Le facteur de résilience climatique

En 2022, l’arrondissement Sud-Ouest à Montréal a modifié son règlement d’urbanisme afin d’intégrer un critère d’adaptation climatique pour les nouveaux développements immobiliers.

Le facteur de résilience climatique (FRC) est un outil faisant partie de la troisième phase de modification réglementaire de l’arrondissement s’inscrivant dans la démarche du Plan d’action local en transition écologique du Sud-Ouest et du Plan climat de la Ville de Montréal. Il s’agit d’une méthode de pondération des projets de construction visant à améliorer la qualité de vie et le paysage des quartiers tout en assurant la valeur écologique des aménagements. Ainsi, dès leur implantation dans le Sud-Ouest, les nouveaux bâtiments contribueront à réduire les îlots de chaleur urbains (ICU) — qui sont particulièrement présents dans ce secteur ancien et très minéralisé — et favoriseront la biodiversité grâce au verdissement, ainsi qu’une saine gestion des eaux de pluie afin d’éviter les surverses d’égouts unitaires. Ces éléments de conception des immeubles auront aussi les co-bénéfices d’aider à réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) par la baisse de la consommation d’énergie et la captation carbone.

Contrairement aux règlements plus conventionnels, le FRC, connu également sous le nom de coefficient biotope, n’évalue pas seulement la quantité de verdissement sur un terrain, mais aussi la qualité des plantations et leurs bénéfices ou co-bénéfices écologiques, de même que des mesures complémentaires dans un projet, telles que la présence de murs ou de toits végétalisés sur le bâtiment

Comprendre et évaluer les impacts

L’arrondissement du Sud-Ouest à Montréal fait face à de nombreux défis en matière d’environnement bâti ces dernières années ; victime de son attractivité, l’arrondissement déjà dense et minéralisé fait face à un développement immobilier important. Combiné à une augmentation des vagues de chaleur et des événements de pluie torrentielle projetés dans le Plan climat 2020-2030 de Montréal, l’arrondissement voit de plus en plus de pressions sur ses infrastructures et de risques pour sa population. Les employés de l’équipe de la division de l’urbanisme ont aussi noté que de nombreux projets respectant le règlement sur le verdissement avaient, au final, des espaces verts inadéquats pour avoir un impact réel sur les ICU ou la rétention de l’eau en site propre. C’est pourquoi ceux-ci, en collaboration avec le Bureau de la transition écologique et de la résilience, ont décidé de s’inspirer du modèle de « coefficient biotope » pour développer un outil réglementaire ciblant spécifiquement le verdissement, la perméabilisation des sols et la préservation de la biodiversité.

Déterminer les actions

Le coefficient biotope est un outil réglementaire développé à Berlin dans les années 1990 et adopté dans plusieurs villes à travers le monde, dont Seattle, et Helsinki. Adapté aux milieux denses et minéralisés, il vise à protéger la végétation et favoriser la perméabilité du sol. Comme celui-ci n’avait jamais été mis en place par une ville canadienne, l’équipe de l’arrondissement s’est accordé du temps afin d’adapter le concept au contexte climatique local, ainsi que peaufiner une grille de critère conforme au cadre juridique municipal et provincial qui aurait un impact réel sur la conception des nouveaux projets immobiliers.

Les cibles écologiques retenues pour la grille locale sont la régulation thermique, l’absorption des eaux de pluie, le captage des polluants et la capacité d’offrir un habitat pour la faune et la flore. L’équipe a ainsi décidé d’établir trois grandes catégories de critères pour les atteindre, soit :

  1. la perméabilité des surfaces en contact avec le sol;
  2.  la quantité et qualité de plantations; et
  3.  la végétalisation des bâtiments.

Par la suite, l’équipe a développé une pondération inspirée par les grilles existantes pour établir le pointage des éléments des différentes catégories. Par exemple, un sol perméable donne un pointage maximal (valeur de 1), par rapport à une surface scellée. Les sols de pleine terre ont même été pondérés à une valeur de 1,5 en raison de leur importance pour la rétention de l’eau en site propre et leur capacité à offrir un habitat pour la faune et la flore. Ce choix vient entre autres de la prépondérance locale des stationnements souterrains occupant l’entièreté du terrain, qui respectent la réglementation sur le verdissement en installant des surfaces gazonnées, mais en fait sont des toits végétalisés et ne permettent pas l’infiltration de l’eau en profondeur. La grille fait aussi une place à la végétalisation des bâtiments en intégrant les murs végétaux, toits verts et même les plantes en jardinière. De plus, des distinctions sont faites entre les types de végétation, par exemple entre les arbres à petit ou grand déploiement, afin de favoriser une canopée assez significative pour lutter contre les ICU.

