l’aire de répartition de ces tiques {encadré 6.3}.

Les changements climatiques peuvent avoir des effets sur les maladies transmises aux humains directement par les animaux. La rage chez les renards arctiques est préoccupante, car l’Arctique se réchauffe plus rapidement que le sud du Canada, ce qui a une incidence sur l’écologie de cette espèce. Le syndrome pulmonaire à hantavirus, porté par la souris, est une maladie sensible au climat, mais on ne sait pas encore comment les changements climatiques l’influenceront au Canada {6.3.2.1}. Les vers ronds et autres parasites transportés par les chiens domestiques, les coyotes, les renards ou les ratons laveurs peuvent élargir leur aire de répartition au Canada {6.3.2.2}.

Les conditions météorologiques et climatiques ont une incidence sur les maladies transmises entre les humains. Par exemple, les infections respiratoires sont souvent plus fréquentes en hiver. En raison des changements climatiques, des hivers plus doux et plus courts peuvent réduire l’incidence au cours de cette saison, mais la recherche montre que des hivers plus chauds peuvent conduire à une épidémie de grippe plus répandue l’année suivante {6.3.3.1}.

Certaines infections contractées dans l’environnement peuvent également être sensibles à certains aspects du climat. Le Cryptococcus gattii {6.3.4.2}, la blastomycose {6.3.4.5} et la coccidioïdomycose {6.3.4.5} sont des infections fongiques présentes au Canada, et les risques qu’elles présentent sont susceptibles de changer à la suite des changements prévus de température et de précipitations.

Qualité de l’eau

Les changements climatiques peuvent avoir une incidence sur la qualité de l’eau potable, qui est essentielle à la santé, et la salubrité et la disponibilité de l’eau peuvent avoir des effets en cascade sur d’autres risques pour la santé dont il est question dans le présent rapport. D’abord, les changements climatiques peuvent avoir une incidence sur les sources d’eau potable. Les épisodes de pluie extrême et les fontes printanières rapides des neiges peuvent emporter des bactéries et des produits chimiques pathogènes dans les océans, les lacs et les rivières. De fortes pluies risquent également d’entraîner des débordements d’eaux usées, qui peuvent contaminer les plans d’eau {7.3.2.3}. À l’inverse, les sécheresses et le faible débit des rivières peuvent concentrer des substances nocives et des agents pathogènes, ce qui entraîne des risques pour la santé {7.3}. La hausse des températures peut entraîner des éclosions d’algues et de cyanobactéries toxiques (appelées ensemble « proliférations d’algues nuisibles ») dans les océans et les lacs, qui sont susceptibles de contaminer les eaux de surface, les poissons et les mollusques et crustacés.

L’eau contaminée peut atteindre directement les consommateurs s’ils utilisent des sources privées d’eau de surface ou d’eau souterraine. Les eaux pluviales et les eaux usées contaminées peuvent atteindre les réseaux d’eau potable, qui doivent être traités efficacement pour prévenir les maladies chez les consommateurs. Quinze pour cent des Canadiens et des Canadiennes tirent leur eau potable de petits réseaux non municipaux, et la plupart des maladies gastro-intestinales aiguës d’origine hydrique sont attribuables à ce type de système {7.3.2.1}. Mais même les grands réseaux municipaux d’eau potable peuvent être submergés par des précipitations extrêmes {7.3.3.2}. Les eaux de tempête peuvent remuer les sédiments, ce qui rend l’eau plus trouble et donc difficile à traiter. Si les tempêtes frappent les installations de traitement, les systèmes de traitement de l’eau peuvent devenir inefficaces ou inopérants {7.3.2.1.1}.

Les fortes pluies ont augmenté dans la plupart des régions du Canada en raison des changements climatiques. Ces fortes pluies ont contribué à la tragédie de Walkerton, en Ontario, en 2000, lorsque des bactéries sont entrées dans le réseau d’eau potable, faisant sept victimes et en rendant des centaines malades. Une seule pluie abondante a également été impliquée dans la pire épidémie de maladie attribuable à l’eau potable en Amérique du Nord à ce jour, à Milwaukee, au Wisconsin, en 1993 {7.3.2.1}. L’élévation du niveau de la mer due aux changements climatiques menace également d’aggraver les problèmes de qualité de l’eau dans les zones côtières tributaires des eaux souterraines, l’intrusion d’eau salée des aquifères et des puits privés étant déjà problématique dans certaines régions côtières (telles que les îles Gulf de la Colombie-Britannique et le Canada atlantique) {7.3.2.2}.

