Une nouvelle méthode pour évaluer les risques climatiques des bâtiments faisant partie d’un grand parc immobilier

La Société québécoise des infrastructures (SQI) a démarré, en avril 2019, le Projet VACCIn afin d’évaluer et mieux adapter les bâtiments publics de la province aux impacts des changements climatiques.

La SQI a pour mission principale de développer, maintenir et gérer le parc immobilier du gouvernement provincial, au bénéfice de ministères et d’organismes publics. L’organisation reconnaît que les changements climatiques ont un impact grandissant sur son parc. Les vagues de chaleur, les inondations, les cycles de gel-dégel hivernaux, les tempêtes de neige et de verglas ont des répercussions importantes sur les bâtiments, leurs propriétaires et leurs occupants. Ces phénomènes météorologiques peuvent provoquer des pertes et des dommages matériels, des pannes, un vieillissement prématuré de certaines composantes, un ralentissement, voire un arrêt des opérations ou compromettre la santé et la sécurité des occupants. Considérant les risques d’augmentation de la fréquence et de l’intensité de ces phénomènes en raison des changements climatiques, le Projet Vulnérabilité des bâtiments aux Changements Climatiques (VACCIn) a été développé afin de fournir une méthode d’évaluation de la vulnérabilité aux changements climatiques des immeubles dont la SQI est propriétaire. Ultimement, cette méthode d’évaluation devrait participer au développement de stratégies d’adaptation des bâtiments publics aux changements climatiques, finement ajustées en fonction des bâtiments individuels et leur contexte. *Cette étude de cas est principalement extraite du rapport de projet listé dans la section « Ressources »

Comprendre et évaluer les impacts

Le projet VACCIn a été financé par Ouranos et l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) via le Plan d’action 2013-2020 sur les changements climatiques du gouvernement du Québec. L’objectif principal du Projet VACCIn consiste à développer une méthode d’évaluation de la vulnérabilité aux changements climatiques des immeubles dont la SQI est propriétaire. Ces immeubles, au nombre de 350, ont été construits à différentes époques (1810-2019). Ils occupent des fonctions variées, dont plusieurs sont en lien avec le maintien de la santé et de la sécurité publique. En outre, ces immeubles sont répartis sur l’ensemble de la province, ce qui les expose à des conditions climatiques variées.

Le Projet VACCIn poursuit également les objectifs suivants :

  • Développer une méthodologie reproductible d’évaluation de la vulnérabilité du parc immobilier et de ses occupants
  • Prioriser les immeubles à évaluer selon leur mission
  • Appliquer cette méthodologie aux immeubles considérés comme prioritaires afin de valider la méthodologie
  • Mettre à la disposition d’autres propriétaires une boite à outils qui leur permettra de reproduire cette démarche
  • Élaborer une stratégie de diffusion portant sur la démarche et les outils produits.

Le projet VACCIn s’appuie sur trois concepts clés de l’adaptation : le risque, la vulnérabilité et la résilience aux changements climatiques. Ceux-ci ont été transposés spécifiquement à la réalité des infrastructures et de la gestion de bâtiments. Les travaux ont été réalisés en collaboration avec Ouranos et l’INSPQ. Le projet s’est donc appuyé sur les modélisations climatiques disponibles sur les plateformes d’Ouranos et donnéesclimatiques.ca, en utilisant les indices climatiques appropriés pour le secteur immobilier. Les porteurs de projet ont cependant dû tenir compte de la variabilité de l’incertitude entre différents indices ; avec les cycles de gel-dégel, la chaleur et les canicules ayant des modélisations plus adéquates relativement à l’utilisation souhaitée. Par ailleurs, dans le cas des vents violents, des tornades ou des tempêtes de verglas, les indices climatiques sont soit inexistants, soit approximatifs. L’évolution de ces phénomènes dans le futur apparait dans certains documents de référence comme celui de la synthèse des connaissances produit par Ouranos en 2015. Certains phénomènes importants pour la gestion des bâtiments demandent aussi des études spécifiques en raison de la variété de facteurs à leur source ; par exemple les inondations riveraines.