Mise en oeuvre

Pendant son développement, les versions initiales de la grille ont été partagées avec les développeurs immobiliers locaux qui avaient des projets en attente d’approbations. Il a ainsi été possible de tester quels critères et quelle pondération étaient le plus à même d’influencer la conception des projets. Ce dialogue a permis d’ajuster la grille pour qu’elle ait l’influence souhaitée lors de son adoption et, de leur côté, les développeurs ont pu travailler en amont à de nouvelles propositions adaptées au nouveau contexte réglementaire. L’équipe de projet s’est aussi coordonnée avec l’équipe responsable de la gestion des eaux pluviales afin d’uniformiser le vocabulaire utilisé dans les textes réglementaires. L’objectif était d’éviter toute confusion quant aux différentes normes établies dans les deux réglementations et l’utilisation de définitions complémentaires et cohérentes.

Tester la grille a aussi permis d’identifier des secteurs de l’arrondissement où elle devenait difficilement applicable, en particulier certains secteurs résidentiels très denses. Par exemple, il est plus facile pour un petit immeuble de type « plex » qui ferait un agrandissement d’atteindre les points nécessaires à l’obtention d’un permis qu’une tour de logements qui nécessiterait un stationnement souterrain. En particulier, le secteur de Griffintown, un quartier adjacent au centre-ville, présente des enjeux considérant que la majorité des projets immobiliers qui y sont en développement sont des tours nécessitant des stationnements souterrains.

Résultats et suivi des progrès

Le facteur de résilience climatique (FRC) officiellement entré en vigueur en décembre 2022 est un indice qui exprime le rapport entre la somme des aires de résilience climatique, soit les éléments de l’aménagement paysager, et la superficie du terrain sur lequel elles se trouvent. Les projets déposés lors d’une demande de permis sont analysés à travers la grille de critères et le résultat obtenu est un coefficient indiquant si le projet répond aux cibles de résilience climatique fixées par l’administration. L’obtention du permis est conditionnelle à l’atteinte de la cible minimale exigée. Cette dernière varie en fonction des usages et du taux d’implantation du bâtiment.

L’adoption de l’outil réglementaire s’étant faite peu de temps avant la publication de cette étude de cas, les résultats de ce projet sont présentement limités, mais commencent déjà à transparaitre à travers les projets à l’étude. Plutôt que de limiter leur paysagement à quelques arbustes, les nouveaux développements ayant participé au test de la grille de critères intègrent une plus grande variété de végétation ainsi que la rétention de l’eau pluviale sous la forme de bassins extérieurs avec un fond perméable et de jardins de pluie, à la différence des bassins de rétention souterrains autrefois privilégiés.

L’arrondissement se garde aussi un certain droit discrétionnaire, par souci d’équité envers les nombreux bâtiments anciens présents sur son territoire ainsi que les secteurs où l’environnement bâti ou d’autres contraintes majeures rendent difficile l’application des mesures de la grille sur les nouvelles constructions. L’arrondissement se donne au moins un an après l’adoption du règlement avant de le réviser et d’y apporter des ajustements.

Prochaine(s) étape(s)

Comme mentionné plus tôt, l’arrondissement prévoit apporter des ajustements futurs à sa grille de critère et son règlement une fois que les effets de sa mise en vigueur auront été plus clairement documentés. Celui-ci surveillera en particulier les effets du FRC et de ses différentes itérations sur les projets réalisés en plusieurs phases, qui seront passés à travers différentes rondes d’émission de permis. De plus, une réflexion est à faire quant à l’intégration de bonus négociables favorisant l’intégration des critères de la grille, tout en considérant les autres contraintes réglementaires (par exemple sur l’enjeu des hauteurs et de l’empreinte au sol des bâtiments). L’équipe d’urbanisme ayant travaillé au projet collabore aussi avec d’autres arrondissements montréalais intéressés, dont les arrondissements Mercier–Hochelaga-Maisonneuve, Plateau-Mont-Royal et Montréal-Nord pour l’adoption éventuelle de règlements similaires sur leurs territoires. Par ailleurs, une communication a été maintenue à travers le développement de l’initiative avec la division d’urbanisme de la Ville-centre afin d’initier une discussion sur l’intégration d’un outil similaire dans le futur plan d’urbanisme de la ville.

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