Outil de priorisation des bassins versants pour la gestion des risques d’inondation

Suite aux inondations de 2017, le gouvernement du Québec a mené une réflexion sur la gestion des risques d’inondations et planifié une nouvelle cartographie des zones à risque.

Le ministère de l’Environnement et de la lutte aux changements climatiques (MELCC) a dans ce contexte mis en place le projet INFO-Crue, qui vise à cartographier les risques d’inondation pour le sud du Québec sur une plateforme facilement accessible pour les décideurs publics. Devant l’ampleur de la tâche de cartographie, une priorisation des bassins versants à cartographier était nécessaire. De plus, il était nécessaire que celle-ci soit fondée sur des bases scientifiques et soit coordonnée avec les orientations gouvernementales en gestion des risques d’inondation. C’est ainsi que l’Université du Québec à Rimouski (UQAR) a été mandatée pour développer un outil d’aide à la décision pour la planification. L’équipe de projet s’est donc inspirée de la méthode multicritère Analytic Hierarchy Process (AHP) et a développé un arbre de décomposition hiérarchique des critères en collaboration avec une équipe interdisciplinaire représentant divers ministères et organisations impliqués dans la gestion des risques d’inondation. En plus de la production d’un outil Web d’aide à la décision, ce projet a permis d’établir un portrait sommaire des caractéristiques et des risques sur l’ensemble des bassins versants du sud du Québec dans un contexte de changements climatiques.

Comprendre et évaluer les impacts

Au lancement du projet, un comité thématique a été mis en place afin de structurer le projet et s’assurer qu’il s’inscrive dans les orientations gouvernementales en matière d’inondations. Ces orientations comprenaient entre autres la protection des personnes, la réduction des dommages aux biens matériels ainsi que la protection des fonctions écosystémiques naturelles.

La première étape de la démarche a été de relever la littérature scientifique et les connaissances d’experts afin de construire et de pondérer les critères de priorisation avec l’équipe de projet. Une structure hiérarchique comportant quatre dimensions fondamentales et une gamme de sous-dimensions et de critères a été choisie. Ces dimensions fondamentales sont les éléments du risque établis dans la littérature :

  1. l’aléa
  2. la vulnérabilité
  3. les conséquences historiques et
  4. la résilience.

En s’appuyant sur les données historiques, la dimension « Aléa » permet de valider l’occurrence de l’inondation pour chaque bassin versant. La notion de vulnérabilité est souvent associée à la sensibilité et la disposition du territoire naturel et humanisé à subir des dommages. La dimension « Conséquences historiques » quantifie les impacts réels des inondations passées. Finalement, les mesures d’atténuation des risques et des capacités des communautés à faire face à l’aléa représentent la dimension « Résilience ».

Par ailleurs, la démarche exigeait de définir le concept d’inondation qui serait utilisé, puisque celui-ci implique non seulement le phénomène naturel d’une crue, mais aussi parfois son impact sur les milieux humanisés. Selon le ministère de la Sécurité publique (MSP), le risque inondation est défini par la probabilité qu’un phénomène ou un aléa d’origine naturelle ou anthropique survienne dans une zone où des enjeux matériels et humains sont présents. Le risque inondation est donc le produit de l’aléa naturel lui-même (la crue), l’inondation, mais aussi de la sensibilité des enjeux qui peuvent être touchés par ce risque

Déterminer les actions

À travers plusieurs rencontres de travail, l’équipe de projet a débuté par une décomposition hiérarchique des objectifs basée sur les orientations gouvernementales. Une approche de décomposition top-down inspirée de la méthode AHP a été choisie. Des rencontres ont eu lieu avec le comité thématique pour pondérer les critères en utilisant cette approche qui se distingue par sa capacité à structurer un problème complexe et multicritère de façon hiérarchique. Ce modèle inclut de façon exhaustive les objectifs déduits des orientations gouvernementales et les décline en sous-dimensions qui contribuent à expliquer chaque objectif. Une liste de critères est alors déduite pour chaque sous-dimension. Les pondérations ont été par la suite calculées, revues en fonction des indices de cohérence et validées par l’équipe thématique.

En même temps que ce processus de hiérarchisation, pour chaque critère proposé, l’équipe de projet devait aussi se pencher sur une liste exhaustive d’indicateurs en indiquant la disponibilité des données pour chacun d’eux. À partir de cette liste exhaustive, une liste simplifiée d’indicateurs composée seulement de ceux dont les données seraient disponibles a été retenue. La disponibilité des données a été évaluée en fonction de l’objet du projet et des futurs utilisateurs de l’outil final ; par exemple, les données doivent être disponibles à l’échelle des bassins versants et être aisément accessibles aux organismes publics locaux.

Mise en oeuvre

Suite au développement conceptuel de la méthode, un outil informatique de priorisation des bassins versants a été développé. Cet outil est constitué d’un ensemble de fonctionnalités intégrées et qui couvrent le processus complet de priorisation en combinant les méthodes AHP et TOPSIS (Technique for Order Preference by Similarity to Ideal Solution). Il comporte une base de connaissances constituée de la hiérarchie des composantes d’analyse de risques et des comparaisons par paires résultants de l’exercice de concertation. L’outil développé est flexible puisqu’il offre la possibilité de choisir dans un exercice d’analyse seulement certains éléments de la hiérarchie des composantes. Afin de vérifier le bon fonctionnement de l’outil développé, des tests ont été effectués tout au long du processus de développement. Le niveau de granularité de l’outil de sélection est élevé. En effet, il permet non seulement de sélectionner les dimensions et les sous-dimensions, mais aussi les critères et les indicateurs.

Afin d’offrir le maximum de flexibilité quant à l’utilisation et au déploiement de l’outil, celui-ci a été développé sous la forme d’une application Web, basée sur des langages de développement sous licences libres (code/ouvert) qui assurent leur pérennité.

Résultats et suivi des progrès

Le résultat final de ce projet est la création d’un outil de priorisation des bassins versants. Cet outil est constitué d’un ensemble de fonctionnalités intégrées et qui couvrent le processus complet de priorisation en combinant les méthodes AHP et TOPSIS. Il comporte une base de connaissances constituée de la hiérarchie des composantes d’analyse de risques et des comparaisons par paires résultants de l’exercice de concertation. Depuis son lancement auprès de futurs utilisateurs à l’été 2019, cet outil a contribué à la priorisation des bassins versants à cartographier dans l’optique d’assurer la sécurité de la population face aux inondations et appuyer l’adaptation aux changements climatiques par le développement d’une méthodologie reproductible qui permet l’acquisition de connaissances pour une meilleure prise de décision face aux enjeux climatiques.

L’équipe de projet considère que l’apprentissage automatique et l’apprentissage profond en particulier permettraient de mieux valoriser les données collectées, dans le contexte d’un perfectionnement éventuel de l’outil. Ces méthodes permettraient de faire face au grand volume de données et à la nature peu conventionnelle de ces données qui n’a pas été envisagée dans les modèles hydrauliques classiques, et qui nécessite des modèles appropriés pour l’exploiter pleinement. Les algorithmes d’apprentissage profond permettraient un traitement rapide de ces données tout en intégrant l’expertise humaine dans la construction des modèles.

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