Déterminer les actions

La première étape du projet a été de faire une revue de littérature et analyser neuf méthodes existantes d’évaluation du risque, de la vulnérabilité et de la résilience aux changements climatiques. L’objectif principal de cette revue est de mettre en exergue différentes approches avec leurs avantages et leurs inconvénients, pour cibler les caractéristiques pertinentes pour la SQI.

Les méthodes d’évaluation comprennent quatre guides, deux outils-diagnostics et trois référentiels provenant d’Europe, des États-Unis, du Canada et de l’Australie. Les neuf méthodes analysées ont été développées pour être utilisées à différentes échelles spatiales, allant d’une région à un bâtiment. Elles se destinent aussi à différents publics : des organismes publics, des concepteurs et enfin des propriétaires et des gestionnaires immobiliers. La plupart de ces méthodes sont en libre accès à l’exception du Protocole d’ingénierie du Comité sur la vulnérabilité de l’ingénierie des infrastructures publiques (CVIIP) et de la certification Leadership in Energy and Environmental Design (LEED).

Chaque méthode a été examinée de manière à faire ressortir :

  1. l’objectif
  2. le cadre conceptuel
  3. les principales étapes de sa démarche
  4. les outils et les données requises ainsi que
  5. le type de résultats produits

Pour éviter les redondances, les résultats ont été présentés en fonction du type de méthode : les guides, les outils-diagnostics et les référentiels. Certaines méthodes ont aussi vu leur terminologie adaptée en fonction de leur cadre conceptuel. C’est le cas des méthodes qui s’inscrivent dans le cadre d’une évaluation de la vulnérabilité telle que le définit l’AR4 du Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (GIEC), afin de répondre au contexte de l’évaluation du risque climatique préconisée dans l’AR5.

Mise en oeuvre

Après la revue de littérature, l’équipe de projet a travaillé à développer une méthode qui s’inspire des meilleures pratiques recensées et qui apparaissent les plus susceptibles de répondre aux besoins de la SQI. La première de ces conditions est l’envergure et la diversité du parc immobilier. La méthode devait être suffisamment exhaustive pour brosser un portrait réaliste des risques encourus par chaque bâtiment, mais demeurer assez générale afin de pouvoir en évaluer plusieurs à l’intérieur d’un laps de temps raisonnable. La deuxième condition est le besoin de produire des résultats qui s’inscrivent dans les opérations courantes. La méthode se concentre donc sur la production d’un indice de risques climatiques complémentaire à l’indice d’état qui est actuellement utilisé pour prioriser les projets de maintien d’actifs. La troisième condition est la transférabilité. La SQI s’est effectivement engagée à partager sa méthode avec tous les acteurs de l’immobilier qui souhaiteraient entreprendre une démarche comparable. Cependant, les bases de données de la SQI contiennent une masse considérable d’informations sur chacun de ses immeubles, ce qui n’est pas le cas de toutes les organisations. La méthode devait donc s’appuyer sur des données faciles à documenter.

La démarche élaborée repose sur le calcul d’indices de danger, d’exposition et de vulnérabilité qui conduisent au calcul d’indices de risques comme le propose le « Guide complémentaire sur la vulnérabilité : le concept de risque » (GIZ and EURAC, 2017). Cette approche a été privilégiée pour plusieurs raisons, dont sa rigueur, son adaptabilité, sa présentation des résultats en fonction des trois composantes du risque, ainsi que le format numérique des indices s’inscrivant facilement dans les bases de données existantes et des échelles alphanumériques ou graphiques facilement communicables. Enfin, les indices peuvent être suivis dans le temps ce qui facilite l’évaluation de l’efficacité des actions d’adaptation. La méthode comprend quatre étapes préalables à l’évaluation des risques. Il s’agit de :

  1. l’identification des dangers climatiques potentiels
  2. la reconnaissance des indices climatiques évaluant ces dangers
  3. la création d’une base de données géospatiale et
  4. la sélection de critères pour prioriser les immeubles à évaluer

La base de données géospatiale permet de situer chaque immeuble dans son contexte et centraliser les données requises. Elle permet aussi d’intégrer des couches de données produites par d’autres organismes pour évaluer l’exposition des bâtiments à certains dangers d’origine climatique comme les inondations. Enfin, le logiciel de géomatique utilisé pour sa gestion offre aussi la possibilité de faire des requêtes basées sur des attributs descriptifs.

