Retrait planifié à Pointe-Gatineau

Pointe-Gatineau, au Québec, existe sous une forme ou une autre depuis plus de 200 ans. Située à la confluence de la rivière Gatineau et de la rivière des Outaouais, la communauté a une longue histoire d’inondations. Après une période d’accalmie d’environ 40 ans, deux inondations sans précédent sont survenues en avril 2017 et en mai 2019, inondant la communauté et déclenchant un retrait planifié au moyen de deux vagues successives de rachats de maisons, qui se poursuivent encore aujourd’hui. À la suite des inondations de 2017, les lois provinciales ont interdit les travaux de reconstruction de maisons dans la plaine inondable à récurrence de 20 ans (1:20). Dans les semaines qui ont suivi, le gouvernement du Québec a rendu possible le retrait planifié grâce à un programme spécial lié à l’inondation de 2017 découlant de son programme normal d’aide financière aux victimes de sinistres.

Le retrait planifié fait partie d’une plus vaste stratégie d’adaptation aux changements climatiques en cinq étapes :

  • Comprendre les impacts climatiques.
  • Évaluer les risques et les vulnérabilités.
  • Cerner et sélectionner les options d’adaptation (cadre de travail PARE), notamment :
    • la protection : réduire la probabilité d’exposition aux risques et aux impacts associés aux changements climatiques (comme des inondations);
    • l’adaptation : réduire la vulnérabilité (ou améliorer la résilience) de la population ou des infrastructures;
    • le retrait : déplacer les populations ou les infrastructures vulnérables vers des endroits à plus faibles risques;
    • l’évitement : utiliser les plans communautaires et les règlements de zonage pour la construction future de résidences, d’entreprises et d’infrastructures essentielles de préférence (ou seulement) dans des endroits à plus faibles risques.
  • Mettre en œuvre des mesures.
  • Surveiller et s’adapter.

Le retrait planifié vise à fonctionner à l’unisson avec un éventail de mesures qui appuient l’adaptation et la résilience au sein des communautés. Puisque les impacts des changements climatiques sont très particuliers à chaque endroit, le retrait planifié pourrait faire partie d’une plus vaste stratégie utilisée pour s’adapter aux inondations côtières et terrestres, aux feux de forêt, aux couvertures de neige et de glace, à la dégradation du pergélisol, à la disponibilité de l’eau douce et à d’autres situations.

Le retrait planifié dans la communauté de Pointe-Gatineau se résume comme suit : une solution mise en œuvre de manière réactive face à des inondations catastrophiques à répétition, financée grâce à une combinaison de programmes de financement municipaux, provinciaux et fédéraux.

Comprendre et évaluer les impacts

Des zones de la communauté de Pointe-Gatineau sont établies dans ce que l’on considère être une plaine inondable à récurrence de 20 ans (1:20). Vers la fin des années 1800 et au début des années 1900, la communauté était régulièrement (certains suggèrent « annuellement ») touchée par des inondations, dont la plus grave (en 1876) qui a emporté 30 maisons et entraîné l’abandon de 200 maisons. Même si la construction d’écluses en amont (1911) et de barrages hydroélectriques (1920 et 1964) a permis de réduire la fréquence des inondations, la communauté a continué d’être touchée par de graves inondations, y compris en 1926, en 1947, en 1951, en 1974 et en 1976.

Neuf stations de surveillance ont été installées le long de la rivière des Outaouais et de la rivière Gatineau pour surveiller les niveaux d’eau. La station de surveillance la plus près de Pointe-Gatineau est celle de la rivière Gatineau – Quai des Artistes, rue Jacques-Cartier, dans le secteur de Gatineau, à la confluence de la rivière des Outaouais et de la rivière Gatineau.

Les inondations de 2017 et de 2019 ont eu un impact majeur sur la communauté de Pointe-Gatineau. Environ 1 800 maisons ont été touchées dans la municipalité élargie de Gatineau durant les inondations de 2017, dont le quartier de Pointe-Gatineau, qui a été durement touché. De plus, les inondations au printemps de 2019 ont dépassé les records établis en 2017.
Le retrait planifié dans la communauté de Pointe-Gatineau se résume comme suit : une solution mise en œuvre de manière réactive face à des inondations catastrophiques à répétition, financée grâce à une combinaison de programmes de financement municipaux, provinciaux et fédéraux.

Déterminer les actions

À la suite des inondations de 2017, les lois provinciales ont interdit les travaux de reconstruction de maisons dans la plaine inondable 1:20. Le gouvernement du Québec a rendu possible le retrait planifié grâce à un programme spécial lié à l’inondation de 2017 découlant de son programme normal d’aide financière aux victimes de sinistres. Le programme spécial offrait jusqu’à 200 000 $ pour financer le rachat de chaque maison auprès des résidents dont les maisons avaient subi des dommages importants, avec 50 000 $ de plus pour le lot-terrain (Canadian Underwriter, 2017). Au cours des quatre semaines suivant les inondations, la Ville de Gatineau s’est mobilisée pour venir en aide aux propriétaires en renonçant aux frais administratifs et en accélérant le processus de demande pour les permis de démolition et de construction.