L’accès à l’eau potable salubre est un problème particulier pour de nombreuses collectivités autochtones au Canada {2.4.5}. Par exemple, 61 collectivités des Premières Nations faisaient l’objet d’un avis concernant la qualité de l’eau potable depuis plus d’un an au 15 février 2020. Ces collectivités peuvent utiliser une variété de systèmes d’approvisionnement en eau, y compris des puits, de l’eau transportée par camion stockée dans des réservoirs et de l’eau canalisée, et peuvent avoir peu ou pas de services d’approvisionnement en eau. Le manque d’eau peut entraîner une déshydratation et des conditions non hygiéniques, et les dégradations de la salubrité de l’eau peuvent entraîner des maladies gastro-intestinales. L’insécurité en eau peut également amener les membres de la collectivité à utiliser « l’eau recueillie » de l’environnement, qui peut être dangereuse.

Risques pour la salubrité et la sécurité des aliments

Les changements climatiques représentent une menace croissante à la salubrité et à la sécurité des aliments au Canada. Les tempêtes et les fortes précipitations peuvent causer le débordement des eaux usées, transporter des agents pathogènes du sol et des eaux usées dans les plans d’eau, et contaminer les cultures dans les champs. Si les systèmes de traitement de l’eau ne traitent pas efficacement la contamination, les aliments peuvent être contaminés pendant la production et la transformation, ce qui nécessite de grandes quantités d’eau propre {7.3.3}.

La hausse des températures, les changements dans les régimes de précipitations et les événements météorologiques extrêmes peuvent aussi contaminer directement les aliments (figure 8.4). Des températures plus élevées dans les champs et les exploitations agricoles peuvent signifier que les agents pathogènes réussissent à mieux se développer dans le fumier et le sol. Si les aliments ne sont pas maintenus au froid tout au long de leur trajet vers l’assiette, il se peut que les températures chaudes permettent aux bactéries dangereuses et à d’autres agents pathogènes de se développer. Les aliments peuvent être contaminés par ces voies, ce qui pose un problème particulier pour ceux que l’on consomme crus, tels que les légumes-feuilles.

La santé dépend de la sécurité alimentaire – manger suffisamment d’aliments nutritifs. La sécurité alimentaire, à son tour, dépend de la capacité du système alimentaire à soutenir la disponibilité, l’accessibilité et l’utilisation des aliments (figure 8.1). Ceux-ci sont interconnectés et influencés par les étapes du système alimentaire et les déterminants sociaux de la sécurité alimentaire, comme le revenu et les traditions alimentaires culturelles. Si les changements climatiques ont une incidence sur le système alimentaire ou les déterminants de la sécurité alimentaire, ils peuvent produire des effets en cascade sur la santé. L’insécurité alimentaire dans les ménages est associée à de nombreux effets néfastes sur la santé physique et mentale, y compris les carences nutritionnelles, les maladies cardiovasculaires, le diabète, les problèmes de santé buccodentaire et la dépression. En outre, la malnutrition peut rendre les gens plus sensibles à la maladie {8.4.2}.

Les changements climatiques devraient avoir une incidence sur la disponibilité alimentaire mondiale, car la hausse des températures, l’évolution des configurations des précipitations, les conditions météorologiques extrêmes, les sécheresses et l’élévation du niveau de la mer (inondation des côtes en eau salée) pourraient toutes endommager directement les cultures et diminuer les rendements {tableau 8.2}. Ces facteurs pourraient également accroître les organismes nuisibles, les espèces envahissantes et les maladies ayant une incidence sur les disponibilités alimentaires. Nous constatons déjà des répercussions sur les cultures en raison des changements climatiques, comme la perte de la récolte de fraises en Ontario en 2012 en raison de températures printanières inhabituelles {8.4.3.1}. Comme l’a démontré une tempête à St. John’s, à Terre-Neuve-et-Labrador, la sécurité alimentaire peut être compromise lorsque les gens ne peuvent pas se rendre dans les épiceries pendant de longues périodes {8.4.3.1}.

L’augmentation des niveaux de dioxyde de carbone dans l’atmosphère peut nuire au contenu nutritionnel des aliments. Des expériences ont révélé que la production de cultures telles que le blé, le riz et les légumineuses dans des environnements contrôlés avec des concentrations atmosphériques élevées de dioxyde de carbone réduit les concentrations de zinc, de fer et de protéines de 3 % à 15 % {8.4.3.3.1}. En outre, les pesticides et les herbicides sont moins efficaces à mesure que le dioxyde de carbone augmente, ce qui pourrait entraîner une plus grande utilisation et davantage de risques pour la santé de ces produits {8.5.2.1.1}.

Les changements climatiques auront également une incidence sur l’accessibilité des aliments. La recherche a montré que les perturbations du système alimentaire mondial et de la chaîne d’approvisionnement en raison des aléas naturels, et la baisse du rendement des cultures liée au climat a déjà été associée à l’augmentation des prix des aliments au Canada et pourrait les pousser à la hausse. Ces prix pourraient rendre plus difficile pour les Canadiens et les Canadiennes à faible revenu d’obtenir les aliments essentiels dont ils ont besoin pour rester en santé.

