Caractérisation des berges de la partie fluviale du Saint-Laurent

Au cours des dernières décennies, les changements d’utilisation des terres riveraines couplés à la multiplication des infrastructures fluviales ont renforcé la vulnérabilité pour les communautés et les écosystèmes situés le long du Saint-Laurent. L’exposition aux géorisques évolue également en raison du changement climatique en cours soulignant le besoin de stratégies de gestion flexibles pour les environnements riverains. Dans cette perspective, la cartographie basée sur les SIG permet d’intégrer un large éventail de données environnementales. Cependant, ces ensembles de données sont souvent incomplets et non-homogènes sur de grandes échelles géographiques, ce qui peut être problématique pour la mise en œuvre de stratégies régionales d’aménagement du territoire.

En utilisant le système fluvial du Saint-Laurent (SFSL) (Québec, Canada) comme étude de cas, cette analyse rapporte et décrit une approche à haute résolution pour cartographier la position, les caractéristiques et la susceptibilité à l’érosion des berges naturelles et artificielles des cours d’eau à partir de données de télédétection, de travaux de terrain, et issues des connaissances locales. Cette approche a permis d’identifier les sites sujets à l’érosion et de mettre en évidence les processus d’érosion dominants ainsi que de les contraindre spatialement le long du SFSL. Le cadre géospatial proposé constitue (1) un portrait global du paysage fluvial qui permettra une mise en œuvre efficace de la surveillance future et des études basées sur les processus ; et (2) une première étape pour soutenir les intervenants en aménagement du territoire dans la sélection de mesures appropriées pour assurer une plus grande résilience des communautés et des écosystèmes riverains.

Comprendre et évaluer les impacts

Les municipalités côtières et riveraines situées le long du Saint-Laurent sont exposées aux fluctuations des niveaux d’eau et à l’érosion des berges dont la fréquence et l’intensité sont affectées par les changements climatiques. Ces aléas sont des composantes importantes du système fluvial qui contrôlent l’évolution des berges et des écosystèmes côtiers, mais ils menacent grandement le cadre bâti ainsi que la sécurité des populations. Le projet s’inscrit dans le cadre du volet « tronçon fluvial » de la mesure 2.6 du Plan d’action 2013-2020 sur les changements climatiques (PACC) du gouvernement du Québec, qui vise à soutenir les municipalités situées le long du Saint-Laurent confrontées à l’érosion côtière. De plus, les inondations majeures vécues dans diverses parties de la province lors des printemps 2017 et 2019 ont mis de l’avant l’importance de réviser les outils de planification existants ainsi que collecter de nouvelles données pour améliorer la gestion des aléas hydrométéorologiques. Ce projet s’est appuyé sur une collaboration étroite avec les organismes coordonnant les Tables de concertation régionales (TCR) du territoire concerné ainsi qu’avec l’équipe d’Ouranos impliquée dans un projet conjoint faisant aussi partie de cette mesure du PACC.

Déterminer les actions

Suite aux événements de 2017 et 2019 dans le système fluvial du Saint-Laurent (SFSL), de nombreuses questions concernant les futures politiques de gestion à grande échelle ont été soulevées afin d’aider les municipalités à faire face aux risques d’érosion. Avec le changement climatique en cours, la question du maintien ou de l’adaptation des stratégies de gestion des géorisques est devenue encore plus cruciale pour assurer la sécurité des habitants tout en limitant les coûts financiers. Actuellement, un pourcentage élevé du processus décisionnel pour la gestion de l’érosion est basé sur (1) des considérations économiques, (2) des approches locales non-intégrées pour développer des solutions et (3) les craintes des parties prenantes. Ces stratégies déficientes résultent généralement de la rareté des connaissances et des informations à l’échelle régionale, ce qui limite le dialogue objectif entre les parties prenantes.

Dans cette perspective, le développement d’une base de données géospatiale précise sur le milieu riverian devient nécessaire afin d’établir un cadre d’analyse spécifique au SFSL et une base de référence pour les futures études quantitatives sur les sites sujets à l’érosion. Avec de telles informations manquantes le long du SFSL, il était nécessaire de mettre en place une approche de cartographie qualitative à large échelle afin de soutenir les prises de décisions et la gestion intégrée en établissant (1) les bases conceptuelles des risques d’érosion ; et (2) une méthode standardisée de positionnement et de classification des berges adaptée à cet hydrosystème.

