CSA W203:19 Planification, conception, exploitation et entretien du système de traitement des eaux usées dans les collectivités du Nord, au moyen de systèmes de lagunes et de milieux humides

En 2019, l’Association canadienne de normalisation (Groupe CSA) a reçu un financement du Conseil canadien des normes, dans le cadre de l’Initiative de normalisation des infrastructures du Nord, pour l’élaboration d’une norme sur la conception, l’exploitation et l’entretien du système de traitement des eaux usées dans les collectivités du Nord, au moyen de systèmes de lagunes et de milieux humides.

Le Nord du Canada est unique en raison de son climat, de sa géographie, de sa géologie, de sa démographie et de ses aspects sociaux. Le Nord est une région qui connaît de longues périodes de températures extrêmement basses. C’est une région exceptionnellement vaste et éloignée qui doit relever les défis associés au pergélisol et à d’autres problèmes d’ingénierie liés au sol. Il s’agit également d’une région composée de petites collectivités isolées à faible densité de population. Ces caractéristiques uniques des communautés nordiques peuvent créer des défis associés aux changements climatiques et à la gestion des eaux usées municipales.

Le traitement des eaux usées domestiques dans le Nord du Canada a toujours été réalisé principalement par la rétention à long terme dans des étangs de stabilisation des eaux usées (ÉSEU), communément appelés lagunes d’épuration. Les effluents traités de ces étangs ou lagunes sont généralement rejetés dans le milieu récepteur. Certains systèmes de lagunes rejettent les effluents traités directement dans les plans d’eau récepteurs; toutefois, il est courant de les rejeter dans des terres naturelles ou des milieux humides. Ces terres basses qui reçoivent les effluents traités des lagunes d’épuration sont désignées dans la présente norme comme étant des « zones de traitement en milieux humides (ZTMH). La fonction d’une ZTMH consiste à fournir un traitement auxiliaire (polissage) au-delà de ce qui peut généralement être accompli par les systèmes de lagunes à eux seuls. Plusieurs facteurs influencent la performance de traitement des systèmes de lagunes, notamment le climat (température, rayonnement solaire, vitesse du vent, cycles de gel et de dégel, dégel du pergélisol), la charge organique, la profondeur et l’accumulation des boues.

L’objectif de la norme consiste à aborder les procédures, les protocoles et les méthodes de collecte d’informations et d’évaluation entourant les conditions pour la sélection des zones de traitement en milieux humides (ZTMH), les phases du cycle de vie, les pratiques exemplaires en matière d’exploitation, l’entretien et la surveillance, ainsi que les considérations liées à la restauration et à l’assainissement.

Comprendre et évaluer les impacts

La planification d’un nouveau système de traitement des eaux usées municipales commence souvent des années avant la mise en œuvre du projet. La phase de planification et de sélection de l’emplacement d’un nouveau système de traitement des eaux usées municipales peut s’articuler autour de cinq phases :

  • séance de mobilisation de la communauté;
  • examen des renseignements contextuels;
  • cartographie des contraintes;
  • évaluation du ou des sites; et
  • établissement des exigences de traitement

Certaines circonstances spécifiques au Nord peuvent avoir une répercussion sur le calendrier du projet et celles-ci doivent être considérées lors de la planification. Par exemple, la planification d’un système de traitement des eaux usées devrait tenir compte des exigences réglementaires spécifiques, de la logistique entourant la mobilisation des équipements et de la brièveté des saisons de construction.

La cartographie des contraintes tient compte des zones d’importance locale dans le cadre d’une séance de consultation et de mobilisation de la communauté, et d’une consultation des connaissances traditionnelles. Cette cartographie tient également compte de la proximité des infrastructures communautaires, comme les aéroports, les maisons et les routes, les aspects esthétiques, notamment les odeurs et la visibilité, toujours dans le cadre d’une consultation communautaire, avec l’appui de données climatiques. Enfin, la cartographie considère aussi la distance par rapport aux plans d’eau de surface, la distance entre le fond de la lagune et la nappe phréatique, la distance par rapport à la prise d’eau potable ou au bassin versant, et la présence de la faune.

Dès qu’un ou plusieurs sites potentiels ont été choisis selon l’exercice de cartographie des contraintes, le ou les sites doivent être évalués quant à leur adéquation physique. Il s’agit notamment d’évaluer les données climatiques historiques et les projections climatiques, notamment la température de l’air, les types et les quantités de précipitations selon les saisons, la vitesse et la direction des vents dominants, les degrés-jours, le rayonnement solaire, ainsi que les effets climatiques attendus, dont la fonte du pergélisol, l’augmentation des précipitations hivernales et estivales, la fréquence accrue des phénomènes météorologiques extrêmes, les inondations, les changements hydrologiques, etc. La norme recommande d’utiliser des modèles climatiques mondiaux mis à l’échelle de manière statistique et d’envisager plusieurs scénarios climatiques. Une évaluation des données hydrologiques et topographiques, une étude géotechnique, une évaluation des matériaux granulaires et une étude hydrogéologique devraient être entreprises à ce stade.

Déterminer les actions

Les facteurs clés à prendre en compte dans la sélection de la configuration du processus de lagune sont les suivants :

  • La qualité requise des effluents;
  • La disponibilité d’un traitement en milieu humide après l’installation de la lagune;
  • La capacité de stockage;
  • Le climat; et
  • Le niveau de flexibilité opérationnelle requis.

La norme décrit deux approches relatives aux systèmes de lagunes : les systèmes lagunaires à une étape et les systèmes lagunaires à plusieurs étapes. Les systèmes de lagunes à une seule étape de traitement, ou composés d’une seule cellule, sont couramment utilisés dans le Nord. Les processus physiques (par exemple, la sédimentation des solides, la coagulation des solides et d’autres constituants pendant les processus de gel-dégel) réduisent les concentrations de la demande biochimique en oxygène carboné, du total des solides en suspension, des nutriments et des micro-organismes fécaux. En fonction de la conception de la lagune (profondeur et taux de charge organique) et de l’emplacement géographique, un traitement biologique supplémentaire peut avoir lieu dans la lagune.

Selon l’environnement des eaux réceptrices et les règlements relatifs à la qualité des effluents pour un site de traitement spécifique, une lagune à une étape pourrait être le seul traitement requis. Si un niveau de traitement plus élevé est nécessaire, les effluents de lagune peuvent être traités dans le cadre d’étapes de traitement supplémentaires (cellules secondaires) et (ou) dans une ZTMH. Le traitement supplémentaire dans une ZTMH peut être la solution de rechange préférée en raison des coûts plus faibles et des processus de traitement améliorés. Cependant, il peut y avoir des situations où le traitement en milieu humide n’est pas réalisable en raison de facteurs géographiques, de l’utilisation des terres, des préférences de la communauté ou d’autres facteurs.

La norme cerne les exigences pour la conception de processus de traitement afin de déterminer la taille et l’emplacement de la construction des lagunes et des milieux humides. Il s’agit notamment des volumes d’eaux usées et des projections, des estimations de la qualité des eaux usées, des sources non municipales d’eaux usées et des renseignements sur le milieu récepteur, à savoir l’environnement aquatique, le débit et les courants, la profondeur, le cycle des marées, l’utilisation actuelle, la proximité de la collectivité et d’autres activités, ainsi que la présence de la faune.

De plus, le coût du cycle de vie complet doit être établi pour les systèmes de traitement des eaux usées par des lagunes et en milieux humides, qu’ils soient nouveaux ou modernisés. Il est difficile de déterminer le cycle de vie typique d’un système lagunaire ou en milieu humide. S’ils sont correctement exploités et entretenus, ces systèmes de traitement des eaux usées devraient demeurer fonctionnels pendant plusieurs décennies. Toutefois, dans le but de comparer les différentes solutions de traitement des eaux usées, il convient d’évaluer le coût du cycle de vie sur un horizon de conception d’au moins 20 ans.

Mise en oeuvre

La norme décrit plusieurs aspects de la conception de lagunes à prendre en considération : l’évaluation du site, la conception géotechnique, les structures d’entrée et de sortie, l’accès au site et l’infrastructure de sécurité. L’évaluation du site devrait être effectuée par un professionnel ayant une expérience de travail avec des environnements pergélisolés. Il convient de prendre en considération les formations de sol et de roche, y compris le type de roche et la taille des grains, la conductivité hydraulique, la teneur en humidité et la compétence du substratum rocheux. Il convient aussi d’évaluer l’adéquation des matériaux du site pour la construction des bermes, ainsi que d’autres matériaux granulaires présents dans la région. Une analyse thermique est nécessaire pour évaluer la stabilité de la lagune et celle-ci doit tenir compte des répercussions des changements climatiques sur le régime thermique du sol. Une évaluation de la neige et du vent doit être effectuée pour déterminer les accumulations de neige et leurs impacts sur les plateformes de camions et les routes d’accès. Les emplacements d’empilement de la neige devraient être pris en compte dans la conception.

La conception géotechnique doit viser à réduire les infiltrations à travers le fond de la lagune et des bermes afin de prévenir la contamination des eaux souterraines ou des eaux de surface. La conductivité hydraulique saturée des sols indigènes compactés et des matériaux des bermes doit être inférieure à 10-9 s/m. Autrement, il est recommandé d’utiliser une géomembrane. Si une géomembrane est nécessaire, la lagune devrait être entièrement revêtue en raison des incertitudes liées à l’entretien du pergélisol. Des enrochements, des gabions ou des couvertures de gabions ou des géotextiles techniques peuvent être utilisés comme matériaux de protection contre l’érosion causée par l’eau et le vent, pour les pentes intérieures et extérieures des bermes qui seraient soumises à l’affouillement. La norme offre également des conseils sur la conception des structures d’entrée et de sortie, y compris les schémas, les emplacements, les matériaux et les pentes.

Si une étape de traitement supplémentaire est nécessaire, la norme décrit les exigences détaillées en matière d’évaluation du site pour les ZTMH, notamment le type de sol, le temps de rétention hydraulique, les emplacements idéaux, les évaluations de la végétation, les propriétés hydrauliques du sol et l’écoulement des eaux souterraines, l’évapotranspiration et l’intégration des projections climatiques, ainsi que la délimitation du bassin hydrographique et des cours d’eau.

Résultats et suivi des progrès

Durant la phase de conception, un plan d’exploitation et d’entretien doit être élaboré pour l’ensemble du système de traitement des eaux usées. Les détails opérationnels des lagunes et des milieux humides devraient préciser les périodes pendant lesquelles les effluents doivent être rejetés, ainsi que les débits d’effluents qui doivent être maintenus et appliqués.

La norme décrit les protocoles d’entretien et de surveillance pour les systèmes de lagunes et les milieux humides. Les exigences en matière d’entretien des systèmes de lagunes comprennent l’inspection des bermes, des barrages et des géomembranes pour détecter les dommages et l’érosion, l’inspection des bermes pour détecter les infiltrations et les fuites, l’inspection des clôtures et de la signalisation, la vérification des niveaux d’eau, l’enlèvement des débris, l’évaluation de la végétation et la dérivation des débits.

La surveillance de la qualité de l’eau de lagune doit permettre d’analyser les éléments suivants : DBOC5, SCT, NGL, TP, NH3-N, pH, E. coli et tout autre paramètre spécifié par les autorités réglementaires. Les échantillons devraient être prélevés à une profondeur d’environ 15 à 30 cm sous la surface de l’eau, à trois endroits différents de la lagune. Cette analyse est nécessaire pour s’assurer que les effluents répondent aux critères réglementaires de rejet dans l’environnement, ou qu’ils ne dépassent pas les concentrations prévues pour être chargés dans une ZTMH. L’échantillonnage pour vérifier la qualité de l’eau devrait s’accompagner de mesures de la température et du pH à l’aide d’appareils portatifs de mesure de la qualité de l’eau sur les lieux.

La surveillance des milieux humides consiste à prélever des échantillons pendant le chargement à l’entrée et à la sortie et à les analyser pour déceler la présence des éléments suivants : DBOC5, SCT, NGL, indice d’acidité, MVS, TP, NH3-N, pH, E. coli et tout autre paramètre spécifié par les autorités réglementaires. L’échantillonnage pour vérifier la qualité de l’eau devrait s’accompagner de mesures du débit et de mesures de la température, du pH et de l’oxygène dissous à l’aide d’appareils portatifs de mesure de la qualité de l’eau sur les lieux.

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