Faire pousser des forêts dans une ville

En 2012, la Ville de Montréal a créé l’un des plans municipaux les plus ambitieux de plantation d’arbres au Canada visant à augmenter son couvert forestier de 25 % d’ici 2025, en plus de planter 500 000 arbres supplémentaires d’ici 2030. Le Plan d’action Forêt urbaine (PAFU) a établi un budget sur 10 ans ainsi que des cibles de plantation d’arbres pour chacun des arrondissements de Montréal et pour d’autres municipalités de l’île. Puisque la Ville et ses arrondissements ont organisé les activités de plantation d’arbres sur des terres publiques, ils ont travaillé en partenariat avec SOVERDI, une organisation non gouvernementale de l’environnement (ONGE) de verdissement urbain à Montréal, pour communiquer avec les propriétaires de terres privées et les inciter à contribuer au plan. SOVERDI a créé l’Alliance Forêt urbaine, un regroupement d’ONGE qui se consacre à l’augmentation du couvert forestier à Montréal. Grâce au financement de la Ville, l’Alliance a été en mesure de tirer profit de plus de 3,7 millions de dollars en investissements privés supplémentaires et de planter 55 000 arbres sur des terres privées depuis 2015.

Les forêts urbaines peuvent aider les villes à s’adapter au climat changeant. Elles peuvent offrir un refuge pendant les canicules, limiter les inondations, filtrer la pollution atmosphérique et fournir des corridors pour la faune. Les espaces verts offrent également de nombreux bienfaits nécessaires sur le plan de la santé mentale et physique. De plus, ils emprisonnent les émissions de gaz à effet de serre et augmentent la valeur des propriétés.

Comprendre et évaluer les impacts

Les températures estivales de plus en plus chaudes ainsi que les canicules prolongées, comme celle de 2018, montrent que certaines communautés sont plus vulnérables aux maladies et aux décès associés à la chaleur. Les personnes qui sont décédées pendant la canicule étaient généralement des personnes à faible revenu, des aînés et des personnes vivant seules. À Montréal, comme dans bon nombre d’autres centres urbains, le couvert forestier est historiquement plus dense dans les régions plus riches. Les régions où habitent les personnes à faible revenu, généralement composées de proportions plus élevées de minorités visibles et de personnes moins instruites ayant un revenu plus faible, ont habituellement un couvert forestier moins dense. Un meilleur couvert forestier dans ces régions contribuerait à refroidir l’air et à fournir un refuge pendant les canicules, et possiblement à sauver des vies.

Entourée de rivières et fortement urbanisée, la ville de Montréal est sujette aux inondations fluviales. À mesure que les précipitations augmenteront en raison du climat changeant, les gens et les infrastructures devront faire face à des risques de crues subites et de débordements de rivières. La préservation et l’amélioration des habitats naturels dans les villes et autour de celles-ci contribuent à réduire ces risques en permettant à l’eau de retourner dans le sol.

Les forêts n’ont pas besoin d’être grandes pour procurer d’immenses bienfaits. Leur valeur ne cesse d’augmenter à mesure que les villes cherchent à aborder les défis convergents associés à la croissance de la population, aux changements climatiques et à la perte de la biodiversité. Voici les bienfaits des forêts urbaines :

  • Capture des gaz à effet de serre
  • Températures atmosphériques plus basses
  • Réduction du risque d’inondation
  • Augmentation de la biodiversité
  • Air plus propre
  • Sécurité alimentaire
  • Meilleure santé globale

Reconnaissant l’importance de sa forêt urbaine pour atténuer les impacts des changements climatiques, la Ville de Montréal a cartographié son indice de couvert forestier, le ratio de cimes ou de groupes d’arbres (le couvert) par rapport à l’ensemble de la région urbaine. Pour ce faire, la Ville a utilisé des photographies aériennes de juin 2007 pour chacune des municipalités de l’île. L’indice initial s’établissait à 20,3 pour cent de couvert forestier et constituait le fondement du Plan d’action Forêt urbaine qui a suivi, établissant des objectifs de plantation d’arbres selon l’utilisation des terres pour chacun des arrondissements et chacune des villes.