Mise en oeuvre

Cette étude de cas sur le système fluvial du Saint-Laurent propose une approche adaptable basée sur les systèmes d’information géographique (SIG) et développée pour cartographier les positions et les propriétés des berges à partir de l’intégration d’informations géospatiales issues de travaux de terrain, d’outils de télédétection et des connaissances locales. Cette méthode, qui peut être adaptée à n’importe quel grand système fluvial, fournit un portrait détaillé du paysage fluvial grâce à des cartes de haute résolution (échelle 1:600) et de précision (<1 m). Elle permet également d’identifier les points chauds d’érosion des berges et les processus géomorphologiques à l’œuvre, tout en définissant leur répartition spatiale le long du cours d’eau. Le développement d’un tel cadre géospatial précis constitue (1) un portrait initial du paysage fluvial permettant une mise en œuvre efficace des prochaines études de suivi et de processus ; et (2) une première étape pour soutenir les acteurs de l’aménagement du territoire dans la sélection de mesures appropriées pour assurer une plus grande résilience et une protection adéquate à long terme des communautés et écosystèmes riverains.

Exemples d'indice d'érosion et de classification sur les berges naturelles et artificielles

L'étude a permis de répertorier et classifier les berges du St-Laurent en différentes catégories, chacune présentant différents niveaux d'érosion. Source : Bernier, Chassiot & Lajeunesse

Image of a sustainable urban rainwater management project in the City of Vancouver. The schematic includes incorporation of greenscaping as a way of not only beautifying the streetscape, but also to provide functional purposes such as rainwater management and small areas of habitat refugia. The image shows the integration of sustainable design with climate adaptation actions. Specific foci are on the inclusion of more city street trees, native plants, areas for pollinators, rain gardens, and the creation of common spaces for gathering.

Résultats et suivi des progrès

L’équipe de recherche a mis sur pied une base d’information géospatiale essentielle pour l’appréciation des risques liés à l’érosion des berges du tronçon fluvial du Saint-Laurent. L’utilisateur pourra y retrouver (1) la cartographie de la classification du rivage (types de berge et leur artificialisation), (2) les conditions de dégradation des structures artificielles et (3) l’état de l’érosion des segments naturels ou artificialisés. Les secteurs les plus vulnérables à l’érosion ont également été cartographiés et documentés par des fiches qualitatives imagées. Ces fiches exposent les caractéristiques du rivage et les principaux processus géomorphologiques naturels (courants, glace, etc.) et humains (batillage, gestion des niveaux d’eau) associés à l’érosion des berges pour ces secteurs névralgiques, et ce, afin de mieux représenter la dynamique locale. Les données géospatiales associées à la cartographie des berges, les fiches qualitatives et le rapport du projet, lequel inclut la description de la méthodologie et des résultats, sont disponibles au téléchargement.

Prochaine(s) étape(s)

Les conclusions du projet ont soulevé que très peu d’informations sur la dynamique des berges étaient actuellement disponibles pour le Saint-Laurent fluvial. Cette lacune constitue un obstacle majeur à une prise de décision éclairée pour implanter des stratégies d’aménagement durables, mais aussi pour anticiper le rôle des changements climatiques sur les aléas d’érosion. Avec la volonté d’identifier les meilleures solutions d’adaptation pour les communautés riveraines, il devenait donc indispensable de mieux évaluer les mécanismes d’érosion impliqués à court, moyen et long termes sur le fil du Saint-Laurent.

C’est ainsi que, pour combler cette lacune majeure en connaissances, un nouveau projet de recherche financé par le MELCC et réparti sur quatre ans a été lancé à l’été 2020. Il vise à développer et tester des méthodes de suivi de l’érosion sur huit sites exposés à l’érosion dans le tronçon fluvial du Saint-Laurent. Ces sites ont été sélectionnés selon les résultats de la caractérisation, les besoins exprimés par les communautés et afin de représenter la plus grande diversité de types de berge possible.

Ce projet s’appuie sur une approche de suivis morphosédimentaires saisonniers réalisée à l’aide de drones et d’analyses photogrammétriques qui permet la production de modèles topographiques à haute précision géodésique. De plus, les taux historiques de migration des berges seront estimés à l’aide d’une analyse de photographies aériennes, laquelle permettra aussi d’observer les modifications liées aux changements des habitats riverains au cours du dernier siècle. L’ensemble des résultats sera intégré dans de nouveaux outils, soit des portraits techniques et des plateformes interactives web accessibles à tous.

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