L’insécurité alimentaire peut également entraîner des changements dans la façon dont les gens utilisent les aliments. Cela est particulièrement évident dans les collectivités autochtones, où les changements climatiques ont une incidence sur la distribution, la qualité et la quantité des sources d’aliments traditionnels. En l’absence de sources stables pour les aliments traditionnels, il se peut que les peuples autochtones dépendent davantage des aliments achetés en magasin, qui peuvent contribuer à une alimentation riche en calories, en sel, en sucre et en gras saturés, et faible en grains entiers, noix, graines, légumineuses, fruits et légumes {2.4.4}. Ces régimes sont l’un des principaux facteurs de risque de décès et d’invalidité au Canada {8.4.3.3.3}.

Figure 8.1

Cadre conceptuel décrivant les relations entre la sécurité alimentaire, la salubrité des aliments et la santé dans un contexte de climat en évolution.

Schéma des relations entre la sécurité alimentaire, les systèmes alimentaires et les déterminants de la santé dans un climat changeant. La sécurité alimentaire repose sur trois piliers principaux : la disponibilité, l’accessibilité et l’utilisation des aliments. Ces trois piliers sont nécessaires pour atteindre la sécurité alimentaire et contribuent à une bonne santé. Les systèmes alimentaires comprennent des éléments constitutifs de la production, de la transformation, de la distribution et de la consommation. Ces éléments constitutifs des systèmes alimentaires sont intégrées, et le fonctionnement efficace des systèmes alimentaires sous-tend les principaux piliers de la sécurité alimentaire. Parmi les déterminants de la sécurité alimentaire figurent des facteurs politiques, économiques, environnementaux, sociaux et culturels, qui peuvent influencer la présence de la sécurité alimentaire.
Figure 8.1

Cadre conceptuel décrivant les relations entre la sécurité alimentaire, la salubrité des aliments et la santé dans un contexte de climat en évolution.

Santé mentale

Selon la Commission de la santé mentale du Canada, 7,5 millions de personnes au Canada éprouvent des problèmes de santé mentale chaque année. Bien qu’il n’y ait pas d’études canadiennes connues qui présentent les effets des changements climatiques sur la santé mentale, le fardeau actuel associé à une santé mentale précaire au Canada est susceptible d’augmenter en raison des changements climatiques. On s’attend à ce que les coûts liés à la santé mentale assumés par les Canadiens et les Canadiennes et les systèmes de santé augmentent si d’autres mesures d’adaptation ne sont pas prises.

Les changements climatiques augmentent les risques d’effets sur la santé mentale :

  • l’aggravation des maladies mentales existantes, comme la psychose;
  • l’apparition de nouveaux cas de maladies mentales, comme le trouble de stress post-traumatique;
  • les facteurs de stress liés à la santé mentale, comme le deuil, l’inquiétude, l’anxiété et les traumatismes indirects;
  • la perte du sentiment d’appartenance, qui fait référence à un détachement perçu ou réel de la collectivité, de l’environnement ou de la patrie.

Les effets peuvent également inclure des perturbations du bien-être psychosocial et de la résilience, des perturbations du sens de la vie d’une personne et un manque de cohésion communautaire. Tout cela peut entraîner de la détresse, des taux plus élevés d’hospitalisation, une augmentation des idées suicidaires ou du suicide, et une augmentation de l’abus de substances, de la violence et de l’agressivité. Des études montrent également que les gens peuvent devenir affligés par les changements climatiques en soi, ce qui entraîne une anxiété accrue (souvent appelée écoanxiété ou anxiété climatique), un chagrin (souvent appelé deuil écologique ou climatique ou écodeuil), de l’inquiétude, de la colère, du désespoir et de la peur.

Les catastrophes liées au climat ont un lien avec les résultats en matière de santé mentale. Par exemple, les inondations, la forme de catastrophe la plus fréquente à l’échelle mondiale, peuvent entraîner une augmentation des niveaux de trouble de stress post-traumatique, de détresse générale, de dépression et d’anxiété chez les survivants de ces catastrophes {4.4.3.1}. Même les personnes qui sont indirectement exposées à des aléas liés au climat peuvent connaître de mauvais résultats en matière de santé mentale, y compris un traumatisme indirect, un stress secondaire ou une usure de compassion à l’égard de ceux dont la vie a été perturbée par des événements extrêmes {4.4.3}.