La dernière étape consistait à sélectionner des critères pour prioriser les bâtiments à évaluer. Quatre critères ont été retenus à cet effet :

  1. rôle stratégique du bâtiment dans le maintien de la santé ou sécurité publique
  2. la valeur patrimoniale
  3. l’existence de plaintes relatives au confort du bâtiment au cours de l’année précédente
  4. un indice d’état de D ou E.

Ces critères ont ainsi permis de cibler 12 immeubles répartis aux quatre coins du Québec.

 

Résultats et suivi des progrès

Le développement de la méthode d’évaluation des risques climatiques a conduit à la création d’un nouvel outil basé sur un tableur numérique. Cette solution a été retenue parce qu’elle est simple, accessible dans la plupart des organisations et qu’elle peut être facilement adaptée en fonction des données disponibles. Le tableur comprend dix onglets. Le premier intitulé « fiche bâtiment » rassemble des informations sur le bâtiment et son site qui seront utilisées à divers moments de l’évaluation. Les cellules contiennent également des indications pour accompagner l’utilisateur dans la collecte de données : par exemple la base de données descriptives de la SQI, des coupes et élévations du bâtiment ou des photographies satellites. Les sept onglets suivants permettent de calculer les indices de risques associés aux principaux dangers d’origine climatique identifiés précédemment. La première section résume les risques pour le bâtiment et ses occupants. Les trois sections suivantes permettent de calculer les indices de danger, d’exposition et de vulnérabilité.

La détermination de l’indice de danger consiste à établir une correspondance entre la valeur d’un indice climatique préalablement identifié (par exemple le nombre d’événements de gel-dégel annuel à l’horizon 2041-2070) et la valeur de l’indice de danger normalisé. Le calcul de l’indice d’exposition comprend entre deux et quatre questions à choix de réponse selon les dangers évalués. Ces questions cherchent à identifier les caractéristiques du site qui ont le potentiel d’amplifier les effets néfastes du danger sur le bâtiment comme la topographie ou la présence d’ilot de chaleur urbain. L’indice d’exposition résultant correspond à la moyenne des valeurs attribuées à chacune des questions.

Le calcul de l’indice de vulnérabilité suit le même principe. Cette section comprend entre 13 et 30 questions à choix de réponse selon les dangers. Ces dernières se concentrent sur les caractéristiques architecturales et techniques qui prédisposent ou non le bâtiment à subir des dommages. Les questions sont organisées d’après la classification UNIFORMAT II.

Bien que la méthode n’ait été testée que sur l’un des bâtiments prioritaires, celle-ci apparait néanmoins prometteuse. Ces résultats seront confirmés par le nombre croissant d’évaluations des risques climatiques. Un exercice de simulation réalisé avec la participation de trois professionnels responsables de l’exploitation du bâtiment a permis de valider son utilité et accessibilité pour les futurs utilisateurs. Les participants étaient d’avis que l’intégration de l’indice de risque climatique global en complément de l’indice d’état est pertinente dans le processus de maintien des actifs. Toutefois, des questions subsistent sur la manière de consigner les résultats et d’assurer leur accessibilité à l’échelle corporative.

Prochaine(s) étape(s)

La SQI et les équipes associées au projet ont activement participé à la diffusion de l’outil avec comme premier résultat son utilisation par la Ville de Montréal, qui lui permettra d’effectuer l’évaluation de la vulnérabilité de ses bâtiments municipaux face aux principaux aléas climatiques.

Ressources

Lien vers l’étude de cas complète

Ressources supplémentaires :

  • Sources de données climatiques pour utiliser l’Outil:
  • Accès à l’outil : Contacter Catherine Dubois à la SQI — cdubois@sqi.gouv.qc.ca