Catastrophes non naturelles : Colonialisme, déplacements attribuables au climat et souveraineté autochtone dans le cadre des efforts de rétablissement de la nation Siksika à la suite d’une catastrophe

Cette étude de cas a été rédigée par : Darlene Yellow Old Woman-Munro, Lilia Yumagulova et Emily Dicken.

Six ans après l’inondation dévastatrice de 2013 dans la nation Siksika, une étude menée par la collectivité a documenté les services appropriés sur le plan culturel et dirigés par les membres de la communauté que le Dancing Deer Disaster Recovery Centre (DDDRC) utilise pour répondre aux besoins physiques, mentaux, spirituels et émotionnels des personnes évacuées pendant les déplacements attribuables au climat. La nation Siksika est située sur le territoire du Traité no 7, dans le sud de l’Alberta, à 87 km au sud-est de Calgary. Il s’agit de la deuxième plus importante réserve autochtone au Canada, dont la superficie de territoire est de 696,54 km2 et la population totale, de 7 500 habitants. Les Siksika font partie de la Confédération des Pieds-Noirs, qui comprend le nord du Montana et le nord du Dakota, s’étendant au nord jusqu’à Edmonton, en Alberta, et Prince Albert, en Saskatchewan. Au Canada, très peu de recherches ont été menées dans les milieux autochtones sur les relations entre les catastrophes non naturelles que sont le colonialisme, la dépossession territoriale et les déplacements attribuables au climat. Fondée sur une recherche dirigée par la collectivité, la présente étude de cas vise à documenter les répercussions à long terme de la dépossession territoriale, des déplacements attribuables à une catastrophe et des changements climatiques sur les membres de la nation Siksika, au moyen d’entrevues menées auprès des membres de la communauté par Darlene Yellow Old Woman-Munro, une aînée Siksika. Cette étude de cas vise à mettre en lumière les pratiques exemplaires de l’autodétermination autochtone dans le contexte des activités de rétablissement après une catastrophe. Au cours des prochaines décennies, l’on prévoit que les changements climatiques vont augmenter la fréquence et l’amplitude des inondations partout en Alberta. Les communautés autochtones du Canada sont particulièrement vulnérables aux impacts des changements climatiques en raison de la relation intrinsèque que les peuples autochtones entretiennent avec leurs territoires traditionnels et de leur dépendance vis-à-vis ces territoires (p. ex., leur subsistance qui repose sur les droits de chasse et de pêche), de leur éloignement des services essentiels, du manque d’infrastructures et de leur exposition aux risques climatiques. Par conséquent, il est important de comprendre de quelle façon les réponses aux changements climatiques et les mesures de planification d’urgence peuvent jouer un rôle dans la réduction des méfaits et la promotion de la guérison, au lieu de perpétuer les vulnérabilités et les inégalités.

Comprendre et évaluer les impacts

En juin 2013, huit communautés qui vivent le long de la rivière Bow, qui coule d’ouest en est, en traversant la nation Siksika, ont subi les conséquences dévastatrices d’une inondation. L’inondation a endommagé deux des principaux ponts et 171 maisons, entraînant le déplacement de plus de 1 000 personnes. Six ans plus tard, une étude dirigée par la collectivité a documenté les répercussions à long terme de la dépossession territoriale, des déplacements attribuables à une catastrophe et des changements climatiques sur les membres de la nation Siksika, au moyen d’entrevues menées auprès des membres de la communauté par Darlene Yellow Old Woman-Munro, une aînée Siksika. Ancrée dans des méthodologies autochtones, cette étude de cas communautaire cherchait à créer un espace sécuritaire sur le plan culturel afin d’explorer la dépossession territoriale causée par le colonialisme et les évacuations d’urgence dans le contexte des déplacements attribuables au climat. Les résultats des entrevues menées auprès des membres de la communauté ont révélé que l’inondation catastrophique a entraîné une dépossession accrue du territoire, de la culture, du sentiment de sécurité et des modes de vie traditionnels. Par exemple, on estime qu’un quart du territoire Siksika a été détruit ou est devenu inhabitable à cause de l’inondation. Le traumatisme causé par la catastrophe a perduré bien après le retrait des eaux de crue, surtout chez les enfants. Entrevue après entrevue, les membres de la communauté ont soulevé les points suivants : retraumatisme, peur de l’inconnu, augmentation des niveaux de stress associés à la nécessité d’emballer les biens et de les déménager, sentiments de perte à chaque déplacement, dépression, tristesse et perte de revenus occasionnée par les interruptions d’emploi pendant les déplacements. L’inondation a également contaminé l’eau et le sol, entraînant un accès restreint aux aliments saisonniers et aux médicaments traditionnels, surtout chez les aînés qui comptent sur ces médicaments pour assurer leur bien-être.