L’insécurité économique, la transplantation et l’insécurité alimentaire et en eau après une catastrophe peuvent également entraîner des problèmes de santé mentale tels que le stress, l’anxiété et la dépression {chapitre 4}. La recherche montre également que la chaleur extrême peut augmenter les taux d’agressivité et de suicide, ainsi que l’isolement social des personnes qui doivent rester à l’intérieur {3.4.2.8}. De plus, la chaleur extrême peut exposer les personnes atteintes d’une maladie mentale à un risque disproportionné, car certaines maladies mentales et certains médicaments qui traitent la maladie mentale peuvent nuire à la capacité du corps à se refroidir {4.4.3.2}. De plus, les personnes souffrant d’une maladie mentale peuvent avoir plus de difficulté à s’adapter à la chaleur extrême en raison de troubles cognitifs (p. ex. elles ne cherchent pas l’ombre) ou d’obstacles socioéconomiques, qui touchent de façon disproportionnée les personnes atteintes d’une maladie mentale {4.4.3.2}.

Vulnérabilité aux effets sur la santé des changements climatiques

Tandis que de nombreux secteurs de la société canadienne travaillent ensemble pour atténuer les changements climatiques et s’y adapter, ils doivent se concentrer sur les Canadiens qui sont les plus vulnérables par rapport à ces effets. Bien que les changements climatiques puissent avoir une incidence sur la santé de tout Canadien, la sensibilité d’une personne aux changements climatiques, son exposition à ses effets et sa capacité à prendre des mesures pour se protéger et à s’adapter (figure 9.1) peuvent accroître ou diminuer la vulnérabilité et son risque d’être touché.

Les conditions et les facteurs qui influent sur la santé d’une personne, comme le revenu, le niveau de scolarité, l’emploi et les conditions de travail et de vie, sont appelés déterminants de la santé. Ces déterminants peuvent augmenter ou diminuer l’exposition ou la sensibilité d’une personne aux aléas pour la santé liés au climat et peuvent créer des obstacles qui limitent sa capacité à prendre des mesures pour se protéger. Les iniquités en santé (différences évitables et injustes en matière de santé) et les déterminants d’une mauvaise santé (comme le faible revenu, les logements insalubres, l’insécurité alimentaire) peuvent aggraver la vulnérabilité aux changements climatiques et créer des obstacles à l’adaptation. Les systèmes structurels d’oppression qui entraînent des iniquités en santé sont des facteurs sous-jacents de la vulnérabilité aux changements climatiques. Ces systèmes d’oppression comprennent le racisme, l’hétéronormativité et le colonialisme. Il est nécessaire de corriger les iniquités et de renforcer les déterminants d’une bonne santé pour accroître la capacité d’adaptation aux changements climatiques {9.4.3}.

Un risque accru peut également être lié à certains endroits, comme le Nord canadien, qui subit des changements climatiques plus rapides que les régions du Sud; les régions rurales et éloignées, où l’accès aux soins de santé peut poser des problèmes {9.4.3.3}; et les effets d’îlot de chaleur dans les villes, où les surfaces sombres et pavées et le manque d’espaces verts peuvent faire en sorte que les températures dépassent celles des zones environnantes, mettant en danger les résidents lors d’événements de chaleur extrême.

Figure 9.1

Cadre sur les liaisons entre les changements climatiques et l’équité en santé.

Schéma illustrant les liens entre le changement climatique et l’équité en santé. Du haut vers le bas, les facteurs d’inégalité comprennent les structures sociales et culturelles, les structures politiques et économiques, le racisme structurel, le colonialisme et les changements climatiques. Les moteurs agissent sur les déterminants de la santé qui contribuent à la vulnérabilité d’une personne face aux changements climatiques. L’ensemble de ces faits a une incidence sur la santé et le bien-être des collectivités et des personnes. Les mesures d’adaptation aux changements climatiques, mises en œuvre à l’intérieur ou à l’extérieur du secteur de la santé, peuvent influencer positivement ou négativement l’état des déterminants de la santé ou la vulnérabilité aux changements climatiques.

Les recherches montrent que les populations les plus touchées par de nombreux aléas liés aux changements climatiques sont les aînés, les enfants, les populations racisées, les personnes à faible revenu, les personnes ayant des problèmes de santé chroniques ainsi que les Premières Nations, les Inuits et les Métis {chapitre 2, chapitre 3, chapitre 9}. Cependant, chaque personne qui fait partie de ces grands groupes de population a un large éventail de facteurs et de caractéristiques qui se recoupent et qui peuvent augmenter ou diminuer sa résilience. Les faits montrent que les caractéristiques et les ressources de chaque personne devraient être prises en compte lors de l’examen de la vulnérabilité et de l’élaboration de mesures pour donner aux gens les moyens de s’adapter et d’aider les personnes touchées de manière disproportionnée. Si l’on ne planifie pas soigneusement et qu’on ne tient pas compte des iniquités existantes en santé, les mesures d’adaptation peuvent ne profiter qu’à une partie de la population et aggraver par inadvertance les iniquités existantes {9.5.1}.