Déterminer les actions

Le Plan de développement durable de la collectivité montréalaise 2010-2015 de Montréal a initialement établi des cibles de couvert forestier urbain visant à augmenter celui-ci de 20 à 25 pour cent d’ici 2025. Le Plan d’action Forêt urbaine (PAFU) de 2012 a suivi peu de temps après, ouvrant ainsi la voie à des objectifs pour chaque municipalité et à l’établissement d’un budget échelonné sur 10 ans. Dans son récent plan d’action climatique, la Ville s’est davantage engagée à planter 500 000 arbres d’ici 2030. Il s’agit de l’un des objectifs les plus ambitieux au pays, étant donné l’échéance et la population ainsi que la densité industrielle et commerciale. Par exemple, une étude réalisée par Ziter et coll. (2019) révèle que le couvert forestier doit être d’environ 40 pour cent afin de produire des avantages considérables sur le plan du refroidissement.

Mise à part la quantité d’arbres plantés, la qualité des arbres compte également. L’emplacement des arbres, le type d’arbres, les conditions de plantation et le travail réalisé pour entretenir et protéger leur santé détermineront l’ampleur des avantages, car ceux-ci augmentent à mesure que les arbres poussent. Il est généralement plus coûteux et difficile de planter des arbres dans des régions où il y a une concentration élevée d’infrastructures industrielles et de transport, étant donné que les surfaces sont souvent couvertes de pavé et d’asphalte. Un investissement plus important est habituellement justifié dans ces régions. Toutefois, les bienfaits qui en découlent pour la société sont généralement plus élevés.

Les obstacles cernés qui entravent l’expansion des forêts urbaines sont les suivants :

  • Les avantages non comptabilisés qui justifient fortement l’investissement dans une forêt urbaine.
  • Les coûts, le financement municipal inadéquat et les régimes fiscaux.
  • Le manque d’endroits facilement accessibles.
  • Le manque d’incitatifs pour l’investissement privé.
  • L’inégalité concernant les capacités humaines et les ressources financières dans les différents arrondissements.
  • La qualité de l’approvisionnement en arbres à la hauteur des ambitions de plantation d’arbres de la Ville.
  • L’inégalité ou la médiocrité de la collecte de données permettant de mieux comprendre l’état et la diversité de la forêt urbaine.
  • Les conditions urbaines difficiles, les insectes et les animaux nuisibles ainsi que les maladies.

Mise en oeuvre

La Ville, en collaboration avec son partenaire SOVERDI, a créé l’Alliance Forêt urbaine, un regroupement d’ONGE qui se consacre à l’augmentation du couvert forestier à Montréal sur les terres privées. En plus des investissements dans les arbres publics, la Ville de Montréal a versé plus de 4,2 millions de dollars à SOVERDI et au regroupement par l’entremise de programmes de subventions, de 2015 à 2019. Ensemble, les ONGE ont planté près de 55 000 arbres sur des terres privées dans des arrondissements de Montréal et dans des villes depuis 2015.

Grâce aux fonds versés par la Ville, les ONGE ont été en mesure de tirer parti de plus de 3,7 millions de dollars sous forme d’investissements privés de la part de promoteurs de projets au moyen de campagnes ciblées de plantation d’arbres pour les propriétaires de terres institutionnelles, commerciales et industrielles ainsi que pour les résidents. Des partenariats avec d’importants intervenants, chefs de file dans le domaine des forêts urbaines, comme le CN, le Port de Montréal, la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ) et Hydro-Québec, ont aussi contribué à ces investissements.

Le financement de projets de plantation d’arbres peut être difficile à cause des restrictions concernant la comptabilité municipale. Selon les principes comptables généralement reconnus (PCGR), les arbres sont considérés comme étant des dépenses d’exploitation, contrairement à des investissements en capitaux. Cela empêche les villes de financer (ou d’amortir) le coût initial de la plantation d’arbres. D’autre part, reconnaître les forêts urbaines comme étant des infrastructures vertes permettrait d’offrir un fondement pour des investissements en capitaux. La Commission permanente sur l’eau, l’environnement, le développement durable et les parcs a recommandé de reconnaître les forêts urbaines comme étant des infrastructures vertes pour les investissements en capitaux, une recommandation que le comité de direction a mise en œuvre peu de temps après.

Les stratégies de plantation rentables exigent également des sources stables de nouveaux arbres. La Ville de Montréal a sa propre pépinière d’arbres depuis 1948. Il s’agit de la plus grande pépinière au Canada, comptant environ 80 000 arbres à différentes étapes de croissance. Elle fournit aux arrondissements de Montréal environ un tiers des arbres qui sont plantés annuellement. La pépinière compte 140 espèces différentes et vise à augmenter la diversité; cependant, la Ville a de la difficulté à atteindre ses cibles.

Afin de limiter davantage les risques d’inondation et de protéger les zones naturelles importantes, la Ville a fait l’acquisition d’une terre d’une superficie de 175 hectares grâce à une aide de 50 millions de dollars provenant du Fonds d’atténuation et d’adaptation en matière de catastrophes (FAAC) pour créer le Grand parc de l’Ouest.

Résultats et suivi des progrès

La Ville de Montréal est en voie d’atteindre son objectif, car l’indice du couvert urbain a récemment été estimé à 23 pour cent. SOVERDI et d’autres partenaires sont aussi en voie de planter 20 000 arbres par année au cours des années à venir.

On prévoit que le Grand parc de l’Ouest de Montréal, s’étalant sur 3 000 hectares, deviendra le plus grand parc municipal naturel au Canada. Cette zone comprend une forêt, des terres agricoles ainsi que des zones humides qui favorisent la biodiversité et qui protègent les infrastructures naturelles, limitant ainsi les inondations et offrant un éventail de possibilités de loisirs.

Il existe d’éventuels avantages connexes entre l’augmentation du couvert forestier et les marchés de compensation des émissions de carbone pour financer les forêts urbaines. Les marchés de compensation de carbone – où les entreprises et les personnes compensent leurs émissions de gaz à effet de serre en achetant des crédits générés par le retrait d’émissions ou des efforts de réduction – offrent une source potentielle de financement pour étendre le couvert forestier urbain. Les arbres des régions urbaines pourraient être plus bénéfiques que ceux des régions périphériques, car ils offrent de multiples bienfaits globaux à des populations plus vastes. Malgré cette possibilité, l’adoption de ces types de programmes a connu un succès limité à cause de nombreux facteurs.

À la suite des premières années du plan d’action, la Ville a réduit ses objectifs annuels de plantation d’arbres dans des ententes de subvention avec SOVERDI et elle a augmenté les budgets par arbre pour s’assurer de pouvoir veiller à l’entretien nécessaire et au suivi de chaque arbre planté.

Prochaine(s) étape(s)

La Ville et les paliers supérieurs du gouvernement peuvent continuer à contribuer à l’expansion des forêts urbaines à Montréal comme suit :

  • Concevoir des programmes d’investissement et des cadres de compensation pour favoriser un plus vaste éventail d’avantages pour la société et l’environnement qui équilibrent les risques associés à la séquestration non permanente de CO2.
  • Exiger que les promoteurs et propriétaires d’établissement investissent dans des arbres et des pratiques d’entretien durables.
  • Financer les coûts de capitaux et d’exploitation pour assurer la survie des arbres dans le contexte des maladies et d’un climat changeant.
  • Mettre en œuvre des règlements stricts visant à protéger les arbres actuels et offrir des mesures incitatives aux propriétaires de terres privées entourant la plantation et l’entretien de nouveaux arbres.
  • Soutenir de solides chaînes d’approvisionnement pour répondre à la demande et appuyer les pépinières actuelles et potentielles.
  • Investir dans la recherche et la collecte de données.

Ressources

Lien vers l’étude de cas complète (en anglais seulement)