Déterminer les actions

Afin de cerner les pratiques exemplaires d’autodétermination autochtone dans le cadre des efforts de rétablissement après une catastrophe, Darlene a mené des entrevues auprès des membres de la communauté en vue de comprendre le long voyage de retour à la maison des évacués Siksika, qui ont composé avec les conséquences à long terme liées aux déplacements, aux pertes et aux traumatismes sur la santé physique et mentale. Grâce à ces discussions, Darlene a observé que plusieurs initiatives essentielles de continuité culturelle ancraient les évacués à leur culture, servant de « foyer » en créant des espaces culturellement sûrs tout au long des phases du déplacement. Historiquement, le mode de vie de la nation Siksika pour les familles, les amis et les voisins peut se résumer par le mot pied-noir ispommitaa (qui signifie « aider » ou « assister »). L’ispommitaa crée des liens entre les membres de la communauté, redonnant un souffle aux traditions culturelles de collaboration et créant un sentiment d’appartenance grâce à la participation à des activités et à des crises communes. Ces valeurs communautaires autochtones sont devenues le fondement des activités de rétablissement après une inondation et des soins communautaires tout au long des déplacements.

Mise en œuvre

L’un des organismes particulièrement uniques de la nation Siksika, le Dancing Deer Disaster Recovery Centre (DDDRC), a mis l’accent sur le concept de « rebâtir les familles et les communautés grâce à l’espoir et à la guérison ». Le Centre se compose d’un groupe multidisciplinaire de professionnels, de jeunes et d’un aîné traditionnel de la nation Siksika. L’équipe a soutenu les évacués pendant leur cheminement vers le rétablissement en offrant des mesures et des services de soutien culturellement sûrs pour leur santé physique et mentale ainsi que leur bien-être social. La diversité des compétences professionnelles, des expériences et des connaissances de cette équipe a permis de répondre aux multiples besoins des évacués en un même endroit, sous forme de services centralisés, au lieu de devoir visiter de multiples services. Voici une autre caractéristique unique : l’équipe a offert ces services dans les logements temporaires des personnes évacuées, servant ainsi de lien essentiel pour assurer la continuité culturelle entre la communauté et les lieux d’hébergement changeants des évacués. Le fait de rencontrer les personnes évacuées dans leurs logements temporaires et d’offrir de manière proactive des services en fonction de la confiance et des relations établies par les professionnels qui parlaient la langue des Pieds-Noirs constituait une pratique culturellement sûre qui répondait aux besoins des personnes plus vulnérables (notamment les aînés, les personnes atteintes d’une maladie chronique et les enfants handicapés). En étant présent et en observant bien ce qu’il se passait sur le terrain, le personnel du Centre a été en mesure de combler les lacunes cernées par la communauté en matière de rétablissement, notamment les répercussions sur les enfants associées aux déplacements attribuables aux catastrophes.

Résultats et suivi des progrès

Les résultats de cette étude indiquent que le rétablissement est un processus continu, car certains membres de la communauté n’étaient toujours pas de retour chez eux au moment des entrevues (printemps-été 2019), soit six ans et demi après la catastrophe.

Ressources

Liens vers l’étude de cas

Initialement publié par l’Institut canadien pour des choix climatiques

Ressources supplémentaires :

Si vous souhaitez en savoir plus sur les expériences et les histoires des peuples autochtones dans un climat changeant, visitez le Indigenous Climate Hub (en anglais seulement). Vous pouvez également trouver sur la plateforme un certain nombre d’outils de ressources sur le changement climatique pour que les peuples autochtones puissent surveiller et s’adapter au climat en constante évolution.

Faites partie du Hub pour échanger des connaissances et des expériences avec d’autres leaders autochtones du changement climatique travaillant sur des questions similaires, en vous inscrivant ici : https://indigenousclimatehub.ca/members-network/