De nombreuses collectivités autochtones, tout en subissant des effets disproportionnés des changements climatiques et des risques accrus, s’appuient sur le savoir autochtone qui leur a permis de s’adapter au climat et de survivre au cours des millénaires {2.5.1}. Grâce à des liens solides, par exemple, dans les collectivités autochtones de l’Arctique, les gens s’entraident pour faire face aux aléas et aux menaces à la santé et à la sécurité {9.4.3.4}. Dans les recherches actuelles, il manque de données sur la façon dont certains groupes sociaux, comme les personnes de diverses identités de genre et les personnes 2ELGBTQQIA+, subissent les effets des changements climatiques sur leur santé {9.2}.

Répercussions actuelles sur le système de santé

Lorsque des urgences et des catastrophes liées au climat frappent, les établissements et services de santé comptent parmi les victimes. Le rapport énumère de nombreux exemples de tempêtes, d’inondations et de feux de forêt qui ont forcé les centres de soins de santé et les hôpitaux du Canada à fermer temporairement, à évacuer des patients ou à annuler des interventions et d’autres services {tableau 10.5}. C’est précisément pendant ces catastrophes que les Canadiens et les Canadiennes ont besoin de services d’urgence, et les perturbations des soins de santé peuvent avoir des effets majeurs sur la santé et le bien-être. Même si les établissements et services de santé poursuivent leurs activités lors d’une catastrophe liée au climat, ils peuvent être poussés au-delà de leur capacité à intervenir pour prendre en charge les blessures, les maladies et les transferts de patients dus à la catastrophe {10.4.1}. Les effets combinés des changements climatiques qui se chevauchent et agissent les uns sur les autres pourraient entraîner des effets en cascade sur plusieurs résultats en matière de santé simultanément.

Figure 1.0

Répercussions de la variabilité et des changements climatiques sur les établissements de santé canadiens (chapitre 10, tableau 5).

Une carte du Canada avec des exemples de répercussions de la variabilité et des changements climatiques sur les systèmes de santé canadiens. Par exemple, la vague de chaleur qui a frappé le Québec en juillet 2010 a entraîné une augmentation de 4 % des admissions aux services d’urgence et une augmentation de 33 % du taux brut de mortalité des régions touchées.

Adaptation et préparation

Le Canada peut réduire les risques pour la santé – et donc les blessures, les maladies et les décès – découlant des changements climatiques en prenant des mesures pour s’y préparer et s’y adapter. Pour garder une longueur d’avance sur la courbe des effets croissants associés aux changements climatiques, les responsables de la santé doivent redoubler d’efforts, en collaboration avec ceux d’autres domaines, pour comprendre et évaluer ces effets sur la santé, s’y préparer et aider à les prévenir {10.3.1}.

De nombreuses mesures sont déjà prises pour protéger les Canadiens, et elles fournissent une base pour l’apprentissage et l’expansion de ces efforts. Par exemple, les systèmes d’alerte et d’intervention en cas de chaleur se multiplient au Canada. Ils permettent aux personnes qui subiront prochainement un temps chaud de prendre les précautions nécessaires, telles que s’hydrater, chercher des espaces frais et aider les membres de la famille et les amis qui pourraient en avoir besoin. Depuis qu’a eu lieu en 2010 un événement de chaleur extrême, la province de Québec s’est dotée d’un système d’alerte précoce, qui pourrait avoir aidé à atténuer les effets d’un événement de chaleur extrême qui s’est produit en 2018 {3.4.4.2}. Les tests d’un système d’alerte téléphonique pour les aînés et les personnes atteintes de maladies chroniques en cas de chaleur extrême dans la région de la Montérégie au Québec ont démontré que ce système permettait de réduire le nombre de rendez-vous médicaux {encadré 3.3}.

Afin de réduire les risques de pollution atmosphérique, Environnement et Changement climatique Canada prévoit une Cote air santé dans l’ensemble du pays (sauf au Québec, qui a son propre système). Cette cote fournit un indice de risque, des messages de santé et des conseils en matière de protection de la santé, ces deux derniers s’adressant à des groupes précis qui pourraient être exposés à un risque accru en ce qui concerne les effets sur la santé d’une mauvaise qualité de l’air {5.7.1}. De plus, le Ministère a déployé le Système de prévision de la fumée des feux de forêt pour le Canada (FireWork) pour prévoir les concentrations de matières particulaires fines dues aux feux de forêt dans l’ensemble du Canada au cours des 48 heures qui suivent {3.8.4.2; 5.7.2}.