À la mi-avril 2019, au moment où les inondations records du printemps ont de nouveau commencé à inonder Pointe-Gatineau, la province a annoncé un nouveau programme de secours aux sinistrés facilitant expressément le retrait planifié. Pour ce faire, le programme a établi « des plafonds absolus sur les montants d’indemnisation offerts aux propriétaires dans les zones inondables, avec comme objectif de les encourager à déménager » [traduction libre]. Le programme de 2019 pour venir en aide aux victimes d’inondation précisait ce qui suit : lorsque les dommages sur une maison causés par une inondation dépassaient 50 % de la valeur de la maison ou 100 000 $, les propriétaires pouvaient obtenir 100 000 $ pour la reconstruction ou 200 000 $ plus 50 000 $ pour déménager dans une autre propriété. Si les propriétaires se trouvaient en dehors de la plaine inondable à récurrence de 20 ans (1:20) et décidaient de reconstruire, l’indemnité de 100 000 $ constituait une limite à vie sur les indemnités accordées en raison des inondations (c’est-à-dire que la limite s’appliquait au titre de la propriété à perpétuité et que tous les dommages ultérieurs attribuables à des inondations pouvaient seulement faire l’objet d’une indemnité si la maison n’avait pas encore atteint la limite de 100 000 $).

Mise en oeuvre

Le retrait planifié à Pointe-Gatineau s’est déroulé lentement et avec peu de conseils et de soutien pour les résidents qui souhaitaient déménager. La première série de demandes de rachat de 2017 s’est terminée plusieurs mois après les inondations du printemps, mais de nombreux résidents ont signalé que leur demande n’avait toujours pas été traitée à l’hiver 2018, dont certains ont également signalé des retards se prolongeant jusqu’en 2019. Les délais étaient aussi un facteur attribuable simplement à l’ampleur des inondations catastrophiques, car il a fallu attendre de nombreux mois avant que les inspecteurs du ministère de la Sécurité publique du Québec examinent toutes les propriétés inondées et produisent la documentation nécessaire sur l’évaluation des dommages pour mettre en œuvre les demandes de rachat.

À l’exception de plusieurs programmes d’aide municipaux (renoncement aux frais, accélération des projets de démolition), il y a peu de données probantes qui suggèrent que les propriétaires victimes d’inondations avaient accès à une aide ou à un soutien considérable continu tout au long du processus de retrait planifié. Aucune aide n’était offerte aux résidents dans le contexte du processus de relocalisation, notamment quant au nouvel endroit où déménager et aux quartiers qui étaient considérés comme étant sécuritaires. Les délais prolongés dans le cadre du programme ont généralement été attribués à une combinaison de processus de demandes compliqués et bureaucratiques, à un manque de conseils ou de soutien sur le terrain pour les personnes qui présentent une demande et, dans certains cas, aux longs délais de traitement après la soumission des demandes.

Au milieu de 2018, la Ville de Gatineau a organisé une série d’activités de mobilisation communautaire et de vision d’avenir axées sur le redéveloppement de la communauté après le retrait pour ce qu’on pourrait appeler les « terres vacantes », ce qui signifie les lots vides et les paysages désurbanisés laissés derrière à cause du retrait planifié. Les programmes de sensibilisation communautaires comprenaient des promenades dans la communauté pour réimaginer le caractère habitable après les inondations et le retrait. De plus, les ateliers qui ont été organisés depuis ont montré comment d’autres communautés (p. ex., dans le cas de l’ouragan Katrina en Nouvelle-Orléans ou de l’ouragan Sandy touchant les zones côtières de New York et du New Jersey) ont réagi au retrait planifié.

Résultats et suivi des progrès

En date de novembre 2019, plus de 185 propriétaires de maisons et d’immeubles en copropriété à Pointe-Gatineau et dans la municipalité élargie de Gatineau ont accepté des indemnités de rachat, et les lots vides parsèment actuellement les zones à basse altitude dans la communauté dans une forme qu’on appelle souvent le « modèle fromage suisse » du retrait. Même si les maisons unifamiliales détachées ont été les principales propriétés visées par le retrait planifié à Pointe-Gatineau, les inondations records du printemps 2019 ont causé des dommages structuraux à un immeuble en copropriété de 16 logements qui a subséquemment été acheté et démoli, forçant le déménagement de tous les résidents.

Le coût final du retrait planifié et des programmes d’indemnisation pour les rachats à Pointe-Gatineau n’a pas encore été calculé, car les rachats se poursuivent. Toutefois, en utilisant l’indemnité maximale de 250 000 $ par propriété, multipliée par 185 propriétés qui ont déjà été rachetées, un chiffre de l’ordre de 30 à 50 millions de dollars ne serait pas étonnant. Le gouvernement du Québec a fait des démarches auprès du gouvernement fédéral par l’entremise de son programme Accords d’aide financière en cas de catastrophe (AAFCC) afin qu’il contribue à compenser les coûts associés aux efforts continus de retrait de la communauté (CP24, 2019).

Prochaine(s) étape(s)

Ressources

Lien vers l’étude de cas complète (en anglais seulement)