Étude de la ligne côtière du lac Érié dans la région de Chatham-Kent

Les changements climatiques ont augmenté l’exposition aux risques côtiers des Grands Lacs. L’élaboration conjointe de solutions durables à long terme avec les communautés côtières est nécessaire pour améliorer la résilience. Étant donné l’ampleur du risque et les coûts pour protéger les propriétés côtières au moyen d’infrastructures grises classiques (p. ex., protection du rivage), à certains endroits, les seules options viables sont des concepts d’adaptation transformationnelle à grande échelle qui réalignent les utilisations des terres côtières et créent des avantages pour les écosystèmes grâce à la restauration des habitats.

Cette étude de cas examine la ligne côtière du lac Érié dans la région de Chatham-Kent qui s’étend sur 120 km, du port de Wheatley à l’ouest au chemin McPherson à l’est de Clearville, en plus de Rondeau Bay. Cette étude faisait partie d’un plus vaste projet d’adaptation aux changements climatiques, cofinancé par le programme Adaptation aux changements climatiques de Ressources naturelles Canada, qui présentait l’information la plus récente sur les impacts historiques et anticipés associés aux changements climatiques dans quatre études de cas.

Comprendre et évaluer les impacts

À partir d’environ 2013, le niveau d’eau du lac Érié a commencé à monter de manière régulière et à se trouver au-dessus de la moyenne à long terme (MLT) du lac de 174,15 m. En date de juillet 2019, le niveau d’eau avait monté d’environ un mètre pour atteindre 175,14 m, soit le niveau d’eau le plus élevé jamais enregistré, entraînant des répercussions sur le sentier Bluff et le sentier Talbot. L’élévation du niveau d’eau du lac a causé une érosion côtière importante, l’érosion des falaises et des inondations côtières dans de nombreux endroits le long du tronçon de 60 km d’Erieau à Leamington. Des routes et autoroutes locales ainsi que des centaines (sinon des milliers) de chalets, de maisons, de domaines, de fermes et de lieux d’hébergement pour les touristes se trouvent au bord de l’eau, dont bon nombre sont à moins de 2 m au-dessus de la MLT du niveau du lac.

De nombreux facteurs ont été considérés pendant la phase d’évaluation. En plus de l’augmentation de la moyenne à long terme du niveau du lac, les points suivants ont été examinés : la valeur des terrains et les coûts de relocalisation; les vents terrestres, les tempêtes et la pression des glaces, qui peuvent amplifier l’impact associé à un niveau d’eau élevé, ainsi que les tempêtes typiques et l’effet de seiche (des ondes stationnaires dans des étendues d’eau fermées) qui peuvent faire monter le niveau du lac de plus de 0,5 m et accélérer l’érosion.

Une première pour la région canadienne des Grands Lacs, l’étude de la ligne côtière du lac Érié dans la région de Chatham-Kent explore l’influence des changements climatiques sur les risques côtiers futurs attribuables aux changements touchant les tempêtes et la couverture de glace ainsi que les défis connexes pour les communautés côtières de Chatham-Kent.

Les risques d’érosion et d’inondation sur la ligne côtière du lac Érié entraîneront d’importants défis pour les infrastructures actuelles de Chatham-Kent et les propriétaires de terrains avoisinants, et on s’attend à ce que les changements climatiques aggravent ces risques à l’avenir.

Déterminer les actions

Des investissements proactifs dans le secteur de l’adaptation, y compris les approches de retrait et celles fondées sur la nature, ont tendance à produire des économies globales. De multiples sources, notamment la Commission mondiale sur l’adaptation et le Bureau d’assurance du Canada, calculent que des investissements dans la résilience communautaire produisent un rendement du capital investi de l’ordre de 2 $ à 10 $ en éventuelles pertes évitées pour chaque dollar dépensé de manière proactive.

Des inquiétudes concernant une rupture possible de digue à l’hiver 2019-2020, qui aurait pu inonder des centaines d’hectares de terre au nord d’Erieau, ont provoqué la fermeture d’urgence du sentier Talbot et les propriétaires ont perdu l’accès à leur domicile, jusqu’à quatre semaines dans certains cas.

De plus, les terres agricoles plates immédiatement au nord du Parc national de la Pointe-Pelée (26e site désigné) et à l’est de Leamington sont vulnérables aux inondations et à l’érosion côtière en raison de l’élévation du niveau du lac. Les digues de protection contre les inondations qui préviennent actuellement les inondations dans cette région durant les périodes d’élévation du niveau d’eau ont besoin de réparations considérables, car elles ne respectent pas à l’heure actuelle les normes provinciales minimales. Les coûts de réparation des digues en plus des coûts supplémentaires pour ajouter de la hauteur aux digues qui protègent actuellement environ 5 000 acres de terres agricoles pourraient être plus élevés que la valeur des terres, menant à la possibilité d’un retrait planifié de centaines de résidents ruraux qui pourrait être inévitable si le niveau d’eau du lac continue de monter.

Le processus utilisé pour déterminer les options d’adaptation, y compris le retrait, visant les 439 résidences au bord de l’eau entre Erieau et Leamington s’est fondé sur un éventail de stratégies de mobilisation du public. Un site Web réservé au sujet (« Let’s Talk Chatham-Kent ») a été utilisé pour le partage d’information, la mobilisation du public et la rétroaction touchant les options d’adaptation aux changements climatiques. Neuf réunions publiques au cours d’une période de sept mois ont été organisées avec près de 1 000 participants dans le but de présenter l’étude, de trouver des idées sur les approches d’adaptation possibles et d’obtenir des commentaires sur les diverses options cernées par les consultants. Deux tables rondes ont également été organisées avec des responsables municipaux, le personnel de l’office de protection de la nature et des hauts fonctionnaires des gouvernements provincial et fédéral.

Mise en oeuvre

Le processus menant aux cas de retrait planifié a varié selon la catégorie des actifs envisagée. La municipalité de Chatham-Kent a réaligné de manière proactive environ 30 km du sentier Talbot au coût de 200 000 $, alors qu’une autre section du sentier a été fermée à cause des dommages causés par l’érosion. Cette section demeure encore en attente de travaux de réalignement. Une proposition pour réaligner la majorité de la section restante du sentier Talbot est actuellement à l’étude. Le coût de ce projet est estimé à environ 31 à 40 millions de dollars. Une récente évaluation du sentier suggère qu’environ 439 édifices primaires et secondaires seront probablement touchés par l’érosion côtière d’ici 50 ans ou moins, avec une valeur totale évaluée à 59,7 millions de dollars.

Un retrait planifié est activement envisagé à titre d’option proactive d’adaptation aux changements climatiques pour bon nombre de ces propriétés. Les maisons le long d’Erie Shore Drive près d’Erieau, collectivement évaluées à 20 millions de dollars, constituent la préoccupation immédiate sur ce tronçon du sentier Talbot. Un programme de retrait planifié et une analyse coûts-avantages, actuellement à l’étude, estiment les coûts des acquisitions connexes au moins à la valeur de l’évaluation des maisons.

Une approche standard de planification des transports a été utilisée pour réaligner de manière réactive des sections de la route Bluff Line et du sentier Talbot (p. ex., établir une option de réacheminement privilégié, réaliser des études d’évaluation environnementale, faire l’acquisition de terres, puis réaligner la route). Le processus a cerné le retrait planifié proactif comme étant une option pour de multiples sections de ce tronçon de route, d’Erieau à Leamington. Une fois les zones à risque établies, une série d’options d’adaptation a été cernée à l’aide du cadre de travail familier PARE (protection, adaptation, retrait, évitement) et une analyse coûts-avantages a été menée pour chaque option.

Vers Leamington, plusieurs projets de retrait planifié sont déjà terminés et d’autres en sont à l’étape de proposition. Un tronçon de route de 500 m à forte pente, appelé Bluff Line, a été réaligné environ 75 m à l’intérieur des terres à cause de l’érosion rapide des falaises à proximité de l’ordre de 1,4 m par année.

Résultats et suivi des progrès

Même si certaines mesures pour relocaliser des infrastructures et des édifices ont déjà été mises en œuvre, le retrait planifié est toujours envisagé comme stratégie d’adaptation pour de nombreuses sections des sentiers Talbot et Bluff, mais plusieurs questions demeurent. Comment abordera-t-on la question de l’indemnisation (p. ex., la valeur évaluée par rapport à la valeur marchande) lors d’un retrait planifié des édifices? Est-ce que des efforts seront déployés pour soutenir les propriétaires, les fermiers et les propriétaires de bâtiments tout au long des étapes du processus de retrait? Dans quelle mesure les terres en retrait devront-elles être assainies avant que l’érosion et les inondations côtières dévastent les terres laissées derrière?

La principale leçon tirée de ce cas : le retrait réactif post-érosion peut être utilisé de manière constructive pour déclencher et signaler le besoin en matière d’adaptation proactive aux changements climatiques. Après avoir déterminé que plusieurs actifs étaient menacés par l’érosion, les autorités de Chatham-Kent ont commandé des études prospectives d’évaluation des risques qui leur ont permis de cerner de manière proactive le retrait planifié comme une option viable d’adaptation aux changements climatiques.

Prochaine(s) étape(s)

Dès que les zones plus vulnérables seront classées par ordre de priorité, des études de planification et d’ingénierie seront requises pour mettre en œuvre les approches d’adaptation aux changements climatiques décrites dans l’étude. Le gouvernement et les intervenants doivent continuer à travailler ensemble pour trouver des modèles viables de financement et pour mettre en œuvre les solutions. Désormais, Chatham-Kent et d’autres communautés côtières doivent se concentrer sur le renforcement de la résilience à l’égard des risques côtiers grâce à la planification et au zonage proactifs, en reconnaissant que certains endroits ne conviennent tout simplement pas aux projets de développement côtier. La stratégie d’adaptation la plus rentable est « l’évitement » et la voie vers une résilience accrue adoptera des solutions fondées sur la nature, l’adaptation aux changements climatiques et le retrait des régions côtières à risque élevé.

Ressources

Lien vers l’étude de cas complète (en anglais seulement)

Ressources supplémentaires :

Comprenez davantage comment les informations climatiques peuvent être appliquées à la prise de décision en explorant le module Transport sur DonnéesClimatiques.ca