Une autre adaptation courante est le « verdissement » des espaces dans les villes en plantant des arbres et des arbustes et en créant des parcs. Plusieurs provinces et villes du Canada ont activement adopté cette mesure pour lutter contre les effets d’îlot de chaleur. Le sol dans les espaces verts peut également absorber l’excès d’eau lors de fortes pluies et d’inondations. Cependant, le verdissement dans les espaces urbains doit être soigneusement planifié et accompagné de conseils et de messages de santé publique pour éviter d’augmenter les risques de maladies infectieuses telles que la maladie de Lyme et les effets du pollen sur les allergies.

Pour s’adapter aux maladies infectieuses qui peuvent émerger ou augmenter en lien avec les changements climatiques, il faut mettre en œuvre l’approche « Une seule santé », aussi connu sous le nom d’« Un monde, une santé » qui intègre nos connaissances sur les maladies chez les humains, le rôle des réservoirs de maladies animales et le rôle de l’environnement, y compris le climat. Cette approche intégrée est nécessaire pour concevoir et entreprendre des évaluations systématiques des endroits où les risques de maladie peuvent émerger, effectuer une surveillance des nouvelles maladies et élaborer des interventions de prévention et de contrôle (allant des alertes publiques aux programmes de vaccination) pour protéger les Canadiens contre les maladies infectieuses liées aux changements climatiques.

En général, les autorités sanitaires sont à la traîne en ce qui concerne les changements climatiques et les mesures de santé nécessaires pour faire face aux risques croissants pour les Canadiens et les Canadiennes. Par exemple, bon nombre d’entre elles n’ont pas de programme sur les changements climatiques et la santé ni de ressources réservées pour appuyer l’élaboration de mesures d’adaptation. La recherche montre également que de nombreux établissements de santé (qui sont une composante essentielle des systèmes de santé dans les efforts de réduction des effets engendrés par les changements climatiques) ne prennent pas les mesures nécessaires pour se préparer aux risques actuels et au réchauffement futur {10.4.1}.

De nombreux secteurs doivent s’unir pour faire face aux effets des changements climatiques, car les efforts d’adaptation liés à la planification de l’utilisation des terres, à l’aménagement en infrastructure, à la préparation aux situations d’urgence, à la gestion de l’environnement et à la planification des transports peuvent tous avoir une incidence sur la santé {chapitre 10}. Les plans d’adaptation aux changements climatiques, tant à l’échelle locale que dans l’ensemble du pays, peuvent réduire les résultats en matière de santé s’ils tiennent compte de la santé et qu’il est prévu d’évaluer régulièrement leur efficacité à mesure que le pays continue de se réchauffer.

Bien que l’adaptation entraîne des coûts, ceux-ci sont compensés par l’atténuation de l’escalade des coûts des soins de santé attribuables aux changements climatiques. Selon des recherches récentes menées au Québec, l’augmentation des allergies à l’herbe à poux dues aux changements climatiques s’établit à 360 millions de dollars pour les gouvernements dans cette province et à 475 millions de dollars pour l’ensemble de la société. Pour ce qui est de la chaleur extrême, l’étude a estimé une augmentation des coûts de 370 millions de dollars pour les gouvernements du Québec. De plus, l’augmentation des cas de la maladie de Lyme attribuable aux changements climatiques devrait coûter aux gouvernements du Québec de 60 à 95 millions de dollars {10.4.2}.

Rendre l’adaptation inclusive et équitable

Les recherches suggèrent que les évaluations de la vulnérabilité en matière de santé et de l’adaptation aux changements climatiques peuvent être utiles pour cibler les causes profondes de la vulnérabilité, telles que l’insécurité alimentaire, le revenu inadéquat et l’exclusion sociale {encadré 9.3}. Elles peuvent également être utilisées pour déterminer les effets non intentionnels – négatifs ou positifs – sur la santé d’une politique, d’un programme ou d’un projet prévu sur les populations marginalisées {9.4.4}.

La planification de l’adaptation devrait faire intervenir les collectivités et les personnes les plus souvent atteintes par les changements climatiques. La participation des personnes et des communautés marginalisées qui subissent déjà un fardeau disproportionné de maladies et d’iniquités en santé, comme les peuples autochtones et les populations racisées, est particulièrement importante {chapitre 9}. La planification de l’adaptation de la santé peut également comprendre l’établissement de partenariats avec les populations les plus vulnérables, notamment les femmes, les personnes handicapées, les aînés, les immigrants, les résidents à faible revenu, les personnes non-anglophones et non-francophones, les travailleurs en plein air, les personnes exposées à la pollution de l’environnement, les personnes atteintes de maladies existantes, les personnes sans accès à l’assurance, les résidents de logements sociaux, les nouveaux arrivants au Canada, les ménages monoparentaux, les étudiants, les populations de passage et sans-abri et les parents ayant de jeunes enfants {10.3.2}.

