Corridors écologiques du Québec : une stratégie d’adaptation aux changements climatiques

En 2017, l’organisme de bienfaisance Conservation de la nature Canada (CNC), en partenariat avec neuf organisations, a proposé l’initiative de corridors écologiques dans le sud du Québec comme stratégie d’adaptation fondée sur la nature. Les changements climatiques constituent des risques importants pour les espèces, leurs habitats et la biodiversité globale partout au Canada. Pour aider les espèces à s’adapter aux changements climatiques, 10 organisations au Québec, dirigées par CNC, travaillent en vue de protéger et de préserver les corridors écologiques. Les corridors écologiques sont des passages terrestres ou aquatiques qui relient des régions ou des habitats afin de répondre aux divers besoins écologiques des plantes et des animaux, y compris l’adaptation aux changements climatiques. De plus, les corridors écologiques sont d’importants puits de carbone et ils peuvent agir comme filets de sécurité contre les impacts des changements climatiques, notamment les inondations et la chaleur extrême, tout en favorisant notre bien-être général. Plusieurs études scientifiques tenant compte des modèles climatiques et des futurs scénarios ont été consultées pour éclairer la création d’une carte illustrant les zones de connectivité et les corridors écologiques d’importance au Québec. À l’aide d’un financement du gouvernement du Québec, de la Fondation Woodcock, de la Fondation de la faune du Québec et de la Fondation Écho, CNC et les organisations partenaires ont mis en œuvre la phase 1 (2017 à 2021) de l’initiative pour engager et mobiliser les municipalités locales, les intervenants dans le secteur forestier et la population. L’objectif consistait à établir une approche collaborative afin de protéger et de préserver les corridors écologiques dans le sud du Québec grâce à des ateliers éducatifs, à des activités, à des réunions, à des séances de sensibilisation en ligne, à de la formation et à des lignes directrices écrites. La phase 2 (2021 à 2024) est en cours avec CNC et les organisations partenaires pour continuer à engager les municipalités, les intervenants dans le secteur forestier et la population, et à établir de nouveaux partenariats dans le secteur agricole et auprès de groupes responsables de bassins versants. L’initiative continue de promouvoir les connaissances et les outils pratiques pour la conservation des corridors écologiques au Québec, avec l’intention d’étendre la superficie totale des terres protégées et conservées afin de renforcer l’adaptation aux changements climatiques.

Comprendre et évaluer les impacts

Les impacts des changements climatiques, notamment la hausse des températures et les régimes de précipitations changeants, toucheront les écosystèmes partout au Canada. Par exemple, au Québec, on prévoit le déplacement de certains habitats d’espèces vers le nord d’environ 45 km en raison des changements climatiques. Afin de préserver les écosystèmes et de promouvoir leur adaptation aux changements climatiques, le maintien des corridors écologiques a été cerné comme stratégie d’adaptation fondée sur la nature. Les corridors écologiques sont des passages terrestres ou aquatiques naturels qui permettent aux animaux de migrer, de trouver de la nourriture, de se réfugier, de se reproduire et de s’adapter aux changements climatiques. La protection et la conservation des corridors écologiques peuvent prévenir la fragmentation des habitats et la perte de la biodiversité, qui sont vulnérables en raison des changements climatiques et du développement urbain accru. Les autres avantages connexes associés à la conservation des corridors écologiques comprennent la promotion de la nature comme puits de carbone, permettant à la faune de traverser en toute sécurité les principales routes de transport, la conservation d’un filet de sécurité naturel qui peut nous protéger contre les impacts des changements climatiques et le maintien de notre bien-être en général. Afin d’aider les espèces à s’adapter aux changements climatiques et de prévenir la perte de la biodiversité, l’initiative « Corridors écologiques du Québec : une stratégie d’adaptation aux changements climatiques » a été lancée. Une carte des corridors écologiques dans le sud du Québec, s’étendant à l’est jusqu’au Nouveau-Brunswick et au sud jusqu’aux États-Unis, a été créée pour identifier les corridors écologiques importants pour l’initiative. Des études scientifiques élargies et régionales ont été consultées pour éclairer la création de la carte avec les zones sensibles de corridors écologiques. Par exemple, le projet Ouranos CC-Bio a utilisé les projections de changements climatiques provenant du Modèle régional canadien du climat pour déterminer la distribution et l’abondance des espèces au Québec dans le contexte des changements climatiques. Une collaboration entre The Nature Conservancy (US) et l’Université de Washington a également permis de réaliser une modélisation du déplacement des espèces en Amérique du Nord en utilisant les projections climatiques afin de révéler les corridors dont les espèces auraient besoin pour s’adapter aux changements. À l’échelle régionale et locale, chaque partenaire dans le cadre de l’initiative a mené ses propres études sur les corridors écologiques et les zones de connectivité essentielles pour éclairer la création de la carte et orienter les efforts clés pour la conservation.

Déterminer les actions

L’objectif de l’initiative des corridors écologiques du Québec consiste à protéger et à préserver de manière collective les corridors écologiques dans le sud du Québec en tant que stratégie d’adaptation fondée sur la nature. Conservation de la nature Canada coordonne l’initiative, en partenariat avec neuf organisations dans 11 régions du sud du Québec. Dans chacune des régions, des projets de corridors écologiques sont en cours d’exécution et ceux-ci s’accompagnent d’objectifs précis, dont les suivants : établir les zones de connectivité clés, protéger les espèces en péril, réduire le nombre de collisions de véhicules avec la faune, fournir des habitats et les protéger, maintenir la biodiversité et offrir une connectivité. L’initiative visait à soutenir, à engager et à mobiliser les gouvernements locaux, les municipalités, les fermiers, les propriétaires de forêts et de terrains boisés ainsi que la population afin qu’ils prennent des mesures efficaces pour la gestion et la conservation des corridors écologiques dans ces régions. L’engagement et l’orientation stratégique seraient spécifiquement conçus pour différents publics afin de susciter l’intérêt. Par exemple, l’orientation stratégique des municipalités serait de promouvoir la valeur des corridors écologiques dans le cadre de la planification territoriale de l’utilisation des terres, tandis que celle des propriétaires de forêts et de terrains boisés serait la conservation volontaire et la certification forestière. En plus de l’engagement, l’initiative favorise aussi l’échange d’expertise et l’établissement d’un réseau d’intervenants chevronnés sur le maintien des corridors écologiques. En 2017, CNC a reçu environ un million de dollars du programme Action-Climat du gouvernement du Québec pour l’aider dans le cadre de la mise en œuvre de la phase 1 de l’initiative.