Il existe un certain nombre de cadres que connaissent bien les autorités de santé publique pour aider les décideurs à nouer le dialogue avec les communautés. Pour accroître la représentation et la participation des groupes qui ont souvent été exclus, les décideurs et les chercheurs doivent reconnaître les obstacles à la participation (comme le fardeau financier, les exigences en matière de déplacements, la langue, la garde d’enfants, etc.), en tenir compte et les éliminer. Dans ce processus, il est essentiel d’investir du temps et des ressources dans l’établissement de relations et de cultiver la confiance {9.5.3}.

Les adaptations touchant les collectivités autochtones devraient être dirigées par les Autochtones. Il existe de nombreux exemples de projets d’adaptation qui ont amélioré la santé et qui ont été dirigés par la collectivité : un projet visant à créer des logements adaptés au climat, sains et qui respectent la culture à Nain, au Nunatsiavut, à Terre-Neuve-et-Labrador {9.5.2}; et un projet visant à cartographier les risques d’inondation et leurs effets dans la collectivité crie de Kashechewan, dans le nord de l’Ontario {2.4.1; encadré 2.2}.

L’adaptation à des collectivités et à des endroits précis des mesures visant à protéger la santé est l’un des moyens d’éviter les « maladaptation », c’est-à-dire de causer par inadvertance d’autres risques pour la santé lors de la mise en œuvre de mesures d’adaptation. Par exemple, si, dans le contexte du virage écologique, on plante des arbres producteurs de pollen, on risque de causer des problèmes de santé aux personnes allergiques {10.3.3; tableau 2}. Prenons aussi l’exemple de la création d’un espace urbain vert, qui peut avoir des effets contraires à ceux attendus si elle conduit à la gentrification et a pour résultat le déplacement des personnes à faible revenu pour qui le parc avait été conçu. L’adaptation doit être soigneusement planifiée pour éviter de tels faux pas {10.3.3; tableau 10.2}.

Adaptation du système de santé

Le système de santé doit être inclus dans l’adaptation. L’adaptation peut aider le système de santé à se préparer aux effets liés au climat sur la santé et à le protéger des effets futurs sur l’infrastructure, le personnel et les services. Le cadre d’adaptation des systèmes de santé {10.3.2} comprend, entre autres domaines d’intérêt, l’analyse de la résilience des établissements de santé, une première étape pour s’assurer que les services de santé restent fonctionnels. Pour appuyer une telle analyse, la Coalition canadienne pour un système de santé écologique, en partenariat avec Santé Canada, a dressé une liste de contrôle pour vérifier la résilience aux changements climatiques dans les établissements de soins de santé, laquelle peut permettre de déceler les lacunes dans la résilience. Un plus grand nombre d’établissements doivent évaluer leur état de préparation aux effets des changements climatiques. Dans un récent sondage, seulement 9 % des répondants du personnel des établissements de soins de santé ont déclaré avoir effectué des évaluations de la résilience, tandis que seulement 4 % ont procédé à des évaluations de vulnérabilité {10.4.1}.

Les mesures d’adaptation prises pour les établissements de soins de santé peuvent comprendre une gamme de mesures dans des domaines tels que la formation de la main-d’œuvre, l’approvisionnement en aliments et en fournitures médicales, la préparation aux situations d’urgence et les changements ou rénovations de conception et d’ingénierie pour faire face à la chaleur, aux inondations et aux pannes d’électricité. À titre d’exemple, l’hôpital général régional de Nanaimo, en Colombie-Britannique, a achevé des rénovations en 2012 visant à réduire les risques en cas d’urgence météorologique extrême et à réduire les coûts énergétiques {encadré 10.6}.

Avantages accessoires de l’atténuation des changements climatiques et de l’adaptation à la santé

Les mesures prises dans de nombreux secteurs pour atténuer les changements climatiques (en réduisant les GES ou en séquestrant le carbone) ou pour s’y adapter peuvent également avoir de très grands avantages pour la santé – immédiatement ou à long terme. Ces « avantages accessoires » obtenues en atténuant les changements climatiques et en s’y adaptant ajoutent à la valeur des mesures prises et peuvent éviter de piètres résultats en matière de santé et des coûts économiques pour les systèmes de santé et la société {10.6}. Les économies découlant de telles mesures peuvent également aider à compenser les coûts pour la société de la réduction des GES.

À titre d’exemple, la réduction de l’utilisation de combustibles fossiles peut améliorer la qualité de l’air grâce à la réduction des matières particulaires fines, y compris la suie et l’ozone troposphérique. Une meilleure qualité de l’air permet de retirer de multiples avantages accessoires, notamment la réduction des maladies cardiovasculaires et respiratoires ainsi que des décès. Le virage écologique des collectivités pour les refroidir peut également avoir de multiples répercussions sur la santé, comme la réduction des maladies chroniques et l’amélioration de la santé mentale. Des mesures visant à rendre la vie dans les collectivités plus agréable, comme l’installation de sentiers pédestres et cyclables, peuvent améliorer les niveaux d’exercice et la santé mentale des résidents. De telles mesures peuvent également avoir des effets positifs en réduisant l’isolement social et la criminalité {10.6}. L’analyse effectuée dans le cadre de la présente évaluation a estimé que des réductions des émissions canadiennes de GES et de polluants atmosphériques conformes à un profil représentatif d’évolution de concentration RCP 6.0 pourraient permettre d’éviter 5 200 décès pour un seul été en 2050.

Plusieurs projets fructueux d’atténuation des GES et d’adaptation aux changements climatiques au Canada ont eu d’importantes avantages accessoires. Pour n’en mentionner qu’un, le Réseau universitaire de santé (RUS) de Toronto, en Ontario, a réduit de 19 % l’utilisation du gaz naturel sur place et la consommation d’électricité, de chaleur ou de vapeur achetées de 2010 à 2019. Un nombre de 214 projets de valorisation des ressources énergétiques achevés entre 2013 et 2018 a donné lieu à une grande partie de cette réduction, ce qui a permis au RUS d’économiser 18,9 millions de dollars en coûts des services publics. En ce qui concerne le refroidissement, le RUS a également remplacé les refroidisseurs traditionnels par un système de refroidissement en eaux froides profondes dans certaines de ses installations; cette technologie utilise de l’eau refroidie par le lac Ontario, améliorant la capacité, la résilience et la fiabilité du système d’eau réfrigérée du RUS, et permet d’économiser plus de 22 millions de dollars sur 20 ans. De tels projets améliorent la qualité de l’air en éliminant les sources d’utilisation de combustibles fossiles et la disponibilité de l’eau, en renonçant à l’utilisation de l’eau dans le refroidissement (dans ce cas, 67 millions de litres par an) {encadré 10.8}.

Intensifier les efforts pour protéger les Canadiens et les Canadiennes

Il est possible de protéger la santé des Canadiens et les Canadiennes contre les changements climatiques. Le Canada a une occasion historique d’éviter bon nombre de leurs effets sur la santé. Les décideurs du secteur de la santé reconnaissent la nécessité de prendre des mesures d’adaptation pour se préparer aux effets des changements climatiques sur la santé. Les niveaux d’iniquité, de cohésion sociale et d’innovation technologique influeront sur la mesure dans laquelle la santé des Canadiens et des Canadiennes et de leurs collectivités sont touchés par les changements climatiques et devraient être pris en compte dans tous les plans et processus d’adaptation. La résilience des systèmes de santé ainsi que la volonté et la capacité des décideurs à prendre les mesures d’adaptation nécessaires, en étroite collaboration avec d’autres secteurs, détermineront la façon dont le système de santé réagit aux changements climatiques et aideront les Canadiens et des Canadiennes qui en subissent les effets. Pour réduire les risques pour la santé des Premières Nations, des Inuits et des Métis, il faut respecter les droits et les responsabilités à l’égard de leurs terres, de leurs ressources naturelles et de leurs modes de vie, et faire progresser ces droits grâce à des activités d’adaptation aux changements climatiques, de politiques et de recherches fondées sur les distinctions, dirigées par les Autochtones {chapitre 2}.

Un certain nombre d’autorités sanitaires, de l’échelle locale à l’échelle nationale, au Canada, prennent des mesures d’adaptation pour réduire les risques pour la santé. Ces expériences peuvent être transmises dans le but de déployer plus d’efforts pour protéger la santé. Ces efforts doivent être intensifiés rapidement et axés sur la santé et les systèmes de santé afin de tirer parti de cette occasion pour prévenir les effets des changements climatiques sur la santé et s’y préparer.

La santé des Canadiens et des Canadiennes et de leurs collectivités ne peut être protégée si le réchauffement se poursuit sans relâche. Des efforts accrus pour réduire les GES peuvent favoriser de très grands avantages accessoires pour la santé, en renforçant la résilience des personnes et des systèmes de santé et en contrant les effets du réchauffement climatique. Le secteur de la santé a l’occasion de faire preuve de leadership en réduisant son empreinte carbone et en se préparant aux changements climatiques. La santé future des Canadiens et des Canadiennes dépendra de ces efforts de la part de nos décideurs.

Prochain

Liens entre les changements climatiques et la santé