Mise en oeuvre

De 2017 à 2021, la phase 1 de l’initiative de corridors écologiques au Québec a été mise en œuvre dans cinq zones de connectivité clés dans le sud du Québec. La première année de la phase 1 a été consacrée à la création d’une équipe de mise en œuvre, à la promotion de l’initiative au niveau local et aux premières séances d’information et réunions auprès des publics cibles. Après avoir reçu les premiers commentaires positifs, CNC et les organisations partenaires ont continué d’organiser des séances d’information, des activités, des ateliers, des réunions et des séances de sensibilisation en ligne tout au long de la phase 1. Les propriétaires de forêts et les intervenants forestiers ont été cernés comme étant d’importants publics cibles. Par conséquent, les responsables de l’initiative ont travaillé en vue d’intégrer la valeur des corridors écologiques dans les plans de gestion forestière. Un accord de collaboration a été conclu avec Groupements Forestiers Québec, dont plus de 28 000 propriétaires de terrains boisés sont membres. CNC a également créé un guide écrit pour intégrer la connectivité dans la gestion forestière et offert des séances de formation aux conseillers forestiers. Les responsables de l’initiative ont travaillé auprès de la population afin de favoriser une meilleure compréhension de la connectivité et du rôle que la population peut jouer dans la préservation des corridors écologiques. L’initiative a offert à la population la possibilité de contribuer à la collecte de données concernant les corridors prioritaires et les zones sensibles de passage faunique par l’entremise de plusieurs applications : Stop carcasses!, Pistage Québec et Carapace. Pendant la phase 1, CNC a aussi élaboré une approche collaborative stratégique dans le but de créer un réseau d’intervenants pour des régions cibles, de contribuer à réaliser les mandats de projets et d’optimiser les partenariats entre les gouvernements locaux et régionaux ainsi que les gouvernements provinciaux et fédéraux. À la fin de la phase 1, l’initiative assurait la gestion d’environ 2000 hectares et plus de corridors écologiques et elle a réussi à capturer plus de 50 000 tonnes de carbone au Québec.

Résultats et suivi des progrès

Conservation de la nature Canada et les neuf partenaires demeurent actifs sur le terrain; ils planifient et réalisent divers projets de corridors écologiques et de connectivité. Les responsables de l’initiative continuent de surveiller les corridors écologiques, plus particulièrement les zones sensibles de passage faunique, à l’aide de caméras et de la collecte de données au moyen d’applications publiques. Cette surveillance est essentielle pour mettre en lumière les zones sensibles où la faune nécessite un passage sécuritaire et pour contribuer à éclairer les zones de connectivité importantes. En ce qui concerne l’engagement, les responsables de l’initiative ont continué de planifier des événements et d’offrir des ressources et des outils éducatifs pour la planification de l’utilisation des terres et le développement. L’initiative a été mise en œuvre au niveau provincial et régional, avec plus de 20 municipalités exprimant un intérêt à l’égard de l’intégration des corridors écologiques dans la planification de l’utilisation des terres. À l’échelle provinciale, l’initiative a été reconnue par le gouvernement du Québec et des occasions se sont présentées pour intégrer la reconnaissance des corridors écologiques dans les exigences provinciales touchant les zones humides. En novembre 2020, CNC a présenté une demande pour obtenir un financement supplémentaire afin d’étendre la portée de l’initiative à six régions additionnelles au Québec. En date d’avril 2021, CNC a ajouté six régions additionnelles, pour un total de 11 régions et zones, dont l’expansion du corridor écologique Forillon en Gaspésie.

Prochaine(s) étape(s)

L’initiative de corridors écologiques du Québec est actuellement à la phase 2 (2021 à 2024). Les responsables de l’initiative poursuivent leur approche stratégique afin de protéger et de préserver plus de corridors écologiques et de surveiller les zones sensibles de passage faunique, où des investissements en matière d’infrastructures sont nécessaires pour l’adaptation. Un accent a été mis pour cerner les corridors prioritaires qui font face à un plus grand nombre de menaces afin d’établir leur ordre de priorités dans le cadre de l’initiative. La phase 2 de l’initiative comprendra également l’engagement continu auprès des municipalités et des régions pour soutenir l’élaboration de plans de corridors dans des zones humides et des cours d’eau qui intègrent les zones sensibles de conservation et de biodiversité. Les intervenants forestiers et la population continueront d’être invités à participer à l’initiative grâce à des événements et à des ressources qui favorisent l’acquisition de connaissances et les mesures de conservation. De nouveaux alliés, comme le secteur agricole, ont été identifiés et la phase 2 veillera à la promotion de l’élaboration de ressources spécifiquement pour ce secteur. Des groupes responsables de bassins versants ont également été cernés à titre de nouveaux alliés et ceux-ci assurent la collecte de données liées à la connectivité aquatique et aux ponceaux endommagés qui devraient être restaurés afin de promouvoir les corridors aquatiques et de réduire les risques d’